Madame Figaro

Fashion : Thierry Gillier, fondateur de Zadig & Voltaire.

LE FONDATEUR DE ZADIG & VOLTAIRE VA FÊTER LES 20 ANS DE SA MARQUE ICONIQUE AVEC UN DÉFILÉ À NEW YORK LE 13 FÉVRIER. COLLABORAT­IONS POINTUES, AUDACES MODE, PASSION POUR L’ART CONTEMPORA­IN… PORTRAIT D’UN COLLECTION­NEUR DE SUCCÈS.

- Thierry Gillier

La finesse de ce pull me rend dingue. Sa délicatess­e est inouïe, non ? Pour obtenir cette légèreté, il faut tricoter un fil ultrafin dans une jauge plus grosse. C’est une technique très particuliè­re. Je fabrique ce modèle uniquement pour moi… Impossible de le vendre tant il est fragile ! » On pourrait écouter Thierry Gillier disserter sur la trame de son pull noir des heures durant. C’est le privilège des passionnés. Les vrais. Ils ont ce don de captiver. Sans doute parce qu’ils maîtrisent si bien leur sujet qu’ils trouvent les mots justes.

LA MAILLE DANS LE SANG

À l’aube des 20 ans de Zadig & Voltaire, on attendrait de son fondateur qu’il évoque son premier défilé i mminent à New York, son f utur flagship parisien rue Cambon, sa collaborat­ion avec la tatoueuse Virginia Elwood, ou encore les vitrines arty de ses boutiques repensées par les élèves de la New School Parsons Paris. Bien évidemment, i l aborde ces actualités reflétant la frénésie créa- tive de sa marque. Mais surtout, il parle trame. « Je n’y peux rien, j’ai la maille dans le sang ! Ma famille était dans la maille. Adolescent, je passais mon temps à essayer les créations de ma mère, qui était styliste. Ça laisse des traces ! » explique- t- il en souriant. Pas étonnant, donc, qu’il crée sa propre marque à la fin de ses études : « J’avais 25 ans, je rentrais des États-Unis, où j’avais étudié l’art sous toutes ses formes, et j ’ ai ressenti l’envie de me lancer. » Sa marque porte alors son nom et se consacre exclusivem­ent à la maille. « Ça marchait plutôt bien, se souvient- il. Et puis, j’ai voulu concevoir une marque

dans son ensemble. Le nom Zadig & Voltaire s’est alors imposé. C’était inattendu, un brin intello. Et puis, j’aimais l’histoire de ce personnage optimiste qui trace sa route malgré les imprévus. » Nous sommes en 1997, Zadig & Voltaire voit le jour et connaît un succès aussi immédiat que phénoménal. La première boutique à peine ouverte, c’est un carton plein : « C’était hallucinan­t, se souvient Thierry Gillier. Il y avait des files d’attente sur les trottoirs et certains modèles étaient épuisés en quelques heures. De la folie ! »

L’AUDACE DU CORSAIRE

Un succès déroutant ? « À vrai dire, je n’avais pas le temps de réaliser ! Je me contentais de créer, encore et encore. De rester fidèle à la vision que j’avais pour la marque, c’est- àdire cet esprit rock avec un petit supplément d’âme parisien. » Ce visionnair­e signe alors une succession de best- sellers à faire pâlir l’ensemble des marques concurrent­es. Le teeshirt tunisien, la parka militaire, les boots Teddy, l a pochette Rock…, autant de « its » devenus des basiques. « Sans oublier le fameux pull Elvis » , souligne notre homme. « À l’époque, personne ne customisai­t les cachemires avec des noms en intertia de couleurs. Une usine écossaise était prête à tenter le coup avec moi et… j’ai osé. » Quelle bonne idée ! La marque a écoulé des centaines de milliers de modèles. Il est bien là, le secret de Thierry Gillier : l’audace. « Quelque part, je suis un corsaire : je reste fidèle à ma vision de départ tout en changeant régulièrem­ent de cap. C’est risqué, mais primordial : il faut toujours avoir cette petite longueur d’avance sur les autres qui fait la différence. » Une audace payante : l a marque compte aujourd’hui 350 boutiques dans le monde et 3 000 employés. Depuis ses débuts, Zadig & Voltaire tisse avec ses clients une belle fidélité. Les VIP adhèrent naturellem­ent. Kate Moss, qui fait fermer la boutique de la rue François- Ier pour shopper tranquille­ment, comme les Rolling Stones – et particuliè­rement Keith Richards – dans l a boutique de Bruxelles ; Iggy Pop, qui porte un pull « Art Is Truth » à la sortie d’un concert ; l’équipe de foot du Real, qui vient régulièrem­ent dévaliser la boutique de Madrid…, la liste des adeptes VIP est longue. Cette saison, c’est la nouvelle sensation de la mode Bella Hadid ( 9,8 millions de followers sur Instagram) et son frère Anwar qui sont les visages de la nouvelle campagne avec la DJ française Clara 3000 et la mannequin Vera Van Erp.

LA QUÊTE D’UN ARTISTE

Si Thierry Gillier a le succès humble, il avoue se consacrer totalement à sa marque. « C’est un job à plein- temps. Je me couche Zadig, je rêve Zadig et je me réveille Zadig… C’est un métier passion qui m’a amené à d’autres passions. Zadig m’a ouvert l es portes de l ’ art contempora­in.

D’ailleurs, l’art occupe une place i mportante au sein de l a marque (NDLR : certaines de ses oeuvres personnell­es sont exposées dans l es boutiques). Par exemple, nous avons signé, il y a trois ans, une collection capsule avec l’artiste japonais Tsukasa Ohtake. » Le collection­neur se tourne alors vers un tableau géantissim­e, signé Richard Serra, qui trône derrière son bureau :. « Ce que l’on ressent au moment de l’acquisitio­n d’une telle oeuvre est indescript­ible. C’est d’une intensité qui dépasse l’entendemen­t. » Thierry Gillier, un homme satisfait ? « Ha, ha ! s’exclame- t- i l . Si c’était l e cas, j e serais arrivé au bout du chemin, je n’aurais plus de quêtes. Or, mon métier est une quête permanente… Zadig & Voltaire n’est pas au bout de sa destinée. »

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 ??  ?? En haut, deux pièces du vestiaire 2017 : blouson teddy et veste boyfriend Viva. En bas, visages de la nouvelle campagne : Vera Van Erp, Anwar et Bella Hadid.
En haut, deux pièces du vestiaire 2017 : blouson teddy et veste boyfriend Viva. En bas, visages de la nouvelle campagne : Vera Van Erp, Anwar et Bella Hadid.
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