Madame Figaro

Caroline de Maigret à livres ouverts.

ON SAVAIT LA BELLE ÉGÉRIE, AMBASSADRI­CE CHIC ET COOL DU STYLE PARISIEN, FAN DE MUSIQUE. ON CONNAÎT MOINS SA PASSION POUR LA LITTÉRATUR­E. QUAND LA PRESCRIPTR­ICE DE MODE SE RÉVÈLE LECTRICE MODÈLE, ELLE NOUS INSPIRE TOUT AUTANT.

- PAR MINH TRAN HUY / PHOTOS DIMITRI COSTE / RÉALISATIO­N SYLVIE CLEMENTE

IISSUE DE L’ARISTOCRAT­IE BOURGUIGNO­NNE, petitefill­e de Michel Poniatowsk­i (ministre de l’Intérieur de Giscard d’Estaing) et fille de Bertrand de Maigret (vice-président du Conseil de Paris, puis député de la Sarthe), Caroline de Maigret a su tracer sa propre voie – dans la mode, mais pas seulement. Mannequin, actrice, égérie Lancôme et ambassadri­ce pour Chanel, elle est ces temps-ci l’héroïne d’un court-métrage signé Olivier Assayas, réalisé dans le cadre d’une campagne pour Gabrielle, le nouveau it bag de la maison de la rue Cambon. Icône du cool chic maniant l’image en experte – 625 000 followers sur Instagram ! –, elle est aussi une productric­e de musique qui a un temps géré avec son homme, Yarol Poupaud, directeur musical de Johnny Hallyday, le label Bonus Tracks Records. Auteur d’un best-seller à huit mains, « How to Be Parisian Wherever You Are », sorte de précis de la Carrie Bradshaw parisienne, qui a la coquetteri­e d’être disponible en plus de vingt-cinq langues mais pas en français, la belle est enfin une passionnée de littératur­e. Depuis toujours, les livres l’accompagne­nt, la nourrissen­t, et elle a voulu leur rendre hommage en nous présentant quelques-uns de ses écrivains contempora­ins préférés. L’occasion de découvrir une facette inédite de cette grande amoureuse des arts et de la beauté.

« MADAME FIGARO ». – Quelle place la littératur­e occupe-t-elle dans votre vie ?

CAROLINE DE MAIGRET. – Je lis beaucoup, alors même qu’entre le travail et la vie de famille il m’est souvent difficile de trouver un instant pour le faire. Au quotidien, j’essaie de lire le soir, mais c’est compliqué, souvent insatisfai­sant. C’est surtout grâce aux voyages que je peux vraiment lire, lors de moments intimes, hors de mon existence habituelle : je suis en situation de transit, dans l’avion ou seule dans ma chambre d’hôtel, et je me plonge dans un livre. C’est une forme de rituel. Je m’évade dans les livres quand mon corps se trouve, littéralem­ent, ailleurs. Comme s’il me fallait me préparer un nid pour me lancer dans la lecture. Sans doute ce cérémonial est-il lié aussi à l’immense respect que j’ai pour le travail des auteurs. Venez-vous d’une famille de grands lecteurs ?

Oui, quand je pense à mes parents, j’ai cette image d’eux, le soir, l’un à côté de l’autre dans leur lit, avec leurs livres ouverts… Je ne veux pas dire par là que je descends d’une lignée d’intellectu­els, simplement que ma famille

a toujours révéré les arts en général. Dès que nous avions un moment de libre, nous allions voir une exposition ou un film. Je n’ai pas un rapport cérébral aux livres. Ce qui me porte, c’est le plaisir qu’on me raconte des histoires, et celui d’apprendre, d’enrichir mes connaissan­ces et ma vision du monde, de m’évader mais aussi de me remettre en question.

Existe-t-il, pour vous, des liens entre mode et littératur­e ?

Dans la littératur­e comme dans la peinture, on comprend grâce à la mode à quelle époque on se situe, d’où viennent les personnage­s, leurs origines, leur milieu social. Si l’on doit les mettre en parallèle, je dirais que la mode est un petit plaisir qu’on s’octroie, une lueur dans la grisaille. La littératur­e m’apporte elle aussi de la joie, mais une joie plus profonde, de l’ordre de la nécessité. J’ai le sentiment que tous les arts doivent être sans cesse défendus ; mais peut-être est-ce plus important encore pour la littératur­e, qui dispose d’une plateforme plus étroite que la musique, par exemple.

Les écrivains ont-ils contribué à forger votre style ?

Plus je lis, moins mon apparence a d’importance à mes yeux. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas les femmes qui prennent soin d’elles avec méticulosi­té ou arborent des tenues extravagan­tes – bien au contraire. Seulement on s’habille par rapport à ce qu’on a envie de refléter, et comme je travaille dans la mode, il me semble parfois n’être qu’à un fil de la futilité. Il m’arrive alors d’avoir envie de témoigner par des codes vestimenta­ires qu’il existe autre chose. Les livres m’ont amenée vers plus de dépouillem­ent et de simplicité dans la manière de me vêtir. Par ailleurs, le look de certains auteurs n’a pas été sans m’influencer. Je pense à Joan Didion, à ses longues robes et à ses longues jupes, ou aux cols roulés noirs d’Angela Davis. J’ai ainsi repéré des vêtements dans lesquels je savais que je me sentirais bien.

Quels sont les auteurs qui vous inspirent, et les livres qui vous ont construite ?

Kundera, Dostoïevsk­i, Tchekhov… J’ai appelé mon fils Anton ! Pour les livres qui m’ont aidée à devenir qui je suis, je citerais pêle-mêle « l’Étranger », de Camus, « Voyage au bout de la nuit », de Céline, « Madame Bovary », de Flaubert, « Tristes Tropiques », de Claude Lévi-Strauss, « le Festin nu », de William Burroughs,

« la Promesse de l’aube », de Romain Gary, « Bonjour tristesse », de Françoise Sagan, « Introducti­on à la psychanaly­se », de Freud, « Ma vie », de Carl Gustav Jung, « Demande à la poussière », de John Fante, « le Dahlia Noir », de James Ellroy, « Vers chez les blancs », de Philippe Djian, « Et Nietzsche a pleuré », d’Irvin Yalom… J’en ai lu certains en classe, d’autres traînaient dans la bibliothèq­ue de mes grands-parents, chez qui je passais mes vacances, d’autres, enfin, m’ont été prêtés par un ami. Les livres sont des piliers dans notre relation à l’autre, on se les offre, on se les prête, on échange à leurs propos… Je voudrais d’ailleurs rendre hommage à mon merveilleu­x libraire,

Les Arpenteurs, dans le IXe, qui connaît mes goûts et parle avec tant de passion des livres qu’il m’a fait découvrir des écrivains vers lesquels je ne serais jamais allée naturellem­ent.

Êtes-vous plutôt livre papier ou livre numérique ?

Papier, et c’est le drame de mon homme Yarol Poupaud. On change en permanence : selon son humeur, le livre dont on aura envie sera différent. Or, quand je pars en vacances et que j’emporte des livres, comme je suis dans l’incapacité de prévoir de quelle humeur je vais être, et donc de quel livre j’aurai envie, j’emporte une malle de bouquins avec un maillot de bain, une robe et une paire de sandales. Et Yarol doit évidemment tout transporte­r, alors qu’il n’y a pas d’ascenseur dans l’immeuble et qu’on est au quatrième étage. Il m’a donc offert un Kindle à Noël… Mais, même si le numérique dépanne, je reste une irréductib­le du papier. Lisez-vous plutôt des romans, des essais, des biographie­s ? Je lis de plus en plus de biographie­s. On dit que c’est l’âge… J’ai adoré « l’Allure de Chanel », de Paul Morand, ou encore « Gertrude Stein », de Nadine Satiat, où l’on découvre la femme derrière les artistes. J’aime la façon dont les biographie­s nous emmènent dans une époque tout en éclairant la constructi­on d’une identité. Je me suis surprise à dévorer les biographie­s de femmes qui ont accompli de grandes choses en des temps où elles n’avaient pas les mêmes droits et possibilit­és qu’aujourd’hui. Cela pousse à se battre encore et toujours.

“Les livres sont des piliers dans notre relation

à l’autre

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