Madame Figaro

C’ es t d ’a i m er

- PAR FRANKLIN SERVAN-SCHREIBER / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON

Aimer a mille sens mais un seul verbe. On aime à tout-va, son chat autant qu’une Alexia, un bouquet de fleurs autant qu’un bon livre. Aimer son enfant n’est pas la même chose qu’aimer ses parents ; pourtant, nous ne disposons que de ce verbe pour qualifier notre attachemen­t. Pourquoi si peu de subtilité dans l’expression de ce sentiment fondamenta­l à l’humanité, celui- là même que nous tenterons de célébrer lors des fêtes de Noël ?

En anglais aussi, on « love » n’importe quoi, avec la distinctio­n de pouvoir liker, comme sur Facebook. Ces petits messages d’appréciati­on numérique sont des reconnaiss­ances faciles plutôt que de véritables communicat­ions d’émotions. Les Inuits ont cinquante mots pour décrire la neige, nous n’en avons qu’un pour décrire l’amour, au point d’avoir adopté ce triste « like » dans notre vocabulair­e.

Qu’est- ce donc que l’amour, celui qui nous transporte vers un autre, nous rassure au fond du désarroi, nous fait pleurer de bonheur ou encore nous donne la rage de surmonter toutes les épreuves ? Quel est l’essentiel reliant toutes les évocations de ce verbe qui fait rêver ? L’amour, pour moi, est d’abord une transmissi­on, il est action. Il ne se limite pas simplement à une pensée, une prière ou un désir, qui restent intérieurs. L’amour se réalise dans l’acte résultant de nos intentions. Méditer, prier, désirer se transforme­nt en amour à travers leur concrétisa­tion : une colère contrôlée, une aumône bien choisie, une caresse attisante. L’amour se transmet par des gestes, des mots, des actes. Il se ressent par le corps avant tout. Sa mesure est l’accroissem­ent de notre rythme cardiaque, la dilatation de notre pupille, l’élévation de notre taux d’ocytocine. L’amour nous donne biologique­ment la sensation d’exister.

Pour aimer et s’épanouir, il faut connaître deux secrets de l’amour. Le premier est qu’il ne se reçoit qu’en s’offrant. Ainsi, être aimé demande de se rendre utile aux autres, à ses collègues, à sa famille, à tous ceux que l’on peut « toucher » . Le second est qu’il faut s’aimer soi- même afin d’aimer les autres. L’amour demande d’apprendre à se célébrer pour mieux célébrer ceux qu’on aime. Auteur de « Quatre Frères, un ami, et la recherche du sens de la vie », aux éditions Robert Laffont.

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