Madame Figaro

LA HAUTE EXIGENCE DES PIONNIÈRES

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Pourquoi choisir des postes aussi exposés ? Certaines, comme Margrethe Vestager, commissair­e européen à la concurrenc­e, défient des États et de puissantes multinatio­nales. D’autres bénéficien­t d’une protection policière, comme Eva Joly au moment de l ’ a f f a i r e El f , a u milieu des années 1 990. Leur moteur premier ? Le désir d’action : « J’ai occupé des postes élevés, mais souvent dans des fonctions supports ou administra­tifs, explique Hélène Crocquevi e i l l e , di r e c t r i c e générale des Douanes, qui pilote plus de seize mille agents. J’ai eu envie de plonger dans l’action et l’opérationn­el, d’ordinaire plus masculins. » Leur carrière, arrachée à force de travail et de pugnacité, les a psychiquem­ent préparées à ces postes ardus : « Pour grimper, nous avons bataillé contre le machisme et affronté des coups bas, explique Margrethe Vestager. Ces engagement­s développen­t intransige­ance, rejet des compromiss­ions, goût prononcé pour la transparen­ce, haute exigence... pour nous comme pour les autres. Et surtout une allergie à toute forme de corruption. C’est le tempéramen­t des pionnières. »

PETITE ET GRANDE CORRUPTION

Elles ont aussi la conscience aiguë que les femmes sont les premières victimes de la corruption, surtout dans les pays pauvres. Entre 15 % et 30 % de l’aide au développem­ent disparaît chaque année, selon l’OCDE (Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s). « La petite corruption, le classique bakchich exigé par des fonctionna­ires véreux, a des conséquenc­es dramatique­s, souligne Anne-Marie Leroy, vice-présidente de la Banque mondiale. Quand on vit avec moins de 1 dollar par jour, les citoyens les plus défavorisé­s, souvent des femmes, n’ont plus accès aux services publics, aux soins, à la justice, à la sécurité ou à l’éducation. Par ailleurs, il existe aussi ce qu’on appelle la grande corruption. Elle consiste à truquer des marchés publics, à verser des pots- de- vin à des politiques. Résultat ? Des routes restent inachevées, des écoles s’effondrent, des systèmes de santé sont paralysés. » Bien sûr, la corruption n’est pas l’apanage des hommes. D’éminentes femmes de pouvoir ont t r e mpé d a n s d e s dossiers douteux. Telles Leïla Trabelsi, l’épouse de l’ancien dictateur tunisien, Di l ma Roussef f , l’ex- présidente du Brésil, destituée en août 2016 pour maquillage des comptes publics. Ou Neelie Kroes, l’ancienne commissair­e européenne à la Concurrenc­e, qui a dirigé une société offshore aux Bahamas au mépris des règles européenne­s. Si la corruption n’a pas de sexe, en revanche, la lutte contre la criminalit­é financière serait davantage incarnée par des femmes. En 2007, un sondage CSA pour le Women’s Forum montre que 70 % des Français estiment qu’il y aurait moins de corruption si les femmes avaient davantage accès à des postes à responsabi­lités. En période de crise, ces justicière­s incarnent, comme les lanceurs d’alerte, une version moderne du mythe de David contre Goliath. À l’heure de l’entrée en vigueur de la loi Sapin II sur la transparen­ce, la lutte contre la corruption et la modernisat­ion de la vie économique, « Madame Figaro » a rencontré ces incorrupti­bles du XXIe siècle.

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