Madame Figaro

Théâtre, photo, ciné, musique, expo, danse...

- Au Centre Pompidou, à Paris, jusqu’au 14 août. www.centrepomp­idou.fr

Walker Evans (1903-1975), maître incontesté, inventeur du « style documentai­re », a marqué la photograph­ie. Certaines de ses images sont devenues des icônes de la culture américaine du XXe siècle. Une grande rétrospect­ive lui est consacrée, pour la première fois en France, au Centre Pompidou. Son commissair­e, Clément Chéroux,

ancien directeur de la photograph­ie du Centre, récemment nommé au SFMoMA (San Francisco Museum of Modern Art), raconte son oeuvre immense, complexe et pionnière.

« Madame Figaro ». – Quelles sont ses influences ? Clément Chéroux. – En 1926-1927, Walker Evans vient à Paris pour étudier la langue et la culture françaises : un voyage fondateur dans sa formation intellectu­elle. Il revendique l’influence déterminan­te de Baudelaire pour le spectacle de la rue, le chiffonnie­r, le quotidien. Et celle de Flaubert pour la simplicité, la volonté de ne pas faire de l’art. Quand il rentre à New York et décide d’être photograph­e, il fait du modernisme classique. Deux rencontres bouleverse­nt sa pratique : Berenice Abbott, qui lui montre les photos du vieux Paris d’Eugène Atget – c’est une révélation, il cherchera à montrer la culture populaire américaine comme Atget avec Paris ; et Lincoln Kirstein, qui l’emmène photograph­ier les maisons victorienn­es dans le nord-est des États-Unis.

Le vernaculai­re est au coeur de son oeuvre.

De quoi s’agit-il ?

Le vernaculai­re recoupe tout ce qui est utilitaire, domestique et mineur, ou populaire, par opposition à un art élitiste. Walker Evans photograph­ie l’Amérique profonde. Il utilise le vernaculai­re comme sujet et comme méthode : ce sont les deux axes de l’expo. Il s’inspire de la photograph­ie non artistique. Il en reproduit les cadrages, la lumière. C’est un aspect complexe, étonnant et presque conceptuel de son travail : il crée de l’art en mimant une photograph­ie qui n’en est pas. C’est peut-être pour cela qu’il a un tel succès auprès des artistes contempora­ins des années 1960-70.

Ses portraits de métayers en Alabama ou de citadins sont ses images les plus célèbres…

Quand Walker Evans travaille pour la Farm Security Administra­tion, à partir de 1935, il se passionne pour les ouvriers, les métayers, les ramasseurs de coton, les dockers à Cuba. Nous sommes toujours dans la culture populaire. Comme dans ses portraits pris dans la rue ou le métro de New York, il installe une forme de neutralité sans emphase, il disparaît devant son modèle. Walker Evans cherche l’essence, « rien que la chose exorbitée », aurait dit Roland Barthes.

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Walker Evans, autoportra­it, années 1930.

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