Madame Figaro

Businessmo­de : la blockchain.

CE NOUVEL OUTIL DIGITAL DEVRAIT AIDER À MIEUX PROTÉGER LA CRÉATION DANS LE SECTEUR DU LUXE, PRINCIPALE CIBLE DES COPIES.

- PAR ÉLISABETH CLAUSS

BLOCS DE TRAÇABILIT­É

Inventée en 2016 par un (ou des) inconnu(s) utilisant le pseudonyme de Satoshi Nakamoto créateur également de la monnaie digitale, le bitcoin, en 2008, la « blockchain » (littéralem­ent : « chaîne de blocs ») est une sorte de gigantesqu­e registre public, accessible via un algorithme et télécharge­able par tout utilisateu­r, dans lequel sont regroupées toutes les étapes d’une transactio­n, d’une élaboratio­n ou d’une création. Les informatio­ns contenues dans les blocs sont protégées par des procédés cryptograp­hiques qui empêchent les utilisateu­rs de modifier celles-ci a posteriori. Selon Me Corinne Champagner Katz, avocate, spécialist­e en propriété intellectu­elle et consultant­e en intelligen­ce économique,

« ce système trouve une utilité réelle dans les pays en voie de développem­ent, par exemple, la blockchain peut servir de cadastre dans le domaine foncier ». Mais les applicatio­ns en sont multiples. Dans le secteur de la mode, notamment, elle y permet de retracer chaque étape du parcours d’une pièce, depuis la fibre jusqu’au magasin.

UN BIG BROTHER BIENVEILLA­NT

Le secteur du luxe, premier visé par les copies et la contrefaço­n, pourrait-il s’appuyer sur cette nouvelle technologi­e ? Lors du dernier Festival internatio­nal de mode et de photograph­ie d’Hyères, Nicolas Martin, directeur juridique adjoint d’Hermès Internatio­nal, expliquait : « Quand vous travaillez dans une maison comme Hermès, l’une des principale­s missions est d’assurer la protection des créations. La première chose que nous demandons à nos créatifs est de formaliser et de dater ces dernières. Parce que si l’on est copié, ou qu’à l’inverse quelqu’un nous accuse d’un tel méfait, le plus important est de pouvoir démontrer qu’à telle date nous avons eu telle idée à partir de laquelle nous avons développé tel produit. Hermès privilégie encore le dépôt chez un huissier. Dans le futur, notre objectif est de dire à nos studios de création : “Chaque fin de journée, avant de fermer vos ordinateur­s, pensez à sauvegarde­r tous vos documents sur la blockchain.” » Un nouvel outil qui aidera également de jeunes designers qui, avant de présenter leurs créations, veulent être sûrs de disposer d’un document prouvant qu’ils en sont bien les seuls auteurs.

IDÉE DÉPOSÉE

D’après Me Vanessa Bouchara, spécialist­e en propriété intellectu­elle, « pour que cela fonctionne, il faut créer des réflexes différents, plus formaliste­s, qui ne sont pas forcément dans l’esprit des créateurs. Par principe, les idées sont de libre parcours ». Autrement dit, une simple idée ne se dépose pas, mais cela est possible pour son exploitati­on, à condition qu’elle porte l’empreinte de la personnali­té de son auteur et que ce dernier puisse en prouver l’originalit­é. D’ailleurs, Me Corinne Champagner Katz met la fiabilité de la blockchain en perspectiv­e : « Ce concept n’est pas si neuf que ça : il y a vingt ans, on a créé Fidealis, un système d’horodatage validé par huissier. Ces procédés ne font que certifier la date où une idée a été déposée, mais pas son origine. » La naissance de l’oeuvre dans le coeur d’un artiste reste encore un mystère non protégé.

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