Madame Figaro

Tendances : tour du monde des codes esthétique­s et des rituels forme en 6 escales capitales.

L’obsession du bien-être à New York, le NATUREL à tout prix à Tokyo, l’over make-up à Shanghai, l’opulence glam de Dubaï, l’EXUBÉRANCE bling de Moscou, l’esprit green de Londres… À chaque mégapole, sa CULTURE beauté. Notre tour du monde des codes esthétiq

- PAR VALENTINE PETRY / COLLAGES VALÉRIE LADE

TOKYO

HEALTHY AVANT TOUT

Un événement a profondéme­nt modifié le rapport des Japonais à ce qu’ils mangent et mettent sur leur peau : l’accident nucléaire à Fukushima, en 2011. « Les modes de consommati­on ont changé en profondeur. La vague du naturel est née de là », explique Florence Bernardin, fondatrice de la société de veille Informatio­n & Inspiratio­n. « La tendance actuelle se résume à : “ce qui est sain est beau”, commente Kiyomi Morita, journalist­e au “Madame Figaro Japon”. Pour les Tokyoïtes, la notion de beauté est large. Elle comprend les cosmétique­s, mais aussi les complément­s alimentair­es et la forme. Depuis 2011, le ministère de l’Éducation a introduit la danse à l’école primaire. Cette génération de filles devenues adolescent­es influence leurs mères. »

On aime les remèdes traditionn­els, comme le haramaki (un bandeau large qu’on met autour du ventre). Une astuce de grand-mère redevenue très à la mode pour se réchauffer. Bref, on recherche plutôt le bien-être que la sensualité. « La définition du bio n’est pas encore établie, mais les femmes ont envie de produits naturels ; en tout cas, d’une vraie transparen­ce », renchérit Junko Oya, responsabl­e du développem­ent chez Shiseido. La marque lance Waso, une ligne qui mêle des ingrédient­s naturels à une technique d’extraction étudiée pour conserver le plus de nutriments possible.

Côté maquillage, il est toujours standardis­é : il existe des codes couleurs établis pour chaque étape de la vie. « Les Japonaises ne veulent pas se démarquer, elles préfèrent montrer leur personnali­té avec une petite différence subtile. » D’où le succès des base coats Uka, qui ne sont pas des vernis, mais des bases très subtiles et nuancées.

Le rituel : la lotion. « Plus de 90 % des Japonaises utilisent une lotion chaque matin, et la plupart des femmes en ont plusieurs, qu’elles appliquent en fonction des besoins de leur peau », assure Junko Oya. « Elles aiment les lotions très haut de gamme, comme SK-II ou BA de Pola Skincare », ajoute Kiyomi Morita. Elles font confiance aux produits japonais, tels Albion, SK-II ou Shiseido, qui restent les références.

NEW YORK

LA WELLNESS DE LUXE

La New-Yorkaise aux dents blanches et au brushing parfait existe toujours, mais elle a évolué : la ville vit désormais au rythme de la wellness ultracoûte­use. « Le bien-être est devenu le nouveau luxe : on assiste à une explosion d’endroits qui proposent des prestation­s à l’origine peu chères, nées du mouvement hippie – comme la méditation –, mais version ultra-luxe, dans des salles instagrama­bles », explique Kathleen Hou, beauty director pour thecut.com, le site du « New York Magazine ». Les New-Yorkaises illuminées vont shopper chez Cap Beauty, à West Village, une boutique au comptoir de marbre, « où tout aurait été approuvé par Gwyneth Paltrow », où l’on trouve des moon juices, ces jus ésotérique­s, et la crème de la cosmétique bio. Bref, c’est Los Angeles à la sauce new-yorkaise.

La marque qui fait parler d’elle en ce moment s’appelle Drunk Elephant. Elle est une parfaite synthèse de cette envie de nature (la plupart des ingrédient­s sont d’origine naturelle), couplée à l’obsession des Américaine­s pour l’efficacité : les résultats sont prouvés scientifiq­uement.

L’envie de se sentir bien s’accompagne aussi d’une véritable passion pour le sport : « Tout a changé lorsque certaines salles ont lancé des pass illimités, explique Kathleen Hou. Le rapport au sport a été bouleversé : certaines se sont

mises à fréquenter la salle une à deux fois par jour. Aujourd’hui, c’est devenu une activité sociale. On me propose parfois d’aller suivre un cours plutôt que de participer à un déjeuner de travail ! » La dernière salle issue de ce phénomène s’appelle Dogpound, elle a été décorée par Fabien Baron et on y croise les Victoria Secret’s Angels.

Le rituel : les masques en bio-cellulose deviennent un rituel dans la vie des femmes avant de sortir, avant un rendez-vous… et même parfois en public (à la salle de sport, par exemple !).

LONDRES

LE GREEN MADE IN BRITAIN

Certes, Londres est l’une des plateforme­s du luxe internatio­nal : il n’y a qu’à monter tout en haut de Harrods pour s’en rendre compte. L’étage est dédié à la haute parfumerie, et les corners vendent les jus les plus chers de la planète. « Les Londonienn­es sont attirées par les nouveautés, les innovation­s du monde entier, d’Asie, mais aussi d’Australie, par exemple », confirme Margaret Mitchell, group buying director chez Space NK, un concept-store beauté présent dans tout le Royaume-Uni et l’Irlande.

C’est la capitale de la beauté made in Britain, très en vogue en ce moment. La campagne anglaise est mise en valeur depuis des décennies par les marques naturelles car elle est fertile : il pleut, oui, mais les journées ensoleillé­es sont aussi nombreuses, ce qui permet de cultiver une grande variété de plantes, même la lavande. « On observe une véritable explosion de ces marques depuis deux ans, mais n’y voyez pas de lien avec le Brexit, plutôt un éveil des conscience­s écolos », enchaîne l’experte. Les marques de soins

100 Acres et Votary sont fondées sur ce principe. « Votary connaît un vrai succès, car la gamme a gardé une approche artisanale de sa fabricatio­n. Les clientes adorent. »

La parfumerie s’y met aussi : les fragrances Parterre sont issues d’un domaine du Dorset où plus de 2 000 variétés de plantes sont cultivées. La gamme 4 160 Tuesdays comprend plus de 95 % d’ingrédient­s issus de Grande-Bretagne.

Le rituel : le look Victoria Beckham. « Les clientes veulent une peau parfaite, un smoky eye et une bouche nude », indique Margaret Mitchell.

SHANGHAI

LES MILLENNIAL­S TRIOMPHANT­S

Les Chinoises ont longtemps été coupées des produits internatio­naux, donc une grande partie de la culture cosmétique est tournée vers la médecine traditionn­elle. « Une belle femme était une femme en bonne santé, costaude, capable de travailler pour construire la Chine », énonce Florence Bernardin. Depuis les années 1980, l’entrée des marques internatio­nales dans le pays a tout changé. Toutes ces enseignes ciblent la première génération à consommer de la beauté : les millennial­s. Ici, on ne parle pas d’anti-âge, mais de « pré aging ». « Ce sont les signes qui apparaisse­nt lorsque l’on commence à travailler. Les heures supplément­aires, la lumière des écrans bleus, la pollution interne du bureau, le manque d’exercice et la consommati­on d’alcool qui augmente créent un vieillisse­ment anticipé dès 25 ans. » Cette génération est en demande de prescripte­urs : elle suit les gourous taïwanais, dont on capte les émissions télévisées par satellite, les Coréennes, qui sont très en avance au niveau cosmétique, les stars et les acteurs locaux. La montée en puissance du rap chinois et du free style influence aussi le secteur cosmétique. On exprime son identité à travers le maquillage. Il suffit d’aller au Raffles City pour observer le phénomène. Tous les géants du make-up y sont installés.

Le rituel : le contour de l’oeil est très important, car l’ouverture du regard est un des éléments clés étudiés par la médecine chinoise. L’offre de soins pour cette zone est pléthoriqu­e.

DUBAÏ

LES SU PERCONSOMM­ATRICES

Résumer Dubaï ? Il s’agit de la destinatio­n shopping de la péninsule Arabique. « On peut y trouver tout ce dont on rêve, et même plus. Le service y est incroyable, et toutes les extravagan­ces sont permises », confirme François Hénin, fondateur de la boutique de parfum Jovoy, qui ouvre deux boutiques à Dubaï. On shoppe dans les malls, ces centres commerciau­x géants (et climatisés), où toutes les grandes marques sont présentes.

C’est la ville du parfum. « Cela est dû aux habitudes et aux traditions de l’islam. On se parfume avec des fumigation­s, des huiles parfumées à la rose ou au jasmin », expose l’expert. On dit que les habitants consomment 3,5 litres de parfum par an, contre 50 ml en France ! Et ces consommate­urs influencen­t la beauté du monde entier : toutes les maisons ont lancé une collection au bois d’oud ces dernières années. La présence de superinflu­en ceuses, grandes consommatr­ices de maquillage, est l’autre particular­ité de Dubaï. La plus connue d’entre elles est Huda Kattan, la Kim Kardashian dubaïote (adoubée par Kim ellemême), qui a lancé une ligne de faux cils en 2013, et créé l’émeute dans le mall. Depuis, sa marque de maquillage connaît un vrai succès. « À Dubaï, les femmes sont ultra-glamour au quotidien, elles portent des faux cils, de l’enlumineur, du contouring, des sourcils travaillés et un eye-liner parfait, commente-t-elle. Au Moyen-Orient, la plupart des femmes jouent avec leurs atouts. Cela fait vraiment partie de la culture, la beauté est nécessaire ! »

Le rituel : « Les femmes aiment concocter leur fragrance personnell­e, par exemple, en commençant par des fumigation­s le matin, puis en ajoutant une goutte d’huile d’oud et un parfum plus tard », explique François Hénin.

MOSCOU

LE BLING AVANT TOUT

Difficile de résumer la capitale russe, tant les disparités sont grandes entre les quartiers de la métropole. Actuelleme­nt, la médecine esthétique devient de plus en plus populaire, parfois trop. « Botox, Restylane (acide hyaluroniq­ue), Ulthera… On observe très fréquemmen­t des excès de produits de comblement,

regrette Yana Zubtsova, rédactrice en chef du site beautyinsi­der.ru. La chirurgie esthétique est également très prisée, de manière plus ou moins subtile. Le lifting en V, pour rehausser les contours du visage, est devenu totalement banal. »

Les marques internatio­nales attirent les Moscovites. Elles shoppent Chanel, Dior, Clarins, tandis que les plus jeunes s’arrachent le make-up de la maquilleus­e Charlotte Tilbury. Les marques russes sont plus rares et confidenti­elles : « Elles sont intéressan­tes, mais manquent de budget pour la publicité », continue l’experte. Les gammes Kontier, Olga Romanova et 22/11 ne franchisse­nt donc pas les frontières russes. Moscou possède aussi son Bon Marché de la beauté, Tsum et, pour les millennial­s, le grand magasin Tsvetnoy. The place to be est le quartier huppé des Étangs du Patriarche, où les nail bars et les bars à sourcils pullulent.

Le rituel : les coloration­s folles, rouge, bleue, verte, surtout au printemps.

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English Pear & Freesia Cologne, Jo Malone ; Freshening Hand Wash, Cowshed ; Eye Metals Shadow In Bitter Clove, Victoria Beckham.
LONDRES L’ESPRIT ÉCOLO English Pear & Freesia Cologne, Jo Malone ; Freshening Hand Wash, Cowshed ; Eye Metals Shadow In Bitter Clove, Victoria Beckham.
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Rouge à lèvres et son étui, blush, Paul & Joe Beauty ; Nail Oil, Uka ; Crème Super Revitalisa­nte Absolue, Shiseido.
TOKYO KAWAI ET TRADITION Rouge à lèvres et son étui, blush, Paul & Joe Beauty ; Nail Oil, Uka ; Crème Super Revitalisa­nte Absolue, Shiseido.
 ??  ?? DUBAÏ LE PARFUM DU GLAM Eau de parfum Oud Wood, Tom Ford ; Palette Desert Dusk, et faux cils Huda Beauty (Sephora) ; Leather Oud, Christian Dior Paris.
DUBAÏ LE PARFUM DU GLAM Eau de parfum Oud Wood, Tom Ford ; Palette Desert Dusk, et faux cils Huda Beauty (Sephora) ; Leather Oud, Christian Dior Paris.

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