Madame Figaro

Cover story : Marion Cotillard et Guillaume Canet, reality show.

DANS SON FILM “ROCK’N’ROLL”, L’ACTEURRÉAL­ISATEUR ET SA COMPAGNE, SUPERSTAR ET ÉGÉRIE DIOR, SE METTENT EN SCÈNE AVEC UNE INSOLENTE AUTODÉRISI­ON. UNE MISE EN ABYME DU STARSYSTEM QU’ILS REJOUENT POUR NOUS DEVANT L’OBJECTIF DE JEAN-BAPTISTE MONDINO. SÉANCE EX

- « Rock’n’Roll », de Guillaume Canet. En salles le 15 février.

CC’EST UN DUO EMBLÉMATIQ­UE DU CINÉMA, UN DE CES « POWER COUPLES » sans équivalent en France. Marion Cotillard, la superstar à oscar — la seule à s’être imposée à Hollywood —, l’actrice habitée magnifiée par James Gray ou Nicole Garcia, l’égérie glamour – et ambassadri­ce Dior. Lui, Guillaume Canet, son compagnon, acteur à succès menant une brillante carrière de réalisateu­r qui lui a valu un césar (« Ne le dis à personne », 2006). Ensemble depuis neuf ans, ces discrets ont d’abord réussi à esquiver toute intrusion dans leur vie privée. Ce n’est plus si vrai, la supercéléb­rité de Marion Cotillard ayant attisé curiosités et rumeurs malsaines. Le couple, solide, résiste sans difficulté­s : un deuxième enfant verra le jour dans quelques semaines. Drôles et cultivant une saine autodérisi­on, Marion Cotillard et Guillaume Canet ont décidé de rire de leur singulière vie de vedettes. C’est le sujet de l’irrésistib­le « Rock’n’Roll », cinquième film réalisé par Guillaume Canet et libérateur retour derrière les caméras après le demi-succès de « Blood Ties », hommage au Nouvel Hollywood des années 1970. Le fil rouge de cette comédie déjantée ? Mixer le vrai, le faux, le fantasme dans un jeu de miroirs déformants, farce jubilatoir­e qui est aussi une fable grinçante sur les moeurs du show- biz, sur l’ambition, sur le jeunisme. On y voit un Guillaume Canet en pleine crise de la quarantain­e, prêt à toutes sortes de dingueries pour redevenir un acteur « rock », sous le regard médusé de sa femme, qui, elle, apprend le québécois en mode « actor studio » pour les besoins du film de Xavier Dolan.

Dans une séance photo exceptionn­elle mise en scène par Mondino, les deux acteurs ont revisité à leur façon le célèbre « bed-in » de John Lennon et Yoko Ono de 1969 (la conférence de presse dans leur lit). Il s’agit, comme c’est le cas de «Rock’n’Roll », d’une savoureuse mise en abyme du star-system. Interview exclusive.

« MADAME FIGARO ». – Dans « Rock’n’Roll », vous cassez le mythe du couple glamour du cinéma français. Pourquoi jouer ainsi avec votre image ?

GUILLAUME CANET. – Une jeune journalist­e m’a fait remarquer un jour que ma vie de père quadra, en couple depuis longtemps, n’était ni sexy ni rock, comparée à celle de la jeune génération. Cela m’a donné l’idée d’une comédie où cette simple phrase déclenche une crise existentie­lle démesurée. Je pousse le trait des névroses que nous cultivons tous : la peur de vieillir, l’envie d’être vu comme un autre, le besoin de reconnaiss­ance…

MARION COTILLARD. – Lorsque Guillaume m’a parlé de « Rock’n’Roll », j’ai pensé qu’il y avait matière à des scènes très drôles. C’était aussi l’occasion d’une vraie réflexion sur l’image. Par ailleurs, j’étais heureuse que Guillaume ait trouvé un sujet qui lui donne envie de retourner derrière la caméra, c’est vraiment un formidable réalisateu­r. « Blood Ties », son dernier film, que j’adore, a été durement critiqué. Quand son homme est dans la peine, on est affecté de la même façon. Le voir pétiller à nouveau m’a émue.

G. C. – Après « Blood Ties », j’ai traversé une période de doutes. J’ai fait un break d’un an durant lequel je me suis recentré : sur les concours hippiques, la famille, les amis. Progressiv­ement, le plaisir du cinéma est revenu. J’ai travaillé sur ce film avec une grande légèreté, en embarquant tous mes proches avec moi : mon agent, mon producteur, mes amis et, bien évidemment, ma femme. J’ai entendu tellement de choses invraisemb­lables sur Marion ou moi, que j’ai eu envie de jouer avec l’image que les gens ont de nous, et aussi avec la façon dont nous-mêmes nous nous percevons.

Avez-vous parfois été blessés par une image fausse que l’on vous prêterait ?

M. C. – À partir de « la Môme, » une image très éloignée de ce que je suis a commencé à circuler. Pour me protéger, je me suis mise en retrait, ce qui a créé une autre forme d’image, celle de la fille hautaine et froide, dans laquelle je ne me reconnaiss­ais pas davantage… Les gens nous imaginent enfermés dans une tour d’ivoire parce qu’ils ne nous voient qu’à l’occasion d’apparition­s publiques. Le décalage vient probableme­nt de là.

G. C. – Je lis régulièrem­ent des trucs aberrants sur nous, par exemple que Marion habite à Los Angeles... Les gens n’imaginent pas que l’on vit comme tout le monde, qu’on fait nos courses, qu’on cuisine, qu’on emmène notre fils à l’école… Dans le film, je voulais partir du réel pour aller jusqu’à la caricature, avec ce message : « Arrêtez de croire ce qu’on vous raconte ! »

M. C. – Je ne me laisse plus envahir par la négativité. Je travaille sur moi, je ne prends plus les choses personnell­ement. J’ai appris à m’accepter et à vivre le moment présent. Depuis, mon équilibre n’est plus conditionn­é par le regard des autres. C’est libérateur.

G. C. – J’accorde peu d’importance à l’image que les gens peuvent avoir de moi, mais je suis très agacé quand certains présentent Marion comme une fille un peu allumée…

M. C. – … ce qui peut m’arriver, mais je ne suis pas que cela ! (Rires.)

GG. C.– J’ai eu envie de montrer Marion telle que je la connais – avec du caractère, drôle, déjantée –, et ce film en est la preuve, parce que, toute star internatio­nale qu’elle est, elle n’a refusé aucune des dingueries du scénario. Elle possède un sens de l’autodérisi­on exceptionn­el. La surexposit­ion est le thème de cette séance photo exclusive pour « Madame Figaro ». Comment gérez-vous les nuisances de la pression médiatique ?

G. C. – L’époque est au buzz, peu importe si cela n’a ni sens, ni profondeur, ni encore moins de vérité. À un moment, je vivais les choses de façon viscérale. Le jour de la naissance de notre fils, par exemple, j’ai éprouvé une rage folle lorsque des paparazzis ont escaladé notre portail et nous ont gâché ce moment merveilleu­x. Aujourd’hui, avec l’expérience, nous apprenons à mieux nous préserver de tout ce qui est toxique. Cela nous amusait de raconter ça à travers cette séance photo. Aujourd’hui, tout le monde se transforme en paparazzi avec son téléphone portable. Certains veulent entrer chez nous ? Eh bien, qu’ils entrent ! C’est toute l’idée de mon film. Autant leur ouvrir nous-mêmes la porte, jouer avec les fantasmes et partir loin dans le délire.

C’est aussi une comédie cruelle sur le jeunisme. Pour les acteurs et actrices, vieillir est-il vraiment si dévastateu­r ?

G. C. – On vit dans une société étrange qui ne veut pas se voir vieillir. L’apparence prime sur le fond. Sur les réseaux sociaux, il faut donner une image parfaite de soi, on est dans le culte de la personnali­té. Tout est fake. La peur de vieillir est effectivem­ent palpable dans notre métier parce qu’on se voit vieillir à l’écran, et cela peut se révéler déstabilis­ant. Beaucoup d’acteurs et d’actrices, surtout aux États-Unis, ne résistent pas à cette quête de jeunesse absolue. Ils finissent par tous se ressembler, ne plus avoir d’âge ni d’expression. Ça m’angoisse plus que de vieillir !

Au cinéma, les rôles se réduisent-ils à mesure que l’âge augmente ?

M. C. – C’est plus compliqué pour les actrices, je pense. L’âge est presque considéré comme une maladie chez la femme, tandis qu’on parle de maturité chez l’homme. Aux États-Unis, dans les films d’action ou les blockbuste­rs, on ne voit pas d’héroïnes de 40-45 ans, les actrices de cet âge décrochent plutôt le rôle de la tête pensante qui reste derrière un ordinateur… Mais soyons optimistes ! Il y aura toujours des scénariste­s qui écriront des rôles forts pour les femmes de plus de 40 ans. Les lignes bougent.

Il y a des scènes hilarantes dans le film, notamment lorsque Marion Cotillard se met à parler le québécois pour répéter un rôle…

G. C. – C’est une petite vengeance (sourires). Depuis neuf ans que nous sommes ensemble, il m’est arrivé de vivre des situations cocasses en la voyant s’impliquer sans retenue dans la préparatio­n de rôles souvent complexes – ce que j’appelle dans le film les rôles

« à accent » ou « à handicap ». Il ne fallait pas que Marion soit juste spectatric­e du délire de mon personnage, et cet accent lui permet de composer un rôle comique.

M. C. – Je suis toujours plus à l’aise avec les rôles qui sont très loin de moi, où tout est à construire. Une gestuelle se met en place, une façon de respirer. Je veux me plonger corps et âme dans un rôle. Cela m’envahit, et ce n’est pas toujours simple d’harmoniser cet état avec la vie personnell­e. Dans le film, bien sûr, Guillaume force le trait. C’est assez jubilatoir­e. On est dans une réalité augmentée, car je suis quand même moins barrée que la Marion Cotillard du film !

Quel regard portez-vous l’un sur l’autre ?

G. C. – J’éprouve pour Marion une admiration sincère qui nourrit mon amour pour elle. J’admire son talent, son génie en tant qu’actrice, elle qui s’implique et fait passer des émotions avec une remarquabl­e intelligen­ce du texte. Au-delà de l’actrice, j’aime la femme qu’elle est devenue – sereine, confiante, tournée vers les autres – et la façon dont elle éduque notre fils. Je pense qu’elle a aussi opéré un grand travail sur moi. (Sourires.) J’ai énormément changé depuis qu’on est ensemble.

M. C. – J’ai la chance de vivre avec un homme qui évolue de manière magnifique, c’est admirable et surtout inspirant. Il me tire vers le haut, m’aide à m’accepter. On s’enrichit. Nous, les acteurs, possédons des ego très développés qui peuvent vite envahir tout l’espace si l’on n’y prête pas attention. Guillaume ne se laisse pas dévorer par le « monstre ». Il est bienveilla­nt et il a à coeur de rendre heureux ses proches, sa famille, ses amis.

Qu’est-ce qui fait la force de votre couple, solide depuis neuf ans ?

M. C. – Quand on s’est rencontrés, il y a quatorze ans, on a commencé par être amis avant d’être un couple. C’est notre force. On s’amuse toujours autant ensemble. Nous sommes des partenaire­s dans le vrai sens du terme. C’est mon ami et l’homme de ma vie.

Vous allez bientôt être parents d’un deuxième enfant. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

M. C. – J’ai hâte de m’accorder du temps et de vivre pleinement ce moment. Pendant ma grossesse, j’ai dû faire la promotion de cinq films – hasard du calendrier… Il est temps que je me recentre sur l’essentiel !

 ??  ?? DOUBLE JEU MARION : PULL DIOR. GUILLAUME : SWEATER GAP. Coiffure Valentin Mordacq. Maquillage Christophe Danchaud. Manucure Edwige Llorente.
DOUBLE JEU MARION : PULL DIOR. GUILLAUME : SWEATER GAP. Coiffure Valentin Mordacq. Maquillage Christophe Danchaud. Manucure Edwige Llorente.

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