Madame Figaro

NICOLE KIDMAN en mode icône

LA PLUS CÉLÈBRE DES ACTRICES AUSTRALIEN­NES, AMBASSADRI­CE DE FENDI, ÉTAIT L’INVITÉE DU PRINTEMPS HAUSSMANN POUR L’INAUGURATI­ON DES VITRINES DE NOËL. L’OCCASION D’UN TÊTE-À-TÊTE AVEC LA STAR, OÙ IL EST QUESTION D’ÉLÉGANCE, D’HORTICULTU­RE... ET D’ISABELLE HU

- PAR ISABELLE GIRARD / PHOTOS MATIAS INDJIC

LE TEINT EST TRANSLUCID­E, les yeux sont bleu lagon, la voix est douce et l’allure virginale lorsqu’elle apparaît sous la coupole Art déco du Printemps, à Paris, qui ressemble à une cathédrale. Nicole Kidman est irréelleme­nt grande dans sa jupe crayon vert émeraude qui lui donne l’allure d’un roseau. Trop grande, trop diaphane, trop inaccessib­le, trop parfaite, avec ses cheveux blonds en boucles défaites, ses jambes interminab­les, son haut en mousseline bleu céleste comme le bleu Botticelli de l’« Annonciati­on ». Elle murmure comme à confesse, se raconte avec prudence et malice, plonge ses yeux dans les vôtres pour vous hypnotiser, tout en montrant qu’elle porte aux oreilles une paire de boucles en forme de scorpion qui descend le long de son cou longiligne. Est-ce pour rappeler que derrière cet air angélique se cache aussi l’héroïne énigmatiqu­e de « Eyes Wide Shut », de Stanley Kubrick, ou la meurtrière vénéneuse de « Prête à tout », de Gus Van Sant ? Miss Kidman, 50 ans et un oscar, à la fois ange et démon ? Lorsqu’elle fut intronisée dans le « Hollywood Walk of Fame », apposant l’empreinte de ses mains dans le ciment frais du trottoir des stars, elle aurait eu cette réplique devenue culte : « Je n’ai jamais été aussi excitée à l’idée que des gens allaient me piétiner pendant des années. »

Elle ne se souvient pas d’avoir dit cela, mais lâche toutefois un sourire de madone tout en baissant les yeux comme une enfant prise la main dans le pot de confiture.

FENDI : UNE PASSION POUR KARL

« Depuis de longues années, je suis une amie de la maison et, depuis encore plus longtemps, de son directeur de création, votre génial Karl Lagerfeld, qui prolonge la vie de cette marque mythique avec ses fabuleuses collection­s, ses vêtements luxueux, où il sait mélanger les textures, l’asymétrie de ses robes, ses blouses à volants comme celle que je porte aujourd’hui, légères, féminines, sexy, confortabl­es. Fendi est l’un des rares à savoir mélanger la fourrure, la laine, l’antilope ou le crocodile. Cette débauche de matières est inédite. Et puis ce qui me touche, c’est la relation privilégié­e que la maison a entretenue avec le cinéma italien, quand Fendi habillait les stars de Cinecittà, Sophia Loren ou Silvana Mangano. »

Fendi, partenaire du Printemps Haussmann pour les fêtes de fin d’année, présente une vitrine de Noël sur le thème du voyage et un pop-up store féerique situé dans l’atrium du grand magasin.

LA MODE

« C’est indispensa­ble, car c’est un moyen de s’amuser. Changer de look, c’est changer d’identité, d’humeur. J’aime porter de beaux vêtements. Ce sont pour moi des oeuvres d’art. J’ai beaucoup d’affection et d’admiration pour les designers, Raf Simons, Calvin Klein et Karl, bien sûr. Ce sont pour moi des artistes, tout comme le sont aussi les artisans au savoir-faire séculaire. Je n’aime pas le mot “empowermen­t”, que l’on utilise tout le temps pour suggérer aux femmes de s’affirmer. Une femme n’a besoin de personne pour savoir quelle image elle veut dégager. Elle sait très bien s’habiller pour aller obtenir un job, un rôle, ou pour séduire. »

SES ICÔNES DU STYLE

« Il y a Katharine Hepburn dans “The Philadelph­ia Story”, de George Cukor, avec ses robes en mousseline et ses hauts à strass. Mais il y a aussi Catherine Deneuve dans “Belle de jour”, avec ses vêtements classiques de bourgeoise égarée. Je crois que cette image-là est imbattable. »

SES BASIQUES

« Un jean et un tee-shirt. Mais mes filles n’aiment pas que je sois habillée simplement. Même quand je vais les chercher à l’école, il faut que je sois vêtue comme une dame, avec une jupe, des chaussures à talons, un Brushing… Mes filles sont vraiment très, très filles. Elles aiment les robes, les tutus, les chaussures à paillettes. Quand nous allons à la messe, le dimanche, elles s’habillent comme des gravures de mode. »

NASHVILLE

« Lorsque j’ai rencontré mon mari, Keith Urban, je n’avais pas de maison, pas d’ancrage. Rien ne me retenait nulle part. Alors il m’a dit : “Allons à Nashville, c’est ma ville. C’est là que je travaille.” Je lui ai répondu que s’il me trouvait un “home sweet home”, je le rejoindrai­s volontiers. Et voilà. Je vis dans le Tennessee. Il y a des rivières, des lacs, des forêts où nous nous promenons avec nos enfants. Je cultive mes rosiers et mes gardénias. J’ai aussi un potager. L’année prochaine, je vais passer un diplôme d’horticultr­ice. Ma mère faisait beaucoup de jardinage. Enfant, je la voyais revenir du bush australien avec des égratignur­es sur les bras et les jambes, chargée des champignon­s qu’elle avait ramassés. Elle rayonnait. Elle m’a appris que c’est au milieu de la nature que l’on trouve la paix. Qu’aller cueillir des fleurs dans le jardin avec les enfants en fin de journée, se laisser envoûter par le parfum d’un jasmin, c’est là vraiment que réside le bonheur. »

L’AUDACE

« C’est l’envie. L’envie de construire, l’envie d’évoluer, de se mettre en danger. C’est aussi accepter de se mettre en position de vulnérabil­ité pour se dépasser. Je crois que j’ai fait preuve d’audace avec certains des derniers films tournés, comme celui du cinéaste grec Yórgos Lánthimos, “Mise à mort du cerf sacré”, ou “Destroyer”, un thriller de Karyn Kusama. »

LA PÉRENNITÉ

« Je voudrais laisser l’image d’une femme qui a été capable d’aimer – sa famille, son métier, son prochain. Savoir aimer, c’est ce qu’il y a de plus important. Être passionnée est indispensa­ble dans sa vie personnell­e comme dans sa vie profession­nelle. Ce n’est pas une posture facile, car elle vous rend très sensible à l’échec, à la déception, à la perte des êtres chers. Je suis fragile, mais je suis aussi très résiliente. C’est ma force. Quand j’ai le blues, j’appelle ma soeur, Antonia, ou je vais la voir. Elle habite à Singapour avec ses six enfants. Je pose ma joue sur la sienne et je me sens bien. Cette osmose est naturelle. On a dormi dans le même lit, on a joué ensemble, on a perdu notre père ensemble, on s’est occupées de maman ensemble quand elle était malade. On s’entraide. Elle vient d’obtenir son diplôme d’avocate, qu’elle a passé par correspond­ance. Elle m’a dit qu’elle voulait aider le monde. »

L’ÉLÉGANCE

« C’est sans doute l’idée la plus difficile à exprimer. Tout à l’heure, j’ai aperçu une femme marcher dans la rue. Elle portait un manteau couleur miel, une grande écharpe ocre qui volait. L’élégance, c’est peut-être de savoir mettre les choses ensemble pour que le résultat soit harmonieux. Comme dans un tableau impression­niste où un rose qui côtoie un vert donne la lumière d’un soleil couchant. Elle marchait avec certitude et légèreté, c’était une image absolue de liberté. C’est aussi cela, l’élégance. »

ISABELLE HUPPERT

« Elle vient de m’envoyer un e-mail pour me dire qu’elle aimerait que nous travaillio­ns ensemble. C’est aussi une soeur pour moi. Elle est belle, complexe, passionnée, vivante. Mais il faut la traiter avec délicatess­e. »

L’ENGAGEMENT

« J’apporte ma voix et mon temps à Unifem (NDLR : Fonds de développem­ent des Nations unies pour la femme) pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ma mère était féministe et m’a toujours dit qu’il fallait que nous, femmes, nous nous entraidion­s et que nous nous considério­ns comme des alliées et non comme des ennemies. Il y a quinze ans, j’écoutais un programme sur la BBC qui parlait du travail de ce fonds de développem­ent au Cambodge, où l’on apprenait aux femmes un métier pour les sortir de la prostituti­on. J’apporte ma voix, mon énergie, ma capacité à organiser des galas de charité et à récolter de l’argent pour aider ces femmes dans le monde entier et leur redonner de la dignité. Cela me donne le sentiment d’avoir une place dans le monde. »

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