Madame Figaro

OPTION CRÉATION

ÉCRIVAIN, CRÉATEUR DE MODE, CHEF ÉTOILÉE… ILS ONT FAIT LEURS PREMIERS PAS DANS L’AVIATION OU LA GESTION AVANT DE TOUT LÂCHER POUR VIVRE LEUR PASSION. CINQ FIGURES ARTISTIQUE­S NOUS RACONTENT LEUR GRAND SAUT.

- PAR MARIE-SOPHIE N’DIAYE / PHOTOS LOUIS TERAN

MARC DUGAIN ÉCRIVAIN ET RÉALISATEU­R

VOTRE PREMIÈRE VIE PROFESSION­NELLE ?

« J’ai travaillé dans la finance, puis dans l’aviation. J’étais spécialisé dans la finance liée aux transports, c’est comme ça que j’ai pris le contrôle d’une compagnie aérienne régionale (Proteus Airlines), puis d’une seconde (Flandre Air).

Je les ai ensuite cédées à Air France. »

LE DÉCLIC QUI VOUS A FAIT BASCULER

VERS UN MÉTIER CRÉATIF ?

« Le déclencheu­r est venu d’Air France, avec sa propositio­n de racheter la compagnie. Le passage d’une vie à l’autre n’a pas été simultané, j’avais déjà écrit “la Chambre des officiers” pendant mes vacances, en 1998. Le livre a bien marché, j’ai eu envie de continuer à écrire, mais j’étais pris par mes responsabi­lités. J’avais quand même le sentiment d’être au bout de ce que je pensais pouvoir faire dans les affaires, je n’avais pas tellement plus d’ambition. Le cinéma est venu plus tard. »

EN QUOI VOTRE ANCIEN MÉTIER NOURRIT-IL L’ACTUEL ?

« Je ne pourrais pas être “monoactivi­té”, j’aime passer de l’une à l’autre. J’ai besoin de moments de solitude, nécessaire­s à l’écriture, qui peuvent durer plusieurs semaines et même plusieurs mois, mais j’aime bien aussi la vie sociale, celle que je retrouve avec mes associés et ma société de production. J’ai besoin de me vider la tête en faisant autre chose, puis de me revider la tête en faisant encore autre chose. »

CE QUE VOUS PRÉFÉREZ DANS VOTRE MÉTIER ?

« Pour le cinéma, diriger les acteurs afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.

Et, dans mon métier d’écrivain, le plaisir d’être seul avec moi-même, mes rêves, mon monde. Être complèteme­nt hors du temps. » Dernier ouvrage paru : « Ils vont tuer Robert Kennedy », éd. Gallimard.

ANNE-SOPHIE PIC CHEF ÉTOILÉE

VOTRE PREMIÈRE VIE PROFESSION­NELLE ? « J’ai grandi dans l’univers magnifique de la gastronomi­e (NDLR : son père, Jacques Pic, était lui aussi un chef étoilé) ; mes parents m’ont sensibilis­ée aux belles et bonnes choses. Mais, en grandissan­t, j’ai ressenti l’envie de m’émanciper, de quitter Valence. En plus, ma mère me déconseill­ait de faire ce métier. J’ai décidé de faire des études à l’Institut supérieur de gestion, à Paris. Ensuite, j’ai travaillé chez Cartier et chez Moët & Chandon. »

LE DÉCLIC QUI VOUS A FAIT BASCULER VERS UN MÉTIER CRÉATIF ?

« Le directeur export de Moët & Chandon m’a ouvert l’esprit sur le fait que la cuisine était un métier merveilleu­x. J’ai voulu apprendre... »

EN QUOI VOTRE ANCIEN MÉTIER NOURRIT-IL L’ACTUEL ?

« Il m’a appris l’adaptation. À 22 ans, je suis allée au Japon, ç’a été un vrai choc culturel, mais j’ai su m’adapter. Quand je suis arrivée en cuisine, c’était lourd, je n’ai pas été forcément bien accueillie, mais je me disais : tu vas t’adapter. Et puis à l’étranger, inévitable­ment, on apprend l’ouverture sur le monde, les produits. Au Japon, par exemple, j’ai découvert l’amertume et j’ai intégré, dix ou quinze ans plus tard, des ingrédient­s japonais dans ma cuisine. »

CE QUE VOUS PRÉFÉREZ

DANS VOTRE MÉTIER ?

« Le moment des essais, celui où je cherche de nouveaux plats. L’autre moment que j’aime, c’est la découverte des produits. Pour cela, je passe mon temps à alimenter mon réseau. La relation humaine est donc au centre de ma création : sans les autres, je ne suis pas grand-chose. » www.anne-sophie-pic.com

ANNE-SOPHIE BAILLET CRÉATRICE DE BIJOUX

VOTRE PREMIÈRE VIE PROFESSION­NELLE ?

« Après avoir fait l’Institut européen de la mode, j’ai commencé à travailler dans l’événementi­el. Je m’occupais de la communicat­ion et de l’opérationn­el du Groupe Noctis. À l’époque, nous avons repris Régine, Les Planches, Bagatelle, Raspoutine, Monsieur Bleu et tant d’autres ! La nuit parisienne était fascinante pour la jeune femme que j’étais. »

LE DÉCLIC QUI VOUS A FAIT BASCULER VERS UN MÉTIER CRÉATIF ? « Ma mère était journalist­e de mode, donc c’est un univers qui m’était familier. Après mes études, j’ai travaillé en tant qu’attachée de presse chez Kenzo, pendant trois ans, avant de bifurquer vers l’événementi­el. J’ai toujours ressenti une certaine sensibilit­é pour les jolies choses. Les bijoux sont venus à la naissance de ma fille Colette. Je cherchais un bracelet à faire personnali­ser et je ne trouvais rien qui me plaisait. J’ai contacté un artisan, qui en a réalisé un à mon idée. Mes amies ont aimé et ont voulu le même pour elles. Le succès a été immédiat. J’ai tout appris sur le tas. »

EN QUOI VOTRE ANCIEN MÉTIER NOURRIT-IL L’ACTUEL ?

« Dans l’événementi­el, il y avait une envie de partage et d’apporter un certain bonheur…

J’ ai conservé ces notions en créant mes bijoux. Nous proposons des modèles personnali­sés qui expriment les émotions de nos clients. Nous entretenon­s donc une relation particuliè­re avec chacun d’entre eux. Chaque bijou raconte une histoire, heureuse ou malheureus­e. C’est très fort ! »

CE QUE VOUS PRÉFÉREZ DANS VOTRE MÉTIER ?

« Les rencontres et, aussi, ne pas savoir de quoi sera fait demain : c’est très excitant ! » www.atelierpau­lin.com

PASCALE MONVOISIN CRÉATRICE DE BIJOUX

VOTRE PREMIÈRE VIE PROFESSION­NELLE ?

« Je travaillai­s dans l’aérien, j’étais chef de cabine sur long-courrier. L’envie d’ailleurs m’a plu... »

LE DÉCLIC QUI VOUS A FAIT BASCULER

VERS UN MÉTIER CRÉATIF ?

« Quand j’ai rencontré mon amoureux, je passais tout mon temps libre à peindre et déjà aussi, à l’époque, à créer des bijoux, guidée par l’amour des pierres et des couleurs. Fabrice me voyait les vendre à droite, à gauche. J’en avais assez de mon métier, avec ses rythmes infernaux qui ne me correspond­aient plus, j’aspirais à autre chose. Et avec le 11 Septembre on a perdu toute légèreté… »

EN QUOI VOTRE ANCIEN MÉTIER NOURRIT-IL L’ACTUEL ?

« Mes nombreux voyages passés fournissen­t l’inspiratio­n de tout ce que je réalise aujourd’hui. La création est vraiment au centre de ce que je fais. C’est un véritable moyen d’expression. J’adore fabriquer, réaliser, imaginer… Bref, je me sens beaucoup plus à ma place maintenant. Cette phrase de Louise Bourgeois me plaît beaucoup : “I’m not what I am, I am what I do with my hands” (“Je ne suis pas ce que je suis, je suis ce que je fais avec mes mains”). »

CE QUE VOUS PRÉFÉREZ DANS VOTRE MÉTIER ?

« Le matin, quand j’arrive au bureau et que je retrouve ma super-équipe ! J’aime le travail en commun. L’autre moment que j’adore, c’est quand arrivent les prototypes : c’est toujours très excitant, même si on sait qu’on a encore des ajustement­s à faire pour aboutir à la pièce finale. » pascalemon­voisin.com

JEAN-CLAUDE JITROIS CRÉATEUR DE MODE

VOTRE PREMIÈRE VIE PROFESSION­NELLE ?

« J’ai étudié la psychologi­e, à la Pitié-Salpêtrièr­e, à Paris, en me spécialisa­nt en psychiatri­e infantile. Je travaillai­s sur le psychodram­e thérapeuti­que. Lors de mes ateliers, je mettais en scène des jeux de rôle. L’utilisatio­n des archétypes vestimenta­ires renforçait le moi. Par exemple, lorsque je donnais une combinaiso­n de pompier à un enfant, cela le rassurait et le rendait plus fort. Il parvenait alors à affronter ses phobies. »

LE DÉCLIC QUI VOUS A FAIT BASCULER VERS UN MÉTIER CRÉATIF ?

« Lors d’une séance de jeu de rôle, une adolescent­e recherchai­t sa féminité. Je lui ai fabriqué une petite robe noire en papier crépon. Par la suite, alors que j’étais directeur de l’Institut supérieur de rééducatio­n psychomotr­ice de la faculté de Nice, je suis revenu sur cette observatio­n de la petite robe. Cette idée a cheminé en moi jusqu’en 1979 : j’ai créé ma première collection. »

EN QUOI VOTRE ANCIEN MÉTIER NOURRIT-IL L’ACTUEL ?

« Grâce à mon travail autour du corps en mouvement, j’ai observé que le vêtement était un langage non verbal, affectif et très fort. La mode s’exprime à travers volumes, textures et couleurs. C’est un perpétuel travail de mise en scène. Avec le vêtement, je pouvais toujours créer des éléments de ce langage en répondant aux mêmes principes que dans mes jeux de rôle. »

CE QUE VOUS PRÉFÉREZ DANS VOTRE MÉTIER ? « C’est le moment de la mise en scène, pendant la Fashion Week. J’aime cette libération d’énergie créative accumulée pendant six mois, quand la mode provoque un désir et un plaisir collectifs. » www.jitrois.com

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