DENIZ GAMZE ERGÜVEN
“On ne m’a pas toujours prise au sérieux”
QU’EST-CE QU’UN « FILM DE FEMME » ?
On reconnaît parfois un film réalisé par une femme au fait qu’il relate une expérience féminine insoupçonnée des hommes. Je trouve crucial de montrer des figures féminines intelligentes et fortes, car c’est le reflet de la vie. VOUS ÊTES-VOUS DÉJÀ HEURTÉE AU SEXISME ?
Oui, et dès la Fémis, mon école de cinéma. Au département réalisation, il n’y avait presque pas de filles avec moi, elles étaient monteuses ou scriptes. Jusqu’à « Mustang », mon premier film, je sentais qu’on ne me prenait pas au sérieux : je ne pouvais pas faire lire un scénario sans avoir un Olivier Assayas pour me recommander. Quelque chose ne collait pas entre l’idée que les gens se faisaient d’un réalisateur chef de troupe et l’image d’une fille avec robe et talons.
QUE VOUS INSPIRE LE MOUVEMENT NÉ DE L’AFFAIRE WEINSTEIN ?
Ce n’est qu’un dizième des problèmes inhérents à la place des femmes. J’ai tourné tout l’hiver aux États-Unis, où règne une culture de ce qu’on appelle le présentisme, des journées de quinze heures. J’ai eu un enfant sans prendre de congé maternité, fait la campagne des oscars avec un bébé sous le bras, entourée de gens qui n’avaient pas idée de ce que ça représente : lui donner le sein malgré le décalage horaire ; trouver une baby-sitter dans la ville où on débarque...
QUELLE MESURE FAUDRAIT-IL PRENDRE EN FAVEUR DES FEMMES ?
Repenser la présence des hommes aux postes clés des chaînes et institutions.
Réalisatrice de « Kings » et de « The First », une série prochainement diffusée sur Hulu.