Businessmode : la blockchain.
CE NOUVEL OUTIL DIGITAL DEVRAIT AIDER À MIEUX PROTÉGER LA CRÉATION DANS LE SECTEUR DU LUXE, PRINCIPALE CIBLE DES COPIES.
BLOCS DE TRAÇABILITÉ
Inventée en 2016 par un (ou des) inconnu(s) utilisant le pseudonyme de Satoshi Nakamoto créateur également de la monnaie digitale, le bitcoin, en 2008, la « blockchain » (littéralement : « chaîne de blocs ») est une sorte de gigantesque registre public, accessible via un algorithme et téléchargeable par tout utilisateur, dans lequel sont regroupées toutes les étapes d’une transaction, d’une élaboration ou d’une création. Les informations contenues dans les blocs sont protégées par des procédés cryptographiques qui empêchent les utilisateurs de modifier celles-ci a posteriori. Selon Me Corinne Champagner Katz, avocate, spécialiste en propriété intellectuelle et consultante en intelligence économique,
« ce système trouve une utilité réelle dans les pays en voie de développement, par exemple, la blockchain peut servir de cadastre dans le domaine foncier ». Mais les applications en sont multiples. Dans le secteur de la mode, notamment, elle y permet de retracer chaque étape du parcours d’une pièce, depuis la fibre jusqu’au magasin.
UN BIG BROTHER BIENVEILLANT
Le secteur du luxe, premier visé par les copies et la contrefaçon, pourrait-il s’appuyer sur cette nouvelle technologie ? Lors du dernier Festival international de mode et de photographie d’Hyères, Nicolas Martin, directeur juridique adjoint d’Hermès International, expliquait : « Quand vous travaillez dans une maison comme Hermès, l’une des principales missions est d’assurer la protection des créations. La première chose que nous demandons à nos créatifs est de formaliser et de dater ces dernières. Parce que si l’on est copié, ou qu’à l’inverse quelqu’un nous accuse d’un tel méfait, le plus important est de pouvoir démontrer qu’à telle date nous avons eu telle idée à partir de laquelle nous avons développé tel produit. Hermès privilégie encore le dépôt chez un huissier. Dans le futur, notre objectif est de dire à nos studios de création : “Chaque fin de journée, avant de fermer vos ordinateurs, pensez à sauvegarder tous vos documents sur la blockchain.” » Un nouvel outil qui aidera également de jeunes designers qui, avant de présenter leurs créations, veulent être sûrs de disposer d’un document prouvant qu’ils en sont bien les seuls auteurs.
IDÉE DÉPOSÉE
D’après Me Vanessa Bouchara, spécialiste en propriété intellectuelle, « pour que cela fonctionne, il faut créer des réflexes différents, plus formalistes, qui ne sont pas forcément dans l’esprit des créateurs. Par principe, les idées sont de libre parcours ». Autrement dit, une simple idée ne se dépose pas, mais cela est possible pour son exploitation, à condition qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et que ce dernier puisse en prouver l’originalité. D’ailleurs, Me Corinne Champagner Katz met la fiabilité de la blockchain en perspective : « Ce concept n’est pas si neuf que ça : il y a vingt ans, on a créé Fidealis, un système d’horodatage validé par huissier. Ces procédés ne font que certifier la date où une idée a été déposée, mais pas son origine. » La naissance de l’oeuvre dans le coeur d’un artiste reste encore un mystère non protégé.