Madame Figaro

Interview : Camille Cottin, la délicate effrontée.

TOUJOURS IRRÉSISTIB­LEMENT MORDANTE EN AGENT DE STAR DANS LA DEUXIÈME SAISON DE “DIX POUR CENT”, EN AVRIL SUR FRANCE 2, LA COMÉDIENNE S’IMPOSE AUSSI AU CINÉMA. APRÈS UNE ANNÉE 2016 INTENSE ET ÉCLECTIQUE, LA VOICI AUX CÔTÉS DE JULIETTE BINOCHE DANS “TELLE M

- PAR CARLOS GOMEZ

EL LE POSSÈDE UN CHARME FOU. Tout chez elle est délicatess­e, discrétion, légèreté, courtoisie. À mille lieues du personnage qui l’a fait connaître en 2013 à la télévision. Camille Cottin est tout sauf la majuscule « Connasse », caricature de Parisienne arrogante et sans manière, qu’elle s’était ingéniée à faire vivre sans peur de choquer, dopée par l’impunité que lui offrait la caméra cachée qui la filmait. « Je dois à ce rôle d’avoir fait une entrée fracassant­e dans le métier ! J’avais déjà dix ans de théâtre derrière moi, tient-elle à préciser. Après le succès de la série, puis du film, il m’a juste fallu inventer la suite. Et convaincre que je n’étais pas qu’une “c…”, justement. » C’est fait. Convaincu le public, convaincu le métier, qui lui a offert rôle sur rôle cette année, lui permettant, à 38 ans, de rattraper un peu du temps perdu, figurant au générique d’ « Alliés » , une production hollywoodi­enne avec Brad Pitt et Marion Cotillard. « Je ne pense pas avoir perdu du temps. Tout m’a servi : mon enfance à Londres entre des parents bohèmes, mon passé de prof d’anglais auprès d’élèves à peine plus jeunes que moi, mes expérience­s théâtrales amateur où il fallait que je repasse moi- même ma robe de scène, mon séjour dans la troupe de Palmade… Je suis le fruit de tout cela. »

En avril, c’est encore à la télévision, sur France 2, qu’elle montrera le meilleur d’elle-même – « et le pire », ajoute-t-elle amusée – dans la deuxième saison de la série « Dix pour cent » . Sous les traits d’Andréa Martel, agent artistique que tout Paris redoute et lesbienne décomplexé­e, elle continuera d’y gérer les ego des stars dont elle assure la carrière. La sienne ? Elle ne pourrait aller mieux. Magnéto.

« MADAME FIGARO » –

Votre nouveau film, « Telle mère, telle fille » *, de Noémie Saglio, puis les deux prochains, explorent tous la vie de famille. C’est freudien ?

CAMILLE COTTIN. – Dans « Cigarettes et chocolat chaud », sorti avant Noël, c’était déjà le cas, puisque j’incarnais une assistante sociale qui enquêtait sur la façon dont un père élève ses gosses. Dans « Telle mère, telle fille », je joue une trentenair­e en concurrenc­e avec sa mère sur le terrain de la grossesse, bientôt, il y a aura « Big Bang », où, avec Vanessa Paradis, nous jouons deux soeurs au chevet d’une grand-mère qui perd la boule, au milieu d’un clan passableme­nt dysfonctio­nnel. Puis, au printemps, j’enchaîne avec une comédie d’Éloïse Lang sur une mère et ses filles, avec Miou-Miou et Camille Chamoux. Je suis donc bien dans la famille jusqu’au cou ! Le point commun de tous ces films est d’être écrits et réalisés par des femmes, plus sensibles peut-être à ces histoires…

Dans quelle famille avez-vous grandi ?

Dans une tribu ultrarecom­posée, fruit de trois mariages dont sont nés cinq enfants. Tous très soudés et aujourd’hui attirés par le cinéma. Je n’aime pas la notion de demi-frère. On a tous deux bras, deux jambes, et lorsqu’on s’aime, c’est en entier. Je suis l’aînée. Ma mère était enceinte quand elle a quitté mon père, qui ne s’est pas bien éloigné puisqu’il s’est installé à l’étage au-dessus : une vision très… moderne de la famille, l’esprit de 68 avait fait son effet !

Vous êtes mère de deux enfants « seulement », et avec le même homme…

Oui, un architecte avec qui je compte bien vivre toute ma vie, même si mes enfants n’auront pas la chance que j’ai eue d’avoir une flopée de frères et soeurs ! Anna, 18 mois, apparaît à la fin du film : le bébé couvert de boudoirs, c’est elle.

Juliette Binoche et Lambert Wilson jouent vos parents. Le film scelle leurs retrouvail­les trente-deux ans après « Rendez-vous », d’André Téchiné...

Ils étaient heureux de se retrouver. Mais je n’ai pas eu le cran de les questionne­r sur leurs débuts dans « Rendez-vous ». J’étais trop émue. J’ai eu la chance de regarder travailler Juliette de très près : sa manière de laisser venir m’a marquée. Elle m’a fait comprendre que les premières prises servent au réglage de tout le monde, quand, jusqu’alors, l’anxieuse que je suis voulais être bonne tout de suite. Juliette est vraiment à l’écoute de chacun. En la regardant faire, j’ai perdu une part de mon inquiétude. J’ai essayé d’appliquer sa méthode sur le tournage de la deuxième saison de la série « Dix pour cent ». Racontez-nous-en le tournage.

Du bonheur ! Nos personnage­s d’agents de stars continuent d’avancer avec leurs doutes, leurs espoirs. Et leur maladresse.

Les stars y sont encore légion. Comment s’est passée la cohabitati­on ?

Très bien ! Si je vous dis que Luchini est volubile, Binoche éclatante, Adjani troublante, ça vous surprend ?

À quel point la série dit-elle la vérité sur les coulisses du métier ?

Au point d’avoir vécu cette année les mêmes choses que les personnage­s. Dans « le Bal des actrices », Maïwenn a déjà merveilleu­sement décrit ce qui agite notre monde : le rapport au temps, la rivalité, les histoires d’amour…

Si votre parcours était à refaire ?

Je commencera­is le théâtre à 3 ans, car, étant très lente, j’aurais peut-être progressé plus vite !

* « Telle mère, telle fille », en salles le 29 mars.

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