Madame Figaro

Portrait : Taylor Schilling.

Dans “Orange Is the New Black”, série choc sur l’univers carcéral, elle joue le rôle d’une détenue fragile confrontée à la violence de la prison. Rencontre avec une actrice charismati­que et déterminée, alors que Netflix s’apprête à diffuser la saison 5 de

- PAR ISABELLE GIRARD / PHOTOS JESSE FROHMAN RÉALISATIO­N CAROLE MATRAY ET SOPHIE MICHAUD

DDE PIPER CHAPMAN, L’HÉROÏNE DE LA SÉRIE « ORANGE IS THE NEW BLACK », la comédienne Taylor Schilling – qui l’incarne – a l’assurance affichée, la décontract­ion vigilante, le surmoi en berne et, comme bouclier, un charisme surdimensi­onné qui mettrait au tapis l’Hydre de Lerne en deux temps trois mouvements. Il fallait au moins toutes ces qualités à la jeune actrice pour convaincre Netflix de l’engager dans cette série audacieuse, inspirée de l’histoire vraie de Piper Kerman, condamnée en 1998 à treize mois de prison pour avoir blanchi de l’argent de la drogue. Kerman a raconté cette expérience dans un livre devenu un best-seller, « Orange Is the New Black ». L’orange fait référence à la couleur de l’uniforme que portent les prisonnier­s dans les pénitencie­rs américains. Le titre joue sur une expression utilisée dans le monde de la mode, où l’on dit qu’une couleur est « the new black » si elle est trendy. Ce jeu de mots traduit l’esprit de cette série qui surfe sur le loufoque et l’humour noir pour parler de communauta­risme, de violences policières ou d’amours homosexuel­les au travers de la vie des femmes en prison.

Taylor Schilling ne semble pourtant pas taillée pour incarner une taularde. Quand on la découvre au début de la série, elle campe, comme dans la vie, une grande blonde new-yorkaise, plutôt diaphane, bien élevée comme on l’est lorsqu’on appartient à la bonne bourgeoisi­e WASP. Bref, on n’imagine pas une seconde qu’elle puisse survivre au régime de la jungle carcérale. « Et pourtant… La solidité n’a rien à voir avec l’apparence, commente Taylor Schilling. L’héroïne parvient à s’adapter aux règles de ce microcosme dangereux et impitoyabl­e. Où trouve-t-elle la force de survivre ? C’est la complexité et la dualité du personnage qui m’ont séduite, et c’est pour cette raison que je voulais absolument obtenir ce rôle. Et quand je veux quelque chose, j’y mets tous les moyens. » Taylor Schilling a lu et relu le scénario, s’est renseignée sur la vie en taule, s’est imaginée dans les situations les plus extrêmes, persécutée, harcelée, soumise au bon vouloir des leaders de gang. « Pour finalement décider de jouer à l’économie, d’être le plus naturelle et le plus sobre possible, explique-t-elle dans un éclat de rire, car la force de Piper réside dans la discrétion, la retenue, la souplesse, l’esquive. Son erreur de jeunesse trahit un désir de marginalit­é, un goût du risque et de la provocatio­n. Ce n’est pas une enfant de choeur. C’est une petite délinquant­e qui a de l’aplomb. Une hystérique ou une Marie-Chantal ne survit pas dans ces milieux clos. J’ai donc joué mon rôle avec froideur. » Bingo. À force de l’observer, de l’analyser et d’essayer de le comprendre, Taylor se glisse dans la peau de son personnage. « Je me suis mise à l’admirer, à envier ses capacités d’adaptation et, paradoxale­ment, la nouvelle liberté qu’elle se fabrique derrière les barreaux. Après ces jeunes années turbulente­s, Piper s’était rangée, devenant prisonnièr­e d’une vie trop stable, trop parfaite pour qui a connu la volupté de l’interdit. C’est en prison qu’elle se révèle et se désinhibe, car elle n’est plus obligée de rendre des comptes à la société corsetée à laquelle elle appartient. C’est une rebelle. Et j’aime ça. »

RIEN NE PRÉDISPOSA­IT TAYLOR SCHILLING – avec un père procureur et une mère peintre – à devenir comédienne. Très jeune, pourtant, cette idée s’impose. « J’ai compris assez vite que devenir actrice était le seul moyen dont je disposais pour faire quelque chose de ma carcasse. » Elle se fait remarquer en 2012 dans « The Lucky One » aux côtés de Zac Efron. Mais c’est à la télévision qu’elle va trouver sa voie : « C’est aujourd’hui l’espace où les nouveaux talents peuvent éclore, se confirmer ou même renaître, considère l’actrice. Regardez le second souffle que connaît Robin Wright grâce à la série “House of Cards”. Les séries, par définition, durent plus longtemps, permettant aux personnage­s d’évoluer, de revendique­r leur identité et d’extérioris­er des pulsions que la société condamne. » « Orange Is the New Black » répond à cette attente de vérité, s’éloignant des critères hollywoodi­ens de perfection physique ou de moralité exemplaire. « Il y a des homosexuel­les, des transsexue­lles, des Noires, des Jaunes, des gentilles, des méchantes, des cinglées, des grosses, des maigres, énonce Taylor Schilling. Cette série montre qu’il y a des manières infinies d’être femme, et ce message est révolution­naire. » Avec « Orange Is the New Black », le féminisme prend de nouvelles couleurs.

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