Métropolitain,
Comme un chanteur sur le retour, me revoici en scène pour un numéro de rentrée de « Madame Figaro ». Je ne volerai pas à Lauren Bacall l’élégante bravade dont je fus témoin lorsque, déjà âgée, elle entra dans l’appartement d’amis communs où l’on allait dîner en lâchant : « Pardonnez-moi, j’ai oublié mon déambulateur. » Mais, puisque l’on parle de come-back, c’est l’occasion de revenir sur un personnage qui les multiplia, et dont Lauren Bacall fut d’ailleurs follement amoureuse vers 1957 – j’ai nommé Frank Sinatra. Il se trouve que, au long de sa vie, Ol’ Blue Eyes suscita ou formula un certain nombre de bons mots, de phrases assassines, de répliques constituant un florilège que cette page ne suffira pas à épuiser mais qui peuvent mettre de bonne humeur.
Dès ses débuts, l’homme à la voix d’or ébranla des réputations installées, tant il regorgeait de talent. Vers 1942, un journaliste effronté osa poser cette question à Bing Crosby, dont la suprématie se voyait menacée par l’avènement du jeune chanteur : « Ne pensez-vous pas que Frank Sinatra est le genre de phénomène que l’on ne rencontre qu’une fois dans une vie ? » Réponse du crooner rembruni : « Oui, mais pourquoi faut-il que ce soit dans la mienne ? » J’adore. Plus tard, les rapports houleux de Sinatra avec l’amour de sa vie, Ava Gardner, donnèrent lieu à quelques échanges vinaigrés. Connaissant son penchant coupable pour les danseuses des hôtelscasinos de Las Vegas, la belle Ava laissa tomber un jour, désabusée : « À trois heures du matin, le seul room- service dont Frank ait besoin est frappé d’un carré blanc. » Lors de l’une de leurs ruptures, Sinatra rétorqua : « Quand le téléphone d’Ava ne sonnera pas, elle saura que c’est moi. » Réponse de la bergère au berger lorsque Sinatra épousa l’androgyne Mia Farrow, de trente ans sa cadette, post-adolescente aux cheveux ras : « Je savais bien que Frank finirait avec un garçon. » Il est vrai que cette noce suscita aussi l’incompréhension du vieil ami Dean Martin, qui tenta de raisonner Frankie avec cette remarque outrée : « Mais enfin, Frank, j’ai dans ma cave des bouteilles de bourbon plus âgées que cette fille ! » En vain. Dean Martin, à propos duquel Sinatra, après une nuit d’ivresse, lâcha cette phrase délectable : « Hier soir, Dino avait tellement bu que je le voyais tout flou. » Si ce n’est pas de la mauvaise foi, c’est de l’humour. En 1964, Sinatra frôla la noyade lors du tournage d’un film à Hawaï. Son ami Joey Bishop l’admonesta en ces termes : « Si tu t’étais souvenu de qui tu es, tu aurais pu marcher sur les eaux. » À quoi fait écho cet hommage tardif de Ronald Reagan : « Frank aurait pu devenir président s’il avait renoncé à être roi. » Allez, bonne rentrée !