: Sheryl Sandberg.
« Soutenir les femmes est LA chose intelligente à faire »
AMBASSADRICE EMBLÉMATIQUE DU RÉSEAU SOCIAL, LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE FACEBOOK A CHOISI LA FRANCE POUR LANCER UN PROGRAMME D’AIDE DIGITALE À LA CRÉATION D’ENTREPRISE OUVERT À 15 000 FEMMES. QUAND LE NUMÉRIQUE DONNE UN NOUVEAU SOUFFLE À L’EMPOWERMENT.
En cet après-midi de janvier, elle arrive, fidèle à ellemême, total look noir, efficace, « straight to the point ». De passage éclair à Paris sur la route de Davos (le Forum économique mondial), Sheryl Sandberg a choisi le concept-store Sézane pour lancer sa campagne de soutien à l’entrepreneuriat féminin en France. Un lieu et une success story symboles de la création d’entreprise portée à 100 % par le digital, et dont la fondatrice, Morgane Sézalory, aime raconter qu’elle cousait ses premiers modèles dans son appartement. Aujourd’hui, grâce au numérique, on peut créer son entreprise depuis son bureau, son salon ou un espace de coworking, sans forcément lever des millions… Et à condition d’avoir les compétences requises. Sheryl Sandberg le martèle : il y a là une aubaine historique à saisir pour les femmes, qui ne représentent en France (et ces chiffres exaspèrent) que
30 % des créations d’entreprise et 13 % dans la tech. Déterminé à jouer un rôle direct dans la création d’emplois et de croissance, Facebook a décidé de s’engager localement, avec le programme #SheMeansBusiness *, conçu en partenariat avec Social Builder, la start-up labellisée Grande École du Numérique. Cette année, 15 000 femmes françaises bénéficieront d’une formation de deux jours : master class, ateliers de mise en pratique des compétences digitales (réseaux sociaux, technologie mobile, analyse de données, cloud, technologies du futur), leadership (ambition, assurance et efficacité) et construction de réseaux. Pour les autres, Facebook va distribuer des kits de formation et développer des plateformes en ligne. Retour en exclusivité avec Sheryl Sandberg sur les raisons qui ont motivé cet engagement ultra-concret.
« MADAME FIGARO ». – Pourquoi est-il important d’avoir des compétences digitales pour créer une entreprise ?
SHERYL SANDBERG. – Lorsque vous lanciez une entreprise il y a quelques années, vous aviez besoin d’une vitrine de magasin et de faire du porte-à-porte pour vous faire connaître. Aujourd’hui, en utilisant les bons canaux, vous pouvez atteindre des clients partout , que vous démarriez votre activité dans un bureau, une boutique ou un garage. Nous avons réalisé une étude avec Morning Consult et le Conseil de Lisbonne pour observer comment les petites entreprises des pays européens se développent. Résultat : il apparaît que 35 % des petites
entreprises présentes sur Facebook ont construit leur activité sur la plateforme. Et 60 % déclarent que Facebook les aide à vendre des produits dans d’autres pays et régions. Nous voulons aider le plus grand nombre à utiliser la technologie pour se développer. C’est pourquoi nous nous engageons à former un million de personnes et de petites entreprises en Europe d’ici à 2020. Nous n’y arriverons pas seuls. Nous travaillerons en étroite collaboration avec des partenaires locaux. En France, nous comptons former 50 000 personnes d’ici à 2019, en partenariat avec Pôle Emploi, à l’acquisition des compétences digitales dont elles ont besoin pour obtenir le poste qu’elles recherchent. Nous travaillons également avec Social Builder pour déployer notre programme #SheMeansBusiness, afin d’inspirer, de former et de
“Quand les femmes investissent, elles redonnent aux autres”
donner les moyens à 15 000 femmes de démarrer et de faire croître leur propre entreprise.
C’est donc un enjeu stratégique pour Facebook ?
Lorsque les femmes réussissent en affaires, l’économie s’améliore, car les femmes investissent autour d’elles et redonnent aux autres. Des études montrent qu’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes contribuerait à créer plus de 10 millions d’emplois en Europe d’ici à 2050. Pourtant, trop de femmes n’osent pas se lancer. En Europe, elles ne représentent que 30 % des entrepreneurs et 13 % dans la tech. Notre étude menée avec l’institut de sondage OpinionWay le montre. Lorsqu’on demande aux femmes pourquoi elles n’ont pas créé une entreprise, elles invoquent toujours les mêmes raisons : accès limité aux ressources financières, réseaux de soutien insuffisants, trop peu de rôles modèles. Ainsi, 90 % des entrepreneures françaises affirment que les compétences digitales sont essentielles pour réussir, mais seulement 50 % d’entre elles déclarent les posséder. C’est pourquoi nous déployons #SheMeansBusiness en France. Soutenir les femmes n’est pas seulement la bonne chose à faire. C’est LA chose intelligente à faire.
De nombreuses créatrices d’entreprise, qui ont transformé l’essai grâce aux réseaux sociaux, soutiennent déjà #SheMeansBusiness. Qui vous a marquée ?
Il y a énormément d’histoires inspirantes sur la façon dont des femmes ont développé leur entreprise sur Facebook et Instagram. Une de mes préférées se trouve ici, en France. Après avoir appris qu’elle était atteinte d’un cancer, Charlotte Husson a décidé de lancer Mister K, une ligne de produits de beauté et d’accessoires pour les femmes qui luttent contre la maladie. Près de 70 % de ses ventes proviennent d’Instagram, mais elle s’en sert aussi pour conseiller d’autres personnes dans la même situation.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs ?
Prioriser autant que possible. Les gens ont tendance à penser que prioriser signifie qu’il ne faut accomplir que les tâches qui auront un impact positif sur leur entreprise. Mais une priorisation drastique permet de se concentrer sur les meilleures idées. Cela signifie qu’il faut sélectionner vos dix priorités et, si vous ne pouvez pas accomplir les dix, en exécuter cinq parfaitement. Cela signifie aussi qu’il faut atteindre votre cible là où elle se trouve et anticiper en permanence ses mouvements. Enfin, il faut aller chercher de nouveaux clients en développant votre activité sur le mobile. Prioriser peut s’avérer difficile, car nous essayons toujours d’accomplir plus de choses, mais c’est l’une des meilleures façons de rester concentré sur son objectif.