Madame Figaro

CATHERINE POULAIN ET ISABELLE CARRÉ ESPRITS LIBRES

La première est l’auteur d’un bestseller inattendu, “le Grand Marin”, récit de son expérience extrême sur un navire de pêche en Alaska. La seconde, actrice sensible, a eu un coup de coeur pour ce texte puissant. Dialogue entre deux accros aux émotions for

- PAR MINH TRAN HUY / PHOTOS LOUIS TERAN

Ramasseuse­de p o mmes a u Canada, barmaid à Hongkong, employée sur des chantiers en Amérique, Catherine Poulain a aussi pêché en Alaska pendant dix ans. C’est cette dernière expérience, inouïe, qu’elle décrit dans « le Grand Marin » *, premier roman mettant en scène une petite Française qui a tout laissé derrière elle pour venir à Kodiak. Lili embarque sur le « Rebel », où elle lutte, à l’égal des hommes, contre une mer déchaînée, à la poursuite des bancs de morue et de flétan, et rencontre celui qu’elle va aimer, le grand marin, brûlé par la vie et l’alcool… L’actrice Isabelle Carré a eu le coup de foudre pour ce bestseller surprise, couronné par une douzaine de prix (prix Ouest-France Étonnants Voyageurs, prix NicolasBou­vier, prix J oseph- Kessel…). Entretien croisé autour d’un récit sur la beauté des extrêmes, où le combat contre les éléments est aussi et surtout un combat contre soi- même, ses limites physiques et mentales.

« MADAME FIGARO ». – Isabelle Carré, qu’est-ce qui vous a le plus marquée dans « le Grand Marin » ?

ISABELLE CARRÉ. – L’absence de peur. Mes amis m’appellent « Craint tout woman » parce que j’ai peur de tout, des accidents, des maladies, de mon ombre le soir. Et là, on a cette femme qui affronte un travail et un environnem­ent extraordin­airement rudes, et qui s’en va au-devant d’hommes à mi-chemin du repris de justice et de la Légion étrangère…

CATHERINE POULAIN. – Les hommes ne m’effrayaien­t pas. J’avais travaillé avec des saisonnier­s au Québec ; nous couchions dans des baraquemen­ts les uns à côté des autres. Il y avait deux autres filles à part moi, qui sont parties car elles avaient peur. Mais ils étaient gentils, en réalité. S’il y en avait un qui voulait m’embêter, un autre venait toujours me défendre. Je n’ai pas eu peur des hommes en Alaska, mais la peur était là, bien sûr. Seulement depuis toujours, si j’ai peur, je dois aller voir, car je ne veux pas que cela m’arrête. Je viens d’une famille de cinq filles et d’une génération – j’ai 55 ans – où l’on nous répétait que les garçons avaient le droit de faire des choses que les filles n’avaient pas le droit de faire. J’ai décidé très tôt qu’on ne m’imposerait pas ces contrainte­s.

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