Exclusif : Daniel Arsham, artiste du temps.
IL N’A DE CESSE D’INTERROGER LA MÉMOIRE, D’EXPLORER LES LIENS ENTRE INTERMITTENCE ET ÉTERNITÉ AVEC UNE INFINIE POÉSIE. L’AMÉRICAIN, PLASTICIEN, SCULPTEUR, PHOTOGRAPHE, ARCHITECTE, S’EXPOSE À PARIS, À LA GALERIE PERROTIN. L’OCCASION DE RETROUVER OU DE DÉCO
Daniel Arsham est un artiste qui voit loin. À des milliers d’années. Ses sculptures en cendres volcaniques, poussière de roches glaciaires, quartz rose, verre pulvérisé, marbre en poudre, fragments d’obsidienne, s’intéressant à l’« archéologie du futur », imaginent les restes de notre culture – instrument de musique, téléphone, appareil photo, casque, pneu, cassette, gant de base-ball, cabine téléphonique, etc. – lorsque des archéologues d’un lointain millénaire découvriront les artefacts de notre civilisation. C’est l’ouragan Andrew qui, après avoir dévasté en 1992 Miami, où vivait l’artiste, a rendu Daniel Arsham sensible à l’idée de l’impermanence. Le travail de tout artiste est une conversation avec le présent mais aussi avec ceux qui ne sont pas encore nés. Daniel Arsham donne un coup d’accélérateur à ce processus. « Il nous offre le frisson un peu macabre de voir notre culture
comme d’autres pourront la découvrir dans plusieurs siècles », s’amuse l’artiste anglais Marc Quinn, un de ses amis. Mais avec une bonne dose d’humour en plus.
NÉ EN 1980 À NEW YORK, élevé à Miami, Daniel Arsham est un artiste à multiples facettes, aussi bien impliqué dans les arts plastiques que dans la danse, le théâtre ou l’architecture. « Lorsque j’élabore des projets, je traverse les disciplines, je ne les distingue pas, explique-t-il. Un même jour, je peux travailler sur une peinture et collaborer avec le danseur Jonah Bokaer sur une scénographie. » Il a commencé par créer costumes, lumières et décors pour le chorégraphe Merce Cunningham et il a voyagé avec sa troupe. Il est ensuite devenu l’assistant de Bob Wilson, le génial metteur en scène du « Regard du sourd », avant d’ouvrir son propre studio dans le quartier de Queens, à New York. « Ce que j’ai retenu de mon travail avec Merce, c’est l’importance des collaborations », explique Arsham. Un principe qu’il a appliqué avec Pharrell Williams pour un opéra, « Rules of the Game », avec James Franco et Juliette Lewis pour une série de films. Il a assuré la direction artistique de clips et de covers pour Usher. À la demande d’Hedi Slimane, à l’époque styliste de Dior Homme, il est intervenu dans la boutique de la marque à Los Angeles. Il a également développé une collection capsule pour le maroquinier Moynat.
CES DERNIÈRES ANNÉES, Daniel Arsham flirte avec l’architecture, une discipline qui, enfant, l’attirait. Par exemple, pour une exposition à Moscou, cet automne, une de ses oeuvres jouait avec la structure du lieu, comme si une force invisible tirait la peau des murs pour en faire un noeud au centre de la pièce. Fidèle à ses rêves de bâtisseur, Arsham a fondé en 2007, avec Alex Mustonen, Snarkitecture, une agence qui réalise des projets architecturaux, comme les boutiques de vêtements Kith, à New York et à Miami, ou celle de COS, à Los Angeles. Il injecte dans la plupart de ses réalisations un bon shot d’humour. Il a ainsi rempli le hall de la National Gallery de Washington de balles de plastique pour transformer cet espace en plage, une idée reproduite au musée des Art décoratifs, à Paris, l’hiver dernier. « J’aime que l’architecture permette des choses auxquelles elle n’était pas destinée », explique Arsham. « La modification joue un grand rôle dans mon travail, ajoute-t-il. La métamorphose de l’histoire, de l’architecture, ou du résultat que l’on attend. »
POUR SA NOUVELLE EXPOSITION à la galerie Perrotin, à Paris, Arsham présente des pièces influencées par ses voyages en Asie, autour des thèmes de la permanence et de l’éphémère : des sculptures des différentes phases de la Lune, mais aussi la série des « Sand Paintings », comme des mandalas tibétains ou des jardins zen, composés de pigments colorés, qui seraient accrochés aux murs. « C’est la première fois que je montre un travail en couleurs », explique Daniel Arsham. Il est en effet daltonien, mais, grâce à des lunettes qui corrigent en partie cette maladie, il peut voir certaines teintes. « C’est lorsque je suis sur un terrain qu’il est difficile pour les gens de définir que je suis le plus libre », a-t-il confié. Peintre, architecte, sculpteur, scénographe. Daniel Arsham, artiste total.