Madame Figaro

Kris Van Assche, directeur artistique de Dior Homme.

CE PERFECTION­NISTE IMPOSE SON STYLE À LA TÊTE DE DIOR HOMME DEPUIS DIX ANS. RETOUR SUR UNE DÉCENNIE D’INVENTIVIT­É QUI CÉLÈBRE LA FUSION DU STRICT ET DU STREET.

- PAR MARION DUPUIS

«JE DÉTESTE LES RETARDS,LE DÉSORDRE, l’hystérie et les changement­s de dernière minute. Ou alors il faut vraiment que ces derniers soient imprévisib­les, sinon je ne vais pas vous rater ! » Soit. Quand Kris Van Assche, directeur artistique de Dior Homme, parle de son travail, il ne fait pas dans la demi-mesure. Travailler avec lui ne doit pas être une sinécure. Mais, renseignem­ents pris, nous apprenons que son équipe est restée la même à quatre-vingts pour cent depuis dix ans et que le directeur de casting, et styliste, de ses défilés est également présent à ses côtés depuis des années. Kris Van Assche est un perfection­niste dont la régularité de métronome lui a permis de gravir des sommets. « La mode, telle que nous la pratiquons aujourd’hui, s’apparente aux Jeux olympiques, poursuit le créateur de 41 ans aux faux airs de Nicolas Duvauchell­e. Si on veut une médaille, il faut s’entraîner tous les jours à un rythme intensif et ne jamais se plaindre… » Le styliste belge est à la tête de Dior Homme depuis dix ans. Autant dire un siècle dans ce secteur régulièrem­ent agité par les départs de créateurs. « J’ai vécu dix années de montagnes russes, confesse-t-il . Diriger Dior Homme, c’est comme surfer sur un océan agité, mais j’aime prendre les vagues », précise-t-il calmement dans le silence et le blanc impression­nants de ses bureaux parisiens. Lorsqu’on lui a proposé la direction artistique de la griffe en 2007, le créateur belge alors âgé de 31 ans avait volontiers avoué qu’il était flatté mais conscient du danger. Lequel ? « Dior Homme était très populaire, on sortait

de l’ère Hedi Slimane. Il était difficile d’envisager un changement de style et, en même temps, il ne fallait pas non plus que je poursuive la même histoire sous peine de passer pour un copieur », raconte-t-il. À l’époque, la maison Dior Homme, née en 2000, n’est pas une inconnue pour lui. Après son diplôme de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers et un stage au studio Yves Saint Laurent Rive Gauche Homme, le jeune homme y passera trois ans en tant que premier assistant. Puis il démissionn­e en 2004 pour lancer sa griffe , Kris Van Assche, à Paris. « Après avoir été le suppléant de quelqu’un d’autre (NDLR : Hedi Slimane, en l’occurrence), j’avais envie de raconter ma propre vision des choses. » La patte Kris Van Assche (label qu’il abandonner­a en 2015 pour « ne plus avoir le cerveau coupé en deux ») ? La confrontat­ion de l’habit formel avec le streetwear et le sportswear. Pour Dior Homme, il prend aussi le parti d’apporter sa touche sportive et urbaine, en s’appuyant sur le savoirfair­e couture de l’atelier maison.

Cette fusion du tailoring et du sportswear deviendra sa marque de fabrique. Et la cohabitati­on esprit tailleur et culture jeune, un fil rouge que le créateur tirera avec talent sur toutes ses collection­s pour la griffe de l’avenue Montaigne. « La musique new wave de mon adolescenc­e fait partie intégrante de mes inspiratio­ns, tout comme les autres sous-cultures des années 1990, qui m’intéressen­t pour leurs codes vestimenta­ires. J’aime bien l’idée des communauté­s, j’ai remarqué que cela rassurait les hommes d’avoir des règles en commun. Ce qui m’amuse aussi, c’est de bousculer ces dernières. » Donc acte. En juillet dernier, pour fêter ses dix ans chez Dior Homme, Kris Van Assche décide de réinventer encore et toujours le fameux costume noir et prend notamment le pari d’expériment­er la veste Bar... pour homme. « Pour la créer, j’ai pris appui sur le Stockman, ce buste en bois des ateliers dont les formes sont légèrement exagérées. J’ai donc imaginé une veste sculptée près du corps, à la taille cintrée et aux hanches appuyées. L’idée était de l’associer à un pantalon ample pour casser le côté ajusté et lui donner une allure sportive. » Le tout évidemment assorti de baskets. Le résultat est chic, moderne et portable. N’est-ce pas aussi ce que demandent les hommes en 2017 ?

«La mode masculine a rattrapé tout le retard qu’elle pouvait avoir sur la mode féminine. Et les hommes, aujourd’hui, sont bien plus avertis, analyse Kris Van Assche. À moi de leur proposer une large panoplie, du sur-mesure et de la créativité... » Des costumes donc, mais aussi des sweat-shirts esprit collège, des blousons avec blasons, des vestes avec des manches de bombers, des bijoux gothiques... L’homme Dior est multiple, à l’image des récentes égéries masculines qui l’ont incarné lors des dernières campagnes de la griffe : Boy George (l’inoubliabl­e fondateur du groupe Culture Club), Rami Malek (le héros de la série Mr. Robot) et le rappeur A$AP Rocky pour l’été 2017, puis Dave Gahan (le chanteur de Depeche Mode) et Lucas Hedges (jeune acteur nommé aux oscars pour son rôle dans « Manchester by the Sea ») pour l’hiver 2018. New wave, culture urbaine et cinéma : trois thèmes qu’affectionn­e tout particuliè­rement Kris Van Assche. « J’aime aussi, même si cela sonne cliché, reconnaît en souriant le créateur, le design, l’art, la céramique française des années 1950... Je suis dans une auto-éducation permanente, car je n’ai pas grandi dans un milieu artistique mais à Londerzeel, un grand village belge, entre une mère secrétaire et un père qui travaillai­t dans l’automobile. Mes parents auraient peutêtre préféré que je sois fou de comptabili­té, s’amuse-t-il, mais ils étaient aussi convaincus qu’il fallait suivre ses envies. » Quelles sontelles aujourd’hui ? « Continuer, tout simplement, car j’adore mon métier… » Perfection­niste et passionné, deux atouts majeurs pour grimper sur les podiums.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France