ALICIA GARZA PAR ABD AL MALIK *
TU ES UNE ALCHIMISTE 2.0. Tu n’as pas changé le plomb en or, mais ta colère en une puissante lumière humaniste, où tous peuvent s’abreuver dans une époque aride qui ne sait comprendre l’altérité. Moi-même, j’ai été élevé par des femmes que les aléas de la naissance ou de l’existence ont mises en colère. Ma mère d’abord, femme noire et mère courage, forte et indépendante, qui a su élever ses six enfants dans une cité HLM, sans l’aide d’aucun homme, et à en faire pourtant des hommes, au sens de citoyens et d’êtres humains aimants et responsables. Ensuite mon épouse, Wallen, sainte patronne hip-hop du 9.3, chanteuse, auteur-compositrice et égérie d’un R’n’B français militant, poétique et urbain. Et enfin la muse de Saint-Germain-des-Prés, ma marraine, mon mentor : Juliette Gréco. Avec ces trois femmes de ma vie, chère Alicia, tu as ceci en partage : vous avez transcendé votre colère et consenti à vous examiner pour apprendre à vous conduire et à construire avec les autres. C’est ce que tu as fait ce 13 juillet 2013.
TRISTE, EN COLÈRE ET ENRAGÉE après l’acquittement de George Zimmerman, celui qui a ôté la vie à l’adolescent Trayvon Martin un an plus tôt, tu as, d’un simple post révolté sur ta page Facebook – secondée par tes amies activistes comme toi, Patrisse Cullors et Opal Tometi –, transformé un sentiment trouble en mouvement. Tu as fait du hashtag BlackLivesMatter le symbole de notre époque, le plus suivi depuis la lutte pour les droits civiques. Tu as su créer un formidable élan de solidarité qui, bien que s’étant bâti sur la colère face aux injustices dont est systématiquement victime la communauté noire américaine, n’est jamais tombé dans le piège de la violence ou du meurtre. Alicia, si tu es belle, si tu es puissante, c’est parce que tu as su maintenir ta conscience toujours au-dessus de toutes les formes d’appartenance.