Madame Figaro

Vincent Dedienne, l’humour fou.

CET AUTEUR, ACTEUR, HUMORISTE EST L’UNE DES PLUMES LES PLUS DÉLICATES DU MOMENT. SUR SCÈNE, CETTE SAISON, IL N’HÉSITE PAS À SE METTRE À NU.

- PAR MARILYNE LETERTRE

« S’IL SE PASSE QUELQUE CHOSE… » Cette hypothèse posée dans le titre de son spectacle devient certitude lorsque l’on voit Vincent Dedienne sur scène. Une multitude d’états et de sentiments se succèdent alors : le rire, la tendresse, l’empathie, l’identifica­tion, distillés ici avec la finesse, l’intelligen­ce et le goût évident du verbe qui habitent l’humoriste. « J’ai appris à lire très tôt, dans mon coin, avant l’école. Et comme j’étais fils unique à la campagne, c’était soit les jeux de société tout seul, soit la lecture pour contrer l’ennui. » L’autre échappatoi­re sera la VHS d’un one-woman-show de Muriel Robin, qui lui donnera le déclic de l’écriture et du jeu. « Elle a fait naître mon amour de la scène, plus que celui de l’humour. C’est parce que j’ai découvert Muriel Robin que j’ai découvert Shakespear­e ! Elle a été une porte ouverte vers d’autres mondes, loin de ma Saône-et-Loire où j’étais pourtant très heureux de grandir. Avec elle, j’ai compris que les lumières du théâtre et le velours rouge des fauteuils seraient mon aquarium où je respirerai­s mieux. »

Ce pressentim­ent sera consolidé dès ses premiers rôles avec une troupe amateur, puis à l’École nationale d’art dramatique de SaintÉtien­ne, où il fera ses armes. À Paris, il forgera son univers éclectique, composé de références populaires, académique­s et vintage ayant nourri son spectacle qui, toujours en tournée, occupera aussi l’Olympia (déjà complet), puis les Folies Bergère en décembre, les cinémas le 12 octobre (pour célébrer la 300e) et les rayons DVD dès le 31 octobre. Autant d’occasions d’en connaître davantage sur la personnali­té du trentenair­e. « J’aime l’autodérisi­on et si je dois rire de quelqu’un, je préfère que ce soit de moi. » Abandon au berceau, adoption, scolarité, sexualité, premiers essais dans la comédie, Vincent Dedienne se met à nu sur scène, dans tous les sens du terme - il ouvre le bal en tenue d’Adam. « J’aime flirter avec l’impudeur et l’exhibition­nisme. Mais uniquement avec l’appui du théâtre, du jeu. D’ailleurs, dans un vestiaire, je suis incapable de me déshabille­r, alors que je le fais tous les soirs devant le public. C’est paradoxal, mais je crois que les acteurs ne travaillen­t justement que sur leurs paradoxes et leurs incohérenc­es. »

Amoureux de Raymond Devos, de François Rollin, de Muriel Robin ou encore de Pierre Desproges, le jeune homme, né à Mâcon en 1987, confesse ne jamais s’être senti de sa génération, biberonnée aux vannes de Jamel et de Gad Elmaleh. « L’expression “la curiosité est un vilain défaut” m’a toujours énervé. Pour moi, quand on fait ce métier, la curiosité est la moindre des politesses. C’est peut-être pour cela que je suis allé chercher. » Chercher quoi ? Une certaine mélancolie peut-être, point commun de ses idoles comptant aussi Barbara et Annie Girardot. « J’adore l’énergie du désespoir, la politesse du rire, l’élégance du clown. J’aime que l’on me fasse rire et que l’on me bouleverse dans la même phrase. » Qualité qu’il fait sienne dans son show en solo où l’émotion pointe entre deux rires francs, faisant ainsi apparaître son talent tragi-comique qui, après la télévision (« la Matinale » sur Canal+ et, aujourd’hui, « Quotidien » sur TMC), se voit courtiser par le grand écran et le théâtre. En 2018, Catherine Hiegel le mettra en scène avec Clotilde Hesme dans « le Jeu de l’amour et du hasard » à la porte SaintMarti­n. « J’avais très envie de jouer un texte qui ne serait pas le mien : je suis quand même le moins bon des auteurs que j’aime ! » Sur grand écran, il donnera la réplique à Camille Cottin et à Camille Chamoux dans la comédie « Premières Vacances » et tournera dans « la Fête des mères », de Marie Castille Mention-Schaar, avec Nicole Garcia, actrice qu’il admire autant que Catherine Deneuve, Nathalie Baye ou Fanny Ardant. « Les gens sont bienveilla­nts avec moi, et je l’ai bien cherché : le petit problème d’abandon au tout début de ma vie m’a donné un peu de niaque pour aller chercher la reconnaiss­ance. » Laquelle a notamment pris forme avec un molière de l’Humour en 2017. Le premier, sans doute, d’une très longue liste.

« S’il se passe quelque chose… », à l’Olympia, du 1er au 4 octobre, aux Folies Bergère, à Paris, du 26 au 31 décembre. Au cinéma, le 12 octobre, en séance unique à 20 heures. En DVD, le 31 octobre (TF1 Vidéo). « Q comme Kiosque », dans « Quotidien », de Yann Barthès, sur TMC.

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