Phénomène : family business. Aujourd’hui fratries et dynasties fascinent les griffes de luxe.
HADID, KARDASHIAN, MOSS…, AUJOURD’HUI, LE GOTHA DE LA MODE A L’ESPRIT DE CLAN. FRATRIES ET DYNASTIES SATURENT LES RÉSEAUX SOCIAUX ET FASCINENT LES GRIFFES DE LUXE QUI SEMBLENT REDÉCOUVRIR LES VALEURS DE LA FAMILLE. LA FILIATION, NOUVEAU FILON MARKETING ?
ELLES SONT JEUNES. BELLES. CÉLÈBRES. ET SURTOUT, elles portent le même nom de famille. Aucun doute : les soeurs Hadid (filles du riche promoteur immobilier Mohamed Hadid et de l’ex- mannequin néerlandaise Yolanda Foster) sont le it phénomène du moment. Une sororité de beautés dont tout le monde parle et que les griffes de luxe s’arrachent à prix d’or. L’une, Gigi ( dont le vrai nom est Jelena), a été élue à 20 ans mannequin de l’année aux BritishFash ion Awards le 5 décembre dernieret compte 28,3 millions de followers sur Instagram. L’ autre, Bel la, d’un ans a cadette, suivie par 9,8 millions de followers, cumule les contrats d’égérie avec des maisons prestigieuses, telles Dior ( beauté), Fendi, Nike, J. W. Anderson, Calvin Klein ou Givenchy. Aujourd’hui, c’est main dans la main que les Hadid sisters se rendent aux Fashion Weeks, foulant les podiums de Ch anel,Balm ain, Tommy Hilfiger ou Bottega Veneta. Le tout sans jamais oublier d’inonder les réseaux sociaux de selfies quotidiens et de portraits familiaux sous le s i gne de l ’ autopromotion. Leur modèle de réussite ? Les Kardashian, dynastie la plus célèbre de la téléréalité depuis presque dix ans. Et si les soeurs K se révèlent aussi être leurs meilleures amies, les deux Californiennes semblent prêtes à tout pour marquer de l eur patronyme l’industrie de la mode.
FASHION FILIATION
« Le nom de famille est devenu une marque, témoigne JeanFrançois Amadieu, sociologue et auteur du livre “la Société du paraître” ( éditions Odile Jacob). Et une marque, ça vaut quelque chose. » Le patronyme serait-il le garant ultime d’une success fashion story ? Ce ne sont pas les traits des égéries en vogue qui contredisent la tendance. Lily-Rose (fille de Vanessa Paradis et de Johnny Depp), les ados Kaia et Presley Gerber ( enfants de Cindy Crawford), Georgia May Jagger (fille de Jerry Hall) ou Lottie Moss (soeur de Kate) : la descendance des supermodèles squatte aujourd’hui les campagnes de pub des marques de luxe et les couvertures des magazines de mode. « Être la “fille de” ou le “fils de” est un gain important en termes de temps et d’argent pour un annonceur, l’investissement sur l’image ayant déjà été fait parle passé », poursuit le sociologue.
Ajouté au pouvoir de fascination que provoque la mise en lumière d’une lignée de célébrités, opter pour un héritier comme ambassadeur ou ambassadrice semble être le filon stylé du moment. En choisissant L il y-Rose Depp, Chanel lieu ne seconde fois le nom de la maison au clan Paradis. Car si l’héritière de deux légendes internationales incarne à seulement 17 ans le nouveau visage de l’eau de parfum N° 5, sa mère fut celui de la fragrance Coco l’année de ses 19 printemps. « Ce népotisme, on le retrouve depuis le XIXe siècle dans l’ensemble des professions de l’art et du spectacle, atteste Jean- François Amadieu. Peu importe que cela suscite de l’ adoration ou dure jet, l’ important estd’ intéresserle public. » Et ça fonctionne : « La popularité de l’enfant, cumulée à celle de son parent, fait littéralement grimper le nombre de fans… et donc le baro- mètre de séduction des marques » , ajoute Paula Aguilar, styliste au bureau de tendances Promostyl.
LA FAMILLE, VALEUR REFUGE
Si le phénomène n’est pas nouveau – on se souvient de l’ère Hilton et de Paris, son héroïne aussi riche que superficielle –, le Web 2.0 et son déferlement d’images et d’informations personnelles ont bouleversé les règles du jeu de la gloire. « Ces dernières années, le marketing social a pris le dessus sur tous les autres outils de communication, explique Paula Aguilar. Les marques s’attachent désormais au nombre de followers que cumule une it girl sur son compte Instagram ou Snapchat. Si elle appartient à une famille ultra-connectée et suivie par des millions de fans sur les réseaux sociaux, c’est le jack pot assuré pour un label. » « La notoriété de chacune des personnalités renforce l’ensemble », insiste Jean-François Amadieu. Avec ses six enfants âgés, de 19 à 36 ans et un (beau-)père transgenre, la fratrie Kardashian touche un large public, ce qui explique en partie la popularité des neuf saisons du reality-show américain.
Qui dit famille dit chef de clan. Chez les Kardashian, Kris Jenner a su bâtir autour de sa progéniture un véritable empire médiatico-financier (ce dernier ne pèserait pas loin du milliard de dollars). Un statut de reine mère du business consanguin que les Américain sont baptisé« momager » (contraction de« mom» etde « manager »). « Je ne voulais pas que mes enfants s’éloignent de moi en faisant leur vie chacun de leur côté, confie la sexagénaire dans son autobiographie. On vit et on travaille ensemble. » Une maisonnée sans talent connue pour être connue… La stratégie commerciale fait mouche outre-Atlantique. La preuve : personnage- clé de « The Real Housewives of Beverly Hills » – un reality-show diffusé sur le petit écran depuis 2010 –, Yolanda Foster profite de sa mise en lumière pour présenter et exposer ses filles Gigi et Bella au reste du monde. « Médiatiser son entourage est une pratique très américaine, confirme Paula Aguilar. En Europe, le phénomène est plus maîtrisé. Chez les Beckham, par
exemple, la communication parentale est méticuleusement orchestrée. Quand on voit que Romeo est depuis 2013 la coqueluche de Burberry, on a du mal à imaginer que ce soit le petit garçon de 10 ans à l’époque qui ait choisi la très tradi marque anglaise pour exprimer ses envies mode du moment. » Quant à Brooklyn, il a aussi été engagé par la griffe en 2016 pour shooter la campagne du parfum This Is Brit. Du haut de ses 16 ans, l’aîné de Victoria a transformé un simple hobby d’ado en un shooting professionnel pour une grande marque de luxe...
UN BUSINESS EN TRIBU
« Nous sommes une industrie. » Voilà comment l e rappeur Kanye West définit le couple qu’il forme avec Kim Kardashian. Selon « Forbes », Kimberly aurait empoché 51 millions de dollars en 2016. Et rien ne semble arrêter le duo professionnel. Après une retraite de trois mois, à la suite du traumatisant braquage qu’elle a subi pendant l a Fashion Week de Paris en octobre dernier, la sulfureuse brune signe d’une image son grand retour. Et l’audience est au rendez- vous : sa photo de famille (évidemment !) postée sur Instagram est likée quatre millions de fois et récolte plus de cent trente mille commentaires. « Chez cette nouvelle génération de célébrités biberonnée aux réseaux sociaux, la frontière entre l a vie personnelle et l e business n’existe pas », précise Paula Aguilar. Chaque instant de vie, qu’il soit bon ou mauvais, est propice au business. Une concurrence i ntrafamiliale, paradoxalement, est source de profits. Grâce à sa marque de produits de beauté (Kylie Cosmetics) et à sa ligne de prêt- à- porter ( Kendall + Kylie) lancée avec sa soeur mannequin Kendall, Kylie Jenner a gagné près de 18 millions de dollars l’an passé. Un joli pactole qui érige la benjamine de la lignée en K à la deuxième place du classement des trente entrepreneurs à succès de moins de 30 ans du magazine « Forbes » . « Les sagas familiales ont toujours passionné les gens. Ici, ce n’est pas seulement la marque qui intéresse les consommateurs, mais aussi la dynastie dans son ensemble », atteste Jean-François Amadieu. Mais l’élève serait-elle en train de dépasser son maître ? Car si la jeune femme de 19 ans doit les prémices de sa médiatisation à son aînée, c’est bien elle qui fait le reste du job. Son incroyable popularité sur les réseaux sociaux ( plus de 100 millions d’abonnés sur Snapchat – personnalité la plus suivie de l’application – et 83,5 millions sur Instagram) est sans conteste son plus bel atout de vente.