Madame Figaro

ÉDITO/ « Le bureau buissonnie­r » , par Morgane Miel.

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P«Pour être“agi le” ( NDLR : le mot business de l’année), il faut prendre le temps de la pause » , m’assure une coach bien-aimée (voir dossier p. 66). Je la crois sur parole, elle murmure à l’oreille des patrons. Si les grands noms du Cac 40 parviennen­t à lever le nez de leurs dossiers, je devrais bien y arriver aussi. Vérificati­on faite, euh… non, pas vraiment. Ces deux heures que Carlos Ghosn semble prendre les doigts dans le nez me manquent cruellemen­t à moi, femme bientôt quadra, en pleine entreprise de constructi­on de vie généralisé­e. Je dois manquer de leadership, car j’ai beau refaire le calcul dans tous les sens, je ne vois pas très bien comment compresser encore l’ emploi du temps de mes journées en fond des out e–à9h30,j’ ai déjà l’impression qu’on est le soir – pour y glisser cette plage de temps « libre », mot dont j’ai d’ailleurs oublié le sens. Dieu soit loué, tout loisir d’y réfléchir m’a été ôté. « Forget it », me lance, magnanime, mon rédacteur en chef. Lui m’envoie des kōan (énigmes zen) la nuit, le burn-out collectif est proche. Comment s’y prendre, donc, pour appuyer sur pause ? Je pose la question à toutes les femmes douées et débordées que je rencontre. La même réponse fuse, incisive : « Inscris deux heures off dans ton agenda. » « Ne les annule que sous la menace physique, précise une autre. Le mieux, c’est même de les inscrire sous un faux nom – RDV avec X. Un très gros client si possible, personne n’osera te le décaler. » En langage business, ça s’appelle… le bureau buissonnie­r. En vrai ? C’est aussi bon que de fumer des Vogue en cachette à 15 ans, dans les toilettes du lycée. Deux heures de vide pour faire ce qu’on aime – un effort de mémoire sera peut-être nécessaire les premiers temps –, prendre un café, réfléchir ou même… NE RIEN FAIRE DU TOUT. Au début, cela peut se révéler légèrement flippant. Mais, peu à peu, les idées viennent. La créativité refait surface, et, avec elle, l’envie d’engagement. Encore quelques semaines à ce rythme, et vous avez 20 ans. 20 ans et le goût des autres, l’envie d’agir, d’insuffler du sens, de changer les choses. Ça tombe bien, c’est le sujet du prix Business With Attitude remis cette semaine : entreprend­re autrement. Innover, faire la différence, mettre son énergie dans le monde. Alors deux heures pour affûter sa vision, gonfler ses forces, SANS CULPABILIS­ER…, ça devrait être prescrit sur ordonnance !

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