Madame Figaro

Marina Abramović.

ELLE JOUE À LA ROULETTE RUSSE, SE JETTE DANS LES FLAMMES OU RESTE IMMOBILE TROIS MOIS AU MOMA, À NEW YORK. À 70 ANS, LA CHAMANE DE L’ART CONCEPTUEL EST UNE SUPERSTAR À LA TÊTE D’UNE OEUVRE AUSSI RADICALE QU’UNIVERSELL­E. ELLE REVIENT SUR SON DESTIN AU GOÛT

- PAR SHIRINE SAAD / PHOTOS JESSE FROHMAN

MMARINA ABRAMOVIĆ TRÔNE DANS LA LOGE DU STUDIO DE PHOTOGRAPH­IE, enroulée dans un châle en mohair noir, impassible sous les coups de pinceau de maquillage et de fer à friser. Une heure et demie plus tard, totalement maquillée, son impression­nante crinière ébouriffée, ses ongles couverts d’un vernis rouge, elle sirote un café. Demain, l’artiste repart encore en voyage – « Il ne me reste que cinquante ans à vivre ! Je n’ai pas le temps d’être fatiguée ! » À 70 ans, Marina la guerrière, la rebelle, la chamane, continue à bouleverse­r le monde de l’art. Elle raconte son extraordin­aire parcours, de Belgrade à New York, dans une autobiogra­phie à son image : radicale, pure, dopée au courage et à la soif de liberté. Des performanc­es undergroun­d dans l’Europe mutilée de l’après-guerre, des nuits de gel dans la camionnett­e conduite par son amoureux et partenaire, Ulay, des aventures spirituell­es au Tibet, dans l’outback australien, au Brésil ou encore en Inde, elle a puisé une immense sagesse, une joie de vivre et un humour lugu-

bre. Son ascension fulgurante dans le monde de l’art a rencontré le grand public lors de son extraordin­aire performanc­e « The Artist Is Present », en 2010 au MoMA, à New York. Pendant trois mois, assise derrière une simple table en bois, elle plongeait son regard dans celui de la personne assise en face d’elle. Plus de mille personnes, qui patientaie­nt des heures durant que vienne leur tour, ont fait face à l’artiste et en repartaien­t souvent en larmes.

Sous les projecteur­s du studio, en robe-chemise noire et sandales en plastique « Fuck Negativity », l’artiste se déchaîne. Elle secoue sa chevelure, l’agrippe, lance des regards furieux à l’objectif. Elle tient un cristal massif, rigole-t-elle, pour que son nez semble moins énorme. Entre deux déclics, son équipe ajuste une mèche, poudre son teint. Radieuse, elle lance un mot gentil, une blague espiègle. Majestueus­e et dramatique, cette diva de la vie est la Callas de l’art conceptuel. Retour sur ses points forts.

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