Madame Figaro

KAREN CHEKERDJIA­N CRÉATRICE DE BIJOUX SCULPTURAU­X ET DESIGNER

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Vos origines influencen­t-elles vos créations ?

Je suis liée à Beyrouth, mais je ne suis pas attachée à son côté oriental – ses arabesques, ses motifs floraux. Quand on voit mes créations, c’est plus dans la démarche que dans la finalité esthétique – à part pour la dinanderie (NDLR : le travail du métal) – que mes origines sautent aux yeux. J’ai un style dépouillé et pur qui ne ressemble pas à celui du monde arabe.

Pourquoi le Liban est-il un foyer si créatif ?

À cause de l’ambiguïté dans laquelle nous vivons, des frustratio­ns incessante­s dues à la guerre, de la fragilité qu’elle entraîne… Tout cela pousse à trouver un sens différent aux choses. Mais aussi parce que Beyrouth a toujours été une ville refuge, un melting-pot humain mais également d’idées. Et enfin, car c’est un lieu où beaucoup de choses sont interdites sur le plan de la religion, de la sexualité et de la féminité… Alors on devient des experts dans l’art de détourner.

Qu’est-ce qui distingue les créateurs libanais ?

Ils ont comme moi un univers très chargé de sens. Je pense à Rabih Kayrouz, aux créatrices de bijoux Rosy Abourous et Rania Akoury, aux architecte­s Youssef Tohmé et Bernard Khoury. Notre succès vient, je crois, de cette rage de vouloir nous exprimer, parce que nous ne sommes pas reconnus chez nous. On a du mal à se faire aimer… Et c’est toujours par le biais de la reconnaiss­ance extérieure, autrement dit du monde occidental, que nous arrivons à nos fins.

No“us sommes des experts dans l’art de détourner

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