AFRIQUE plurielle
Sous le beau nom d’« Afriques Capitales », deux expositions consacrées à l’art contemporain africain, à Paris et à Lille, s’inscrivent dans le foisonnement d’événements sur le sujet ce printemps. De El Anatsui à William Kentridge, en passant par Aida Muluneh (photo), Moataz Nasr, Joël Andrianomearisoa ou Pascale Marthine Tayou,
les oeuvres d’une soixantaine d’artistes de tout le continent y sont montrées. Leur commissaire, Simon Njami, évoque pour nous ces rendez-vous.
« Madame Figaro ». – Parlez-nous de ces deux expositions… Pourquoi cette actualité culturelle aujourd’hui ?
Simon Njami. – J’ai conçu l’exposition de Paris comme une ville organique imaginaire dans laquelle les gens se perdraient, pour qu’ils aient l’expérience de l’art plutôt qu’ils en soient les spectateurs passifs. Celle de Lille est axée sur le voyage, pour emmener les visiteurs à la découverte de mondes qu’ils ne connaissent pas forcément. J’ai appelé les deux expositions « Afriques Capitales » au pluriel, délibérément. Je voulais montrer non pas tant l’Afrique que la dimension contemporaine de ce qui s’y passe, s’y pense et s’y fabrique. Un artiste africain est un artiste comme les autres, sauf qu’il vient d’Afrique. La culture d’un artiste lui fait traduire le monde contemporain d’une manière particulière. Il me paraissait essentiel, dans cette période où l’autre est désigné du doigt partout dans le monde, de dire que l’ennemi ce n’est pas l’autre, il est en nous. Des exemples d’artistes ?
Dans sa pièce « Crossings », Leila Alaoui, présente dans les deux expositions, parle à la fois de la ville comme un rêve, une cité idéale, une terre promise, et de l’autre côté, elle redonne un sens au voyage. Les migrants, les réfugiés sont des voyageurs eux aussi. Le voyage est un déplacement avec tout ce que cela comporte parfois. Abdoulaye Konaté a créé pour La Villette une tenture représentant Alep en ville rouge. C’est une façon de dire à nouveau qu’un artiste africain peut être touché par ce qui se passe ailleurs que chez lui.
Que vous évoque la concentration actuelle d’expositions sur l’art africain contemporain ? *
C’est un hasard malheureux. J’aurais préféré que ces expositions s’étalent sur trois ou quatre ans pour vraiment inscrire l’art contemporain africain dans le paysage français. Je crains qu’après cette effervescence ce ne soit le désert à nouveau. Dans les années 1920, Emmanuel Berl parlait de vague nègre, JeanFrançois Bizot, d’« Actuel », disait la même chose dans les années 1980. Et puis rien. Je pense pourtant que la France, compte tenu de son histoire, aurait là un rôle à jouer.
Afriques Capitales, Grande Halle de La Villette, à Paris, jusqu’au 28 mai. www.lavillette.com.
Vers le cap de Bonne-Espérance, Gare Saint-Sauveur, à Lille, du 6 avril au 3 septembre. www.lille3000.com * À Paris, à la Fondation Louis Vuitton, à l’Institut du monde arabe, à La Galerie des Galeries…