Madame Figaro

Aux assiettes, citoyens ! », par Alain Ducasse.

- PAR ALAIN DUCASSE, CHEF ÉTOILÉ / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON Coauteur avec Christian Regouby de « Manger est un acte citoyen », aux éditions Les liens qui libèrent.

Goûter le monde ! Quelle exploratio­n plus passionnan­te, plus réjouissan­te et plus inspirante que celle de découvrir à chacun de mes voyages de nouvelles senteurs, de nouvelles saveurs qui me donnent accès à la diversité des hommes et des cultures ! Je parcours le monde plusieurs fois par an. Je vais à la rencontre des marchés, des restaurant­s et des producteur­s sur les cinq continents. Depuis toujours, je ne peux pas concevoir et élaborer ma cuisine autrement.

Je fais avec ce que je sais, là où je suis, avec ce que j’ai. La terre est mon village. Aujourd’hui, je veux transmettr­e ce que cette expérience de vie m’a appris. Prendre conscience de ce que manger veut dire est vital pour notre survie et pour l’avenir de nos enfants. Nous sommes tous concernés par les effets de ce que nous choisisson­s de manger, sur notre santé et celle de la planète, sur la pérennité ou la disparitio­n économique et sociale des filières alimentair­es artisanale­s de nos terroirs, mais aussi sur nos modes de vie et notre culture. L’industrial­isation de la nourriture est un système totalitair­e qui nous anesthésie et nous asservit, avec douceur, à coups de plats tout préparés, trop sucrés, trop salés, trop gras.

Il s’agit en fait de reprendre le pouvoir sur nous-mêmes. Nous avons tous le choix. C’est une question de décision et de volonté. Apprendre à manger dès l’enfance, à développer notre palette gustative et sensoriell­e, cela commence au sein de chaque famille, auprès de nos enfants, pour leur avenir. C’est ce que nous proposons dans ce livre, « Manger est un acte citoyen ». Agir pour ne plus subir. C’est un enjeu de salut public.

Apprendre à mieux acheter : préférer le marché à l’hypermarch­é, les produits frais de saison, et fuir les premiers prix qui reviennent beaucoup plus cher que les prix de la qualité. Apprendre à mieux se nourrir : manger en moins grande quantité, moins gras, moins sucré, moins salé, manger moins de protéines animales mais de meilleure qualité. Apprendre à mieux partager : en cultivant le rituel de la conviviali­té et du plaisir des repas.

Manger nous rend acteurs politiques au quotidien, pour préserver notre santé et celle de la planète, et gagner en plaisir et en conviviali­té, tout en dépensant moins. C’est un programme à la portée de chacun d’entre nous. Le pouvoir du citoyen pour changer la vie et changer le monde est aujourd’hui beaucoup plus dans l’assiette que dans les urnes.

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