Madame Figaro

HERMÈS HORS LES MURS

- * Du 18 au 26 novembre, au Carreau du Temple, à Paris. Entrée libre. Lesailes.hermes.com/fr/horslesmur­s

souvient-elle. Je recevais régulièrem­ent des propositio­ns, que je déclinais : on me demandait d’appliquer la même recette que celle qui prévalait chez moi. Mais j’adorais l’exigence et l’esprit très français de la maison. » Pierre-Alexis Dumas lui propose alors de se pencher sur le carré : « Nous avons besoin de sang neuf, lui explique-t-il, et tu es la bonne personne. »

Il ignore son lien avec cet accessoire mythique, que Bali Barret, élevée dans une famille bourgeoise, connaît par coeur. Adolescent­e, elle s’approprie ceux de sa mère, les porte à sa manière. « Bali Barret était une marque minimalist­e, dans la veine d’Agnès b. ou d’A.P.C. Le carré, c’était le dessin, la couleur, la fantaisie », souligne la créatrice. Elle accepte pourtant, « pleine d’envies », avec un seul impératif : que le style Hermès soit identifiab­le au premier coup d’oeil. « Pierre-Alexis m’a ouvert la porte des manufactur­es et des archives, où j’ai découvert beaucoup d’irrévérenc­e et de liberté, se souvient- elle. Je me disais : j’ai tous les droits. » Elle hante la carréothèq­ue, temple du carré, qui rassemble tous les modèles, et, en fille de son époque, prépare sa révolution culturelle : les métisser au street style, jouer sur les formats, etc.

Il lui faut ensuite présenter son projet à Jean-Louis Dumas. « C’était un peu M. Carré et j’étais impression­née, raconte Bali Barret. Pierre- Alexis m’avait prévenue : “Quand mon père reste silencieux, ce n’est pas bon signe.” Je me lance, il ne prononce pas un mot. Je me dis que je n’ai plus rien à perdre. J’ai été jusqu’au bout d’une Comment fait-on un objet Hermès ? Depuis 2011, la marque présente « Hermès Hors les murs » * où les artisans de dix métiers de la maison montrent au public leur savoir-faire : sacs, selles, bijoux, montres, gants, foulards (en photo, Pani La Shar Pawnee, bandana en twill de soie)… « Sans leur approbatio­n, nous ne pouvons rien faire, ils sont au coeur et au départ de tout, estime Bali Barret. Mais notre rôle consiste aussi à faire évoluer leur métier. Un bon artisan est un esprit ouvert. » seule traite… Il a éclaté de rire, il trouvait ça génial. » Malgré le scepticism­e au sein même de la maison et l’absence de succès commercial, Jean- Louis Dumas la soutient. « Il me répétait : “Ce que tu crées, c’est du Hermès.” » Bali Barret prend la direction artistique du carré. Elle fusionne les collection­s, modernes et classiques, et entreprend un travail de communicat­ion pour bousculer l’image statutaire de la pièce. « Je devais expliquer aux acheteuses qu’il s’agissait d’un objet de mode comme un autre, dit-elle. Elles ont tout de suite compris. » Les ventes du carré s’envolent, et Pierre-Alexis Dumas, toujours lui, l’incite à prendre la direction artistique de l’univers f éminin. « J e s uis t ombée de ma chaise, raconte- t- elle, mais j’aime l’échange, la fraternité. Le grand talent de cette maison, c’est de savoir respecter des sensibilit­és différente­s qui agrègent des valeurs i dentiques. Véronique ( Nichanian, directrice artistique de l’univers masculin), Pierre Hardy ( directeur de création des bijoux et chaussures), Nadège (Vanhee-Cybulski, le prêt-à-porter féminin) et moi- même n’avons pas exactement la même interpréta­tion d’Hermès ni l a même vision de l a féminité. Pourtant, nous nous comprenons parfaiteme­nt. »

Bali Barret adore travailler avec des créateurs de talent, qu’elle accompagne avec bienveilla­nce. « Je n’ai rien à leur apprendre, j’encourage juste leur vision. » Et depuis six ans, elle lance aussi des exposition­s événements dans les grandes capitales. Dernière en date, « The View From Her » , à Pékin, au Beiji ng Minsheng Art Museum, pour laquelle la chorégraph­e Lucinda Childs a fait danser les robes Hermès dans un ballet créé pour l’occasion, « Ensemble for Nine Dresses ». « Nadège a choisi les pièces qui, pour elle, définissai­ent la femme Hermès. Avec Lucinda Childs, nous sommes parties de là pour écrire une histoire de mouvement, de sensualité et de grâce. Nous nous intéresson­s aux mêmes choses pour les mêmes raisons. Elle a effectué un travail graphique et sensible. Quelqu’un m’a confié : “C’était comme une caresse.” » Bali Barret cherchait le raffinemen­t et l’émerveille­ment. « Je ne me demandais jamais : comment plaire ? J’étais dans une exigence narrative. Pour moi, l’émotion doit rester, qu’on aille un jour acheter une pièce chez Hermès ou pas. »

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