Madame Figaro

L' indispensa­ble LÉGÈRETÉ

- Adèle Van Reeth produit et anime l’émission « les Chemins de la philosophi­e », diffusée sur France Culture du lundi au vendredi à 10 heures. News/philo par Adèle Van Reeth

POUR OBTENIR DU REPOS, LA RECETTE est simple : une bonne nuit de sommeil. Pour la forme ? Des étirements quotidiens. Pour la sérénité ? Un peu de silence et de solitude. Mais pour la légèreté ? Comment atteindre cet état d’apesanteur qui nous transporte au-delà des soucis quotidiens ? La dessinatri­ce Catherine Meurisse nous montre la voie à suivre. Sur la couverture de sa bande dessinée, une jeune femme marche de dos dans un paysage lunaire. L’horizon est lointain, la destinatio­n inconnue, mais une étrange douceur émane de la rencontre entre les reflets bleus du sable et le rosé du ciel. Le titre ? Le sésame de l’existence, le sucre de nos vies, ce sans quoi nul bonheur n’est possible : la légèreté. Oui, il est possible de vivre avec légèreté, de se délester des émotions trop intenses qui nous clouent au sol. Pourquoi en douter ?

LA LÉGÈRETÉ N’A PAS BONNE RÉPUTATION. Celui qui en fait preuve est souvent accusé de bêtise. Puisqu’il pèse moins lourd, c’est donc qu’il lui manque quelque chose ! Prendre les choses à la légère est une preuve de négligence ; agir avec légèreté, le signe certain de la désinvoltu­re. Le seul endroit où elle est prise au sérieux, c’est dans notre assiette. Elle revêt alors les airs solennels du devoir : les produits allégés assurent une digestion facile et une silhouette exemplaire. Moins le corps pèse, plus il est célébré. Pour l’esprit, c’est exactement l’inverse : celle qui rit souvent est frivole ; celui qui accorde trop peu d’importance aux évé- nements, imprudent. Nous confondons légèreté et superficia­lité. Quoi de plus difficile, pourtant, que d’atteindre la distance nécessaire pour aimer la vie de tout son coeur sans y laisser sa peau ?

À LA DIFFÉRENCE DE LA GAIETÉ, fragile et ponctuelle, la légèreté se travaille. Elle n’est pas un don (c’est pourquoi elle est accessible à tous), mais le fruit de longues heures passées à s’exercer. Avec sa jumelle, l’insoucianc­e, elle se situe du côté solaire de l’existence, celui des désirs assouvis et du repos facile. Contrairem­ent à la joie qui acquiesce sans réserve, la légèreté aime la nuance. À l’inverse de la tranquilli­té qui se tient un peu trop près de l’ennui, la légèreté s’amuse. Insolente, elle défie la pesanteur, et quand les temps sont durs et que tout nous porte à rester au lit, elle virevolte comme une plume et vient chatouille­r les mines renfrognée­s. Imprévisib­le comme la mélancolie, elle peut aussi surgir un matin, au saut du lit, et vous tenir compagnie jusqu’au soir. La légèreté est une fêlure de l’âme qui donne envie de chanter.

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