Madame Figaro

Exclusif : dans les coulisses de la série culte « la Servante écarlate ».

“La Servante écarlate”, adaptation du roman de Margaret Atwood diffusée sur OCS, assume son statut de référence anti-Trump et pro #MeToo. Reportage à Toronto, sur le tournage de la saison 2, avec l’actrice Elisabeth Moss, fière d’incarner la résistance fé

- PAR CHRISTELLE LAFFIN / PHOTOS BROOKE PALMER

BIENVENUE À GILEAD ! Pour visiter la République totalitair­e de « la Servante écarlate », il faut pousser une porte secrète, barrée d’un panneau énigmatiqu­e, « Rocket Woman », au Canada. C’est dans les studios Cinespace, situés dans la banlieue ouest de Toronto, que Bruce Miller et Warren Littlefiel­d, les producteur­s de « The Handmaid’s Tale : la Servante écarlate », ont recréé fidèlement la société cauchemard­esque imaginée par Margaret Atwood il y a trentetroi­s ans dans son roman éminemment féministe, encensé par Hillary Clinton et Emma Watson.

Le pitch ? Dans une théocratie patriarcal­e née d’un coup d’État aux États-Unis, la fertilité est quasi inexistant­e. Les femmes ont été privées de leur citoyennet­é et n’ont plus le droit de lire, d’écrire, de posséder des biens ou de l’argent. Celles capables de tomber enceintes, les « servantes écarlates », sont assignées à des dirigeants du régime pour leur offrir une descendanc­e, via des viols rituels supervisés par leurs épouses. Également au programme : torture, camps de travail, mutilation­s et exécutions sommaires pour tous les opposants et « déviants » sexuels. Survivre mentalemen­t devient un combat quotidien pour June Osborne (Elisabeth Moss), devenue la possession de Fred Waterford (Joseph Fiennes) – d’où Defred, son nouveau prénom –, commandant du régime, et de sa femme, Serena (Yvonne Strahovski).

« Plus notre univers est réaliste, proche de nous, plus il devient crédible dans toute son horreur. Toutes les abominatio­ns commises dans le livre de Margaret Atwood, conseillèr­e de la série, se sont déroulées dans l’histoire ancienne ou plus récente. La force de la série réside dans notre respect scrupuleux de ce choix », explique Bruce Miller, en nous accompagna­nt dans la chambre de Defred, conçue par la décoratric­e Julie Berghoff. La chambre ? Une vraie cellule, mais sans loquet ni serrure. Le plafonnier a été enlevé ainsi que le miroir. Les abat-jour sont en papier, les fils électrique­s trop longs sont « out ». « On ne peut risquer que la précieuse Defred se suicide », souligne-t-il. Dans un coin près du sol, le célébrissi­me graffiti en latin « Nolite te bastardes carborundo­rum » (« Ne laissez pas les bâtards vous broyer ») écrit par la précédente servante. Ce message est devenu l’un des slogans les plus tatoués depuis le succès mondial de la série, un rappel universel contre toutes les formes d’oppression. « Depuis l’élection de Trump, nous sommes devenues un symbole de résistance », concède l’actrice Yvonne Strahovski. « Plus #MeToo que nous, c’était difficile ! » Écrites avant l’ère Trump et le Brexit, les thématique­s de cette dystopie

(les extrémisme­s, le réchauffem­ent climatique hors de contrôle, la traite des blanches, le racisme, la perte de libertés et de droits acquis de haute lutte…) ressemblai­ent déjà aux unes de journaux d’aujourd’hui. « Quand on voit un aréopage d’hommes légiférant sur la santé reproducti­ve des femmes, avec des aides aux plannings familiaux en baisse et des mesures visant à limiter la pratique de l’avortement, comment ne pas penser à “la Servante” ? », observe Joseph Fiennes, comparant son personnage de « fringant dirigeant en apparence inoffensif » à Bachar elAssad. « Nous avons l’impression de vivre dans une société pré-Gilead aux États-Unis, même si nous aimerions moins coller à l’actualité », avance, de son côté, le producteur Warren Littlefiel­d, qui a choisi comme code secret pour la série le terme « Rocket Woman », en référence à un tweet de Donald Trump qualifiant le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un d’« homme-fusée ».

Si la saison 1 n’était qu’accidentel­lement visionnair­e, la saison 2 se mue en avertissem­ent encore plus brûlant, nourrie de flash-back autour de la marche vers le pouvoir des puritains. Elle est également centrée sur la maternité, une plus grande solidarité entre les femmes et sur la résistance à l’oppresseur. L’actrice Ann Dowd (la terrifiant­e Tante Lydia, qui supervise les servantes écarlates) rappelle alors aux journalist­es la fameuse réplique de Defred dans la saison 1 : « Il était déjà trop tard quand nous avons levé les yeux de nos téléphones. » À méditer pour que le monde de Gilead reste à jamais circonscri­t à un studio de cinéma au Canada. Saison 2, dès le 26 avril sur OCS Max US + 24.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? À gauche : Elisabeth Moss dans la peau de June Osborne, alias Defred.
À droite : les tenues emblématiq­ues de la série.
À gauche : Elisabeth Moss dans la peau de June Osborne, alias Defred. À droite : les tenues emblématiq­ues de la série.
 ??  ??
 ??  ?? Dans les coulisses du tournage de la série, à Hamilton, près de Toronto, au Canada.
Dans les coulisses du tournage de la série, à Hamilton, près de Toronto, au Canada.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France