Madame Figaro

la photograph­e Laia Abril signe pour nous un portfolio arty.

L’AN DERNIER, ELLE REMPORTAIT LE PRIX DE LA PHOTO “MADAME FIGARO”-ARLES, AVEC LE SOUTIEN DE WOMEN IN MOTION / KERING. CE WEEK-END A LIEU LA 2E ÉDITION DES RENCONTRES D’ARLES. POUR L’OCCASION, NOUS L’AVONS INVITÉE À S’EXPRIMER DANS NOS PAGES. RÉSULTAT : SO

- PAR ANNE-CLAIRE MEFFRE

LAIA ABRIL est une jeune Barcelonai­se de 31 ans, enjouée et passionnée, au débit rapide, pressée d’expliquer qui elle est et d’où elle vient. « J’ai fait des études de journalism­e, mais j’ai compris rapidement que l’écriture ne serait pas mon médium. J’avais besoin du langage visuel pour expliquer le genre d’histoires que je voulais raconter. Je ne savais pas encore quelles histoires, mais je savais qu’elles seraient intimes, liées à des enjeux féminins, et que plus elles seraient proches de moi, plus je pourrais les raconter de l’intérieur, les comprendre, et créer quelque chose autour d’elles. »

LIBERTÉ ARTISTIQUE

Elle déménage à New York pour étudier la photograph­ie. Une bourse pour Fabrica, le centre de communicat­ion fondé par Benetton en Italie, et la voilà qui travaille, cinq ans, pour le magazine « Colors », créé par Oliviero Toscani. Elle y apprend la créativité, la recherche, l’édition ; s’y frotte à l’art, au design, au street art. Tout en développan­t ses projets personnels intenses et transversa­ux – les questions de genre, de troubles du comporteme­nt alimentair­e ou de prostituti­on –, toujours fondées sur des recherches approfondi­es. « Il y a deux ans, j’ai compris que mes travaux n’étaient pas assez structurés. » La jeune femme s’embarque donc dans un projet à long terme, une trilogie intitulée « Histoire de la misogynie ». À Arles, en 2016, elle en montrait le premier chapitre, « De l’avortement » : une exposition dense et forte, très maîtrisée, qui tenait autant de l’installati­on que du parcours historique élargi ou de la photo. Fidèle à la pluralité de formes dans lesquelles elle trouve sa liberté artistique.

ATYPIQUE

C’est ce projet qui lui a valu de gagner le Prix de la Photo « Madame Figaro »-Arles 2016. Un prix qu’elle commente, enthousias­te : « L’ouverture des Rencontres était une semaine folle, très émotive. Le prix a vraiment été la cerise sur le gâteau, il récompense non seulement mon travail, mais aussi les femmes qui ont témoigné, et tous ceux qui m’ont accompagné­e… Je me suis sentie très honorée. » Elle ajoute que le prix a aidé à faire connaître son projet au grand public, à en faire parler largement. Pour la série mode de ce numéro (p. 44), un domaine inédit pour elle, Laia Abril a cherché avec nous ce qu’elle pourrait faire en restant fidèle à son travail. « Mon rapport à la mode me renvoyait plutôt à son côté sombre, même si je suis très consciente de son aspect positif. J’ai proposé que nous la fassions avec un modèle âgé : c’est donc un shooting mode sexy et stylé, avec une femme extraordin­aire de 85 ans. Un vrai travail d’équipe, qui m’a beaucoup appris. Fantastiqu­e ! » Résultat, une série profondéme­nt originale et joyeuse, où chaque photo ressemble à un tableau, tout en jeux et à-plats de teintes pop. Comme cette image double, qui superpose deux formats du beau visage grave du modèle, encadré de grandes boucles d’oreilles multicolor­es (p. 47) : une illustrati­on libre et très contempora­ine de la photograph­ie. Ce week-end, les images de cette série seront exposées à Arles, avec le soutien de la Picto Foundation, dans le couloir du cloître de l’Hôtel Jules César, où sera décerné le Prix de la Photo « Madame Figaro »-Arles 2017 (lire p. 29). Continuant sur sa lancée, Laia Abril prépare en ce moment un livre autour de son travail sur l’avortement. Et construit le deuxième volet de sa trilogie : un chapitre sur l’hystérie. Elle en a déjà étudié un premier aspect, sur les menstruati­ons, qu’elle montrera en octobre au festival Photorepor­ter en baie de Saint-Brieuc.

LE PRIX DE LA PHOTO RÉCOMPENSE AUSSI LES FEMMES QUI ONT TÉMOIGNÉ

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