Madame Figaro

ÉDITO/« Être en été », par Charles Pépin.

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LL’été. Nous l’avions oublié, mais nous en sommes capables : cesser de se projeter, de ressasser. Vivre le présent pur. Enfin nous nous souvenons que le monde est notre maison, nous l’arpentons pieds nus, chemise ouverte, éblouis par la grâce des corps et la lumière du soir. Tout est à nous et rien ne l’est : comment penser que ce soleil qui fait vibrer la mer ne le fait que pour moi ? Comment croire que cette beauté m’appartient, que cette paix soudain qui tombe sur les vignes ne s’adresse qu’à moi, que ce silence m’est destiné ? Nous sommes devant la beauté du monde comme devant une grande chanson française ou une mélodie de Bach : cette impression d’être enfin entendus, accueillis, enveloppés même, cède le pas à autre chose, de plus essentiel : nous n’avons plus besoin de comprendre, plus besoin de posséder. Être là nous suffit. Ici, maintenant. Ensemble. Ou pas. Soudain nous le savons : tout cela aurait pu ne pas être. Ces couleurs, ces formes, ces odeurs qui montent, nos corps, nos vies mêmes, cette terre qui crie, qui gronde et puis se tait. L’été. Tout cela aurait pu ne pas être. Le miracle, c’est l’existence même du monde. La lumière crue de l’été dit ce miracle mieux que les ciels blancs de l’hiver, mieux que les ocres de l’automne. L’être n’a pas de raison d’être. Et pourtant il est. Il éclate au soleil. Ce monde que nous aimons peut finir comme il a commencé. Sans raison. Il faut en profiter. Chaque seconde de l’été nous rappelle cette sagesse essentiell­e. L’été nous donne la force, nous n’avons plus peur de la vérité. Il nous suffit d’ouvrir les yeux, de plonger dans la mer. Nous devenons sages finalement. Comme si de rien n’était.

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