Madame Figaro

Cuisine : chez Armand Arnal, la force du naturel.

EN PLEINE CAMARGUE, À LA CHASSAGNET­TE, L’ÉTOILÉ ARMAND ARNAL A INSTALLÉ SA CUISINE AU SEIN D’UN POTAGER POUR METTRE FRUITS, FLEURS, HERBES ET LÉGUMES AU COEUR DE SES ASSIETTES. UNE CARTE DURABLE QUI INVENTE UN NOUVEAU RAPPORT AU TEMPS ET À LA TERRE.

- PAR MARIE-CATHERINE DE LA ROCHE / PHOTOS BERNHARD WINKELMANN / RÉALISATIO­N EMMANUELLE EYMERY

UN JARDIN, DIXIT ERIK ORSENNA, « c’est de la philosophi­e rendue visible ». Et délectable, pourrait ajouter le chef Armand Arnal. La philosophi­e potagère de cette toque horticole n’a rien mais vraiment rien d’une passade écolo qui met du vert aux fourneaux pour mieux attirer le gastro-gogo. Voilà dix ans que l’homme cultive son jardin : deux hectares de Camargue à l’orée d’une ancienne bergerie devenue le relais de bouche de La Chassagnet­te. Chaque matin, il y récolte légumes, fruits, fleurs, herbes et aromates qui font le florilège de ses assiettes étoilées. Seules quelques dizaines de mètres séparent cet éden gastronomi­que des cuisines et des tables en bois de la tonnelle, lesquelles, le soir venu, s’étoilent de loupiotes de bal popu. « Dès que j’ai passé le premier ponton, je suis tombé amoureux du lieu », sourit celui qui, durant six années new-yorkaises, a connu l’effervesce­nce de la Grosse Pomme et de la galaxie Ducasse, avant de se poser dans ce pays d’Arles et de cocagne pour y créer une cuisine au panier. Accompagné de quatre jardiniers, il y réinvente un rapport au temps, à la terre, au végétal.

AU RYTHME DES SAISONS

Chaque intitulé des plats de ce chef buissonnie­r est une ode à une des deux cents variétés qui s’épanouisse­nt dans ce biotope

POIREAUX, VERJUS ET LISETTES

POUR 4 PERSONNES. FACILE. PRÉPARATIO­N : 15 MINUTES. CUISSON : 15 MINUTES.

4 lisettes, ou petits maquereaux 1 petite grappe de raisin blanc (muscat) 16 petits poireaux crayon 1 cuillerée à café de graines de coriandre 1 botte d’oignons frais 50 cl de verjus

2 cuillerées à soupe de vinaigre de Banyuls 4 cuillerées à soupe d’huile d’olive sel.

FAIRE lever les filets des lisettes, les assaisonne­r au sel et les déposer dans un plat creux. NETTOYER les poireaux et les cuire dans le verjus avec les graines de coriandre. ÉPLUCHER les oignons, les couper en lamelles et les ajouter aux poireaux, laisser cuire 10 minutes. VERSER le bouillon obtenu sur les filets de lisette. MIXER les verts de poireaux avec 3 cuillerées à soupe d’huile d’olive jusqu’à obtenir une purée. Récupérer une partie du bouillon, y ajouter le vinaigre et l’huile d’olive restante. SERVIR les filets de lisette assaisonné­s de cette vinaigrett­e sur un lit de purée de poireaux, avec des raisins frais. ASTUCE : LE CHEF ARMAND ARNAL REMPLACE LE BEURRE ET LA CRÈME PAR DES PURÉES VÉGÉTALES FAITES AVEC DES FANES, COMME ICI AVEC LES TIGES DES POIREAUX.

camarguais au rythme de poussées de sève saisonnièr­es : tomates anciennes, poireaux crayon, courges spaghetti, herbes folles, mais aussi saveurs voyageuses découverte­s au détour de ses pérégrinat­ions et qui ont trouvé là terre d’adoption. Sa carte se lit comme un herbier égrenant, semaine après semaine, le fruit de ses récoltes cuisiné à l’instinct et sur l’instant. Car dans ses assiettes, c’est bien le jardin qui donne le « la ». Miroir inversé de la cuisine classique, viandes et poissons viennent en garniture, voire en simple assaisonne­ment. Et quand ces nourriture­s animales s’invitent au festin, elles ne mentent pas sur leur origine : locale et racée. Agneau du berger d’à côté, canard des étangs, taureau des manades, poissons pris au filet des pêcheurs de Vaccarès… Et si le gluten a disparu de son pain, ce n’est pas, là encore, par effet de mode, mais parce que le riz de Camargue donne une farine à nulle autre pareille.

CARTE ÉCOPOTAGÈR­E

En un mot, ce chef durable – chez lui, fanes de betterave ou de navet, rien se perd – est capable de vous transforme­r trois racines piochées dans son potager en une montagne d’émotions, en un haïku légumier à tomber. Car, à l’instar des « Cent Mille Milliards de poèmes », de Raymond Queneau, c’est à cent mille milliards d’expérience­s gustatives qu’il vous invite. Et ces agapes à la verve potagère vont, pour peu que l’on résiste à l’appel – naturel et local – de Bacchus, jusqu’à se mettre en accord avec des jus et des décoctions maison. Avec Armand Arnal, la gastronomi­e est définitive­ment dans le pré. www.chassagnet­te.fr

RIZ AU LAIT AUX PRUNES POUR 4 PERSONNES. FACILE. PRÉPARATIO­N : 15 MINUTES. CUISSON : 40 MINUTES.

40 cl de lait de riz 10 cl de lait de vache 100 g de crème 110 g de sucre 90 g de riz rond 600 g de prunes 2 ou 3 branches de romarin. MÉLANGER les laits, la crème et 1 cuillerée à soupe de sucre. PORTER à ébullition. Ajouter le riz et laisser cuire à feu doux 20 à 30 minutes. Dès que le riz est cuit, remonter le feu afin de réduire rapidement le lait. LAISSER refroidir à températur­e ambiante. Puis filmer à contact et réserver au réfrigérat­eur. Dans une casserole, faire chauffer les prunes dénoyautée­s et coupées en deux (en conserver quelquesun­es pour la présentati­on) avec le romarin et 100 g de sucre. FAIRE cuire à feu doux jusqu’à ce que la marmelade épaississe. RÉPARTIR la marmelade dans 4 bols, ajouter le riz au lait froid par-dessus, puis parsemer de quartiers de fruits frais. ASTUCE : POUR UN RIZ AU LAIT ENCORE PLUS ONCTUEUX, ARMAND ARNAL AJOUTE UNE CRÈME ANGLAISE À LA FIN DE LA CUISSON DU RIZ.

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 ??  ?? Armand Arnal, chef jardinier, dans son royaume végétal de La Chassagnet­te.
Armand Arnal, chef jardinier, dans son royaume végétal de La Chassagnet­te.
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