ADÈLE VAN REETH, PHILOSOPHE * “À LA TRENTAINE, AIMER EST UN MIRACLE INOUÏ”
TOMBER AMOUREUSE ? « C’est un grand chamboulement. Après 30 ans, on sort d’années d’errance, de flottements professionnels et amoureux. On a un travail, un appartement, on commence à s’établir. Et l’amour vient bousculer cet équilibre. C’est une vraie césure. À cet âge se pose aussi la question de la famille. Avec les reconfigurations actuelles, on peut tout à fait tomber amoureuse d’un homme qui a déjà des enfants.
À 30 ans, j’étais déjà belle-mère avant même d’être mère. Aimer un homme implique, selon moi, d’aimer aussi les enfants qu’il a eus avec une autre. C’est à la fois source de difficultés mais aussi de grandes joies. »
S’ENGAGER À DEUX ? « Cela rend plus forte, car on n’est plus seule. Mais tout ce qui relève de la cession de sa liberté m’inquiète. Je ne peux vivre qu’avec un homme qui partage ma conception de l’indépendance. Je cherche des modes d’engagement qui ne tuent pas le désir. Cela exige beaucoup d’imagination, d’aller parfois contre les conventions, de préserver un temps qui n’appartienne qu’à soi, et d’avoir un endroit de repli en cas de grand vent. »
NOURRIR LA FLAMME ? « À mon âge, on veut être tout : femme, amante, mère, épouse, conjointe, travailleuse, sportive, meilleure amie, psy aussi parfois… Avant le grand tri de la quarantaine ! Mais comment ne pas se dissoudre dans tous ces personnages que l’on endosse ? Comment exister par soi ? Pour entretenir le désir, il ne faut pas l’assouvir tout de suite, mais créer du manque, tenter de maintenir une forme de distance. »
DURER ? SE QUITTER ? « Aimer, c’est un miracle inouï qui se répète chaque matin. Se réveiller en songeant “je l’aime”, c’est très précieux. C’est même plus fort que d’être aimée ! Mais pour que l’amour dure, il faut le ménager, en prendre soin. Quand on a plusieurs vies en une, c’est une gageure ! » D. K.
* À écouter sur « les Chemins de la philosophie » (France Culture).