MONICA SABOLO La fin de l’été
JAMAIS PETIT POUCET NE NOUS A TANT ÉMUS. Lors d’un pique-nique estival au bord du lac Léman, alors que Benjamin, adolescent tourmenté, commence à se laisser troubler par les amies de sa soeur, celle-ci disparaît. Summer a 19 ans. La police ne trouve aucun indice. Comme si le Léman l’avait avalée. C’est pourquoi, depuis, « dans les rêves de Benjamin, il y a toujours le lac ». C’est pourquoi, dans ce roman atmosphérique, et, pourrait-on dire, aquatique, se promène au milieu des algues et des poissons, dans les ténèbres des eaux glacées ou la luminescence des aquariums, mais aussi dans la clarté nuageuse des regrets, une jeune fille en chemise de nuit bleue, aux longs cheveux blonds et à l’expression énigmatique. Summer volatilisée, Benjamin s’est drogué, a cédé à la violence, est tombé amoureux de Jill, l’amie de la grande soeur tant aimée disparue, a tout gâché, s’est replié sur lui-même…
Vingt-quatre ans plus tard, il est pris de crises de panique épouvantables et n’arrive plus à vivre. Comment a-t-il fait, d’ailleurs, pour tenir si longtemps sans savoir si Summer est vivante ou morte ? Alors Benjamin tente de retrouver, comme s’il ramassait des cailloux sur le chemin, le fil de leur enfance commune auprès d’un père séducteur mais autoritaire, et d’une mère belle et mélancolique, dans un milieu très favorisé où il faut avant tout sauver les apparences. Benjamin vit en compagnie du fantôme de Summer depuis si longtemps qu’il en a oublié d’interroger plus précisément sa mémoire ainsi que tous ceux qui ont traversé ce drame. S’entrecroisent ainsi dans un ballet gracieux, à l’écriture très maîtrisée, les éclats coupants du passé revisité et le présent d’un homme qui perd pied. Une variation intelligente sur le thème d’Ophélie, un faux-vrai thriller sur les secrets de famille, et surtout un roman élégiaque sur la beauté fragile de l’adolescence. I. P.