LES FEMMES DANS LE CINÉMA
la terrasse. Je ne suis pas fumeur, mais je préfère ça : Catherine Deneuve n’est pas du genre à vous planter pour aller fumer ailleurs. Elle fume. Aussi lointaine peut- elle être parfois, dans une majestueuse réserve qui renverrait n’importe quelle célébrité éphémère dans la cour de son immeuble, Catherine vous gratifie d’une présence réelle et merveilleuse. Sa curiosité, sans doute, l’intérêt qu’elle a pour tout. […] Mademoiselle Deneuve, puisque c’est ainsi qu’il convient de l’appeler, est une star, et qui s’intéresse à elle est vite ébloui par l’existence qu’elle mène, les gens avec qui elle travaille, ceux qu’elle a rencontrés, les circonstances qu’elle a connues, les cinéastes qui l’ont filmée, la carrière qu’elle aura réussi à mener. Je suis en face de l’Hélène d’ « Hôtel des Amériques », de celle du « Vent de la nuit », en face de la Geneviève des « Parapluies de Cherbourg », de l’héroïne d’« Indochine ». De la Tristana de Buñuel, même. Et je crois que je n’en reviens pas. Catherine Deneuve aura eu cette manière de passer dans nos vies et d’en être, discrètement, l’une des références. Sa normalité impressionne, celle d’une femme vivante, avec ses passions, ses humeurs, ses livres, son style, sa famille, sa façon de prendre soin de ses amis. […] Vincent Lindon, qui vit dans son quartier, me dit que, lorsqu’il rentre tardivement, il ne peut s’empêcher de vérifier si sa fenêtre est allumée. « Elle n’est pas couchée, quel film peut-elle bien regarder ? » se demande-t-il à chaque fois.
Pourquoi y a- t- il aussi peu de réalisatrices en compétition ? Chaque année, la question inonde les journaux, et il me faut bien l’aborder ici. D’évidence, les femmes cinéastes sont moins nombreuses que les hommes. [...] Depuis quelques années, leur nombre augmente et, pour le dire simplement, toutes (à part Kathryn Bigelow et Susanne Bier) sont passées par Cannes, en Sélection officielle ou dans les sections parallèles. […] Le débat sur la place des femmes dans le cinéma est essentiel, et quand il a surgi, à l’occasion d’une violente mise en cause du Festival, je n’étais guère habitué à la joute publique sur d’autres sujets que les miens et face à des gens dont c’est le juste combat de tous les jours. J’ai grandi dans une famille où les minorités étaient défendues et célébrées. Mais une sélection cannoise, c’est autre chose : l’engagement de l’individu ne peut être celui du sélectionneur. Les oeuvres sont là pour leurs qualités propres. […] Le processus de sélection n’est soumis à aucun critère autre que notre goût, fût- il éventuellement mauvais (et ce mauvais goût s’applique dès lors de façon parfaitement égale entre les femmes et les hommes !). Nous faisons avec l’état des choses : un festival n’est que le reflet d’une situation globale. À l’évidence, la place faite aux femmes est insuffisante, dans l e cinéma comme aill eurs. Se contenter de faire de Cannes le bouc émissaire du problème global ne nous avancera à rien. […] Mais ce n’est pas à Cannes, une fois par an au mois de mai, qu’il faut poser le problème de la présence des femmes dans le cinéma, c’est partout et toute l’année.
« Le Festival construit autant du désir que de la solitude »