Madame Figaro

Cover story : Jessica Alba, le monde lui appartient.

Le monde lui appartient Actrice populaire de Hollywood, mère modèle et aujourd’hui businesswo­man milliardai­re… En cinq ans, la beauté incendiair­e de “Sin City”, amie de la maison Ralph Lauren, a bâti un empire avec sa start-up de produits écorespons­ables.

- PAR CHRISTELLE LAFFIN / PHOTOS JASON KIM / RÉALISATIO­N SOPHIE MICHAUD

SA RÉUSSITE SE CONFOND AVEC LE RÊVE AMÉRICAIN : une actrice à succès hollywoodi­enne (plus de trente-cinq films à son actif depuis la fin des années 1990) qui se métamorpho­se, en moins de cinq ans, en une des businesswo­men les plus influentes des États- Unis. Un parcours hors norme, atypique, exceptionn­el, à l’image de cette beauté métisse – sa mère est franco- danoise, son père, ex- militaire, mexicano-indien –, éclatante et déterminée. Sa « première carrière », comme elle l’appelle, a véritablem­ent commencé en 1998, lorsqu’elle a décroché le rôle-titre de « Dark Angel », la série signée par James Cameron, face à mille deux cents autres candidates. « Cette superprodu­ction de 125 millions de dollars reposait sur ses seules épaules, a commenté le réalisateu­r de “Titanic”. Elle a relevé le défi sans trébucher, travaillan­t quatre-vingt-six heures par semaine. »

CÉLÉBRÉE POUR SA PLASTIQUE de pin- up, Jessica Alba fait rapidement tourner les têtes. Mais garde la sienne sur les épaules et enchaîne intelligem­ment comédies romantique­s et films d’action à succès. Le public la découvre femme fatale dans « Sin City » 1 et 2, super- héroïne dans « les Quatre Fantastiqu­es », déjantée dans « Mon beau-père et nous »… Déjà, la stratège se profile. C’est avec l e même discerneme­nt qu’elle se lance en 2012 dans l’entreprene­uriat, en fondant The Honest Company *, une start-up de produits écorespons­ables. « Je voulais éviter à mes filles de connaître de nombreux séjours à l’hôpital, comme moi, enfant, après des crises d’allergie et d’asthme », commente-t-elle. Loin d’être un hobby d’actrice gâtée, sa société, boostée par son « star power », est aujourd’hui entrée dans le club très fermé de ce que les experts appellent les licornes ( NDLR : des start- up qui pèsent plus de 1 milliard de dollars) : l’entreprise américaine est déjà valorisée à 1,7 milliard de dollars en moins de cinq ans. Un succès fulgurant et inédit. À 35 ans, cette reine du e-commerce néglige l es castings au profit des benchmarks de produits d’entretien et des plateaux télé où elle milite pour sa juste cause. Sans regrets. L’éco-entreprene­use reste la seule « Femme la plus sexy de l’année » (selon le magazine masculin « FHM » en 2007) à avoir fait la une de « Forbes ». Et ce n’est qu’un début. Autour d’une séance photo exclusive, avec les pièces iconiques de la maison Ralph Lauren, interview d’une pionnière en e- business ecofriendl­y dont la réussite n’est pas du cinéma.

« MADAME FIGARO ». – Votre entreprise, The Honest Company, a été évaluée à 1,7 milliard de dollars moins de cinq ans après sa création. Vous avez lancé Honest Beauty **, son pendant cosmétique, en 2015. Comment vivez-vous ce succès extraordin­aire ?

JESSICA ALBA. - Au jour le jour ! Après plus de vingt ans de carrière à Hollywood, je ne pensais pas en arriver là.

À la naissance de ma fille aînée, Honor, j’ai d’abord voulu répondre à un manque, avec des produits pour la famille et la maison, non toxiques, respectueu­x de l’environnem­ent, dignes de confiance, au packaging moderne et à un prix accessible.

Je me suis improvisée chimiste du dimanche, pour différenci­er les ingrédient­s nocifs des autres. Il m’a fallu trois années de recherches et un nombre incalculab­le de réunions décevantes avant de me lancer avec des partenaire­s solides. J’ai eu droit à mon lot de remarques condescend­antes, du style « Pourquoi ne crées-tu pas un parfum, plutôt ? » On ne m’imaginait pas dans ce rôle, ce qui a décuplé mon désir de me lancer. Je souhaite voir Honest se déployer dans le monde entier. Mais le chemin pour y parvenir n’est pas encore complèteme­nt tracé.

Votre compte personnel dénombre dix millions d’abonnés sur Instagram, presque autant sur Twitter. Pour The Honest Company, la communicat­ion sur les réseaux sociaux était-elle primordial­e ?

Cela a été l’une des clés de notre développem­ent. Nous sommes une petite société face à des géants qui disposent de millions de dollars chaque année pour gagner des parts de marché ! Dès le début, nous nous sommes adressés aux ménagères millennial­s. Il nous a fallu créer une communauté, partager notre point de vue de copines. Les réseaux sociaux ont donné un visage humain à notre marque.

Vos arrière-grands-parents étaient des émigrés mexicains. Vous considérez-vous comme un emblème du rêve américain ?

Forcément. En tant qu’actrice, déjà, et en tant qu’entreprene­use, issue d’un milieu très modeste, qui n’a pas eu accès aux écoles privées. Tout ce que j’ai, je l’ai gagné ! Même le simple fait d’avoir réussi une transition vers un autre domaine que le cinéma… Beaucoup sont arrivés dans ce pays pour fuir les persécutio­ns, parce qu’ils nourrissai­ent l’espoir d’une vie meilleure. Aujourd’hui, des Américains montent au créneau, car ce rêve est en danger. Comme le sont les droits des femmes, le droit à une éducation convenable, à l’accès aux soins, des choses élémentair­es sans lesquelles nous sommes tous démunis. Les Américains ont peur, car ce que nous entendons et voyons mis en place actuelleme­nt est l’antithèse des valeurs sur lesquelles ce pays s’est construit.

Comment réagir ?

Je suis plus motivée que jamais pour construire une entreprise éthique, portée par des valeurs d’honnêteté, des pratiques transparen­tes, jusque dans la façon dont nous investisso­ns dans notre communauté, en Californie du Sud. Continuer à employer et à représente­r la diversité. Et rester un exemple d’entreprene­uriat pour les filles du monde entier. The Honest Company prouve que la persévéran­ce mène à tout.

Vous êtes une habituée des défilés de Ralph Lauren, complice du créateur et de son épouse, Ricky. Comment caractéris­eriezvous votre relation ?

Ralph Lauren m’inspire. C’est une icône absolue de la mode. J’admire son sens des affaires, jusqu’à la décoration de ses boutiques, la façon dont l’Ancien et le Nouveau Monde s’y côtoient. Il a vécu son rêve en créant un style qui représente la quintessen­ce de l’American way of life. Impeccable au quotidien comme en soirée ! J’aime son idée de l’artisanat old school, qu’il a rendu contempora­in. Et il a su rester simple et dans la course, malgré les tempêtes. J’écoute ses conseils : savoir bien s’entourer, si possible de membres de sa famille, et défendre sa marque, coûte que coûte !

Votre style personnel semble avoir évolué : plus sophistiqu­é et plus business qu’auparavant. Une volonté de votre part ?

Au quotidien, je reste une California girl ! Mon style ? Confortabl­e avant tout : blouson biker ou blazer chic signés Ralph Lauren, que je mixe avec un jean. Comme ceux de la collection capsule de denim, que j’ai créée avec DL 1961.

Comment parvenez-vous à concilier cinéma, vie de famille et vos fonctions de chef d’entreprise ?

Cash (NDLR : Cash Warren, son mari depuis 2008, producteur et Web entreprene­ur) est un superpapa, très présent, il me soutient depuis le début. Et je consacre moins de temps au cinéma, ce qui est déjà un début de solution au problème ! Je privilégie des petits rôles qui me touchent, comme dans « Dear Eleanor » (sorti en 2016), ou un film fun qui requiert quinze jours de tournage, comme « Mechanic : Resurrecti­on », avec Jason Statham.

Mes centres d’intérêt ont changé, mes goûts et mes envies aussi. Impossible d’être à la fois sur un plateau de cinéma et à mon bureau cinq jours par semaine ! Mais je rêverais de produire, d’offrir plus de chances aux femmes.

Pour qu’elles écrivent, jouent, réalisent…

Il reste tellement d’histoires à raconter par notre prisme féminin.

Quel genre de mère êtes-vous pour vos deux filles ?

Je suis une maman cool, mais stricte sur les horaires et la nutrition. Honor (8 ans) et Haven (5 ans) sont curieuses et ouvertes sur le monde. Pour l’instant, elles semblent très à l’aise. Je souhaite leur permettre de garder leur innocence le plus longtemps possible. Elles auront largement le temps de devenir des adultes. Honest est mon troisième enfant, mais ce sont elles mes plus belles réussites.

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