Madame Figaro

Métropolit­ain

- par Marc Lambron.

Une chose amusante dans la société du spectacle, ce sont ces couverture­s télévisuel­les d’un événement chargé d’une certaine gravité ou de beaucoup d’affect, lorsque le présentate­ur en début d’émission détaille le déroulé de l’événement en annonçant que, à telle phase de la retransmis­sion, il y aura « un grand moment d’émotion ». La réalité est devenue tellement scénarisée que l’émotion se voit décrétée comme un instant programmé. À cette émotion prévisible, parfait exemple de contradict­ion dans les termes, on pourra préférer une notion qui capte ce que la vie peut avoir de volatil, d’inattendu, de surprenant, selon ses nuances de délicatess­e ou de faillibili­té, j’ai nommé le charme. Le charme ne se concocte pas, il se constate. Le charme n’oppresse pas, il s’envole. En guise de travaux pratiques, j’en donnerai ici quelques exemples, tant il est vrai que le charme est un fragment plus qu’un système, un instant plutôt qu’un état. Commençons l’énumératio­n.

1) Les chanteuses aux cheveux blancs : je songe ici à deux Américaine­s à la chevelure de neige, Joan Baez et Emmylou Harris, qui affichent la beauté de leurs ans comme un épanouisse­ment immaculé, une façon d’habiter leur histoire. Cela les rend sexy, surtout la seconde.

2) Jean d’Ormesson : la dernière fois que je le vis, à la séance académique du 26 octobre 2017, il ne cédait rien de cette irrésistib­le nasarde à la mort que furent ses dernières années. Comme l’on traitait de féminisati­on des formes linguistiq­ues, il lâcha un souvenir d’enfance en forme de pirouette, impression­né qu’il avait été dans ses jeunes années par cette définition du mot « homme » rencontrée dans un dictionnai­re : « Terme générique qui embrasse la femme. »

3) Ma fille Pauline : à une époque de son adolescenc­e où elle avait tendance à me taxer à tout bout de champ de billets de vingt euros, je lui demandai un jour si elle me prenait pour un distribute­ur d’espèces. « Non, papa, réponditel­le, tu es beaucoup plus mignon. » Et voilà le charme.

Je continue. 4) Le vendeur d’écharpes du marché de la place Maubert : c’est un Iranien distingué, d’un sourire aussi égal que son humeur, qui semble envelopper dans les volutes de ses étoffes les secrets d’une allégresse de soie, plutôt que de soi.

5) Jacqueline Bisset au début des années 1970. Sa retenue valait promesse, l’actrice ressemblai­t alors à cette phrase de Stendhal, évoquant une jeune femme « coquine dans toute l’acception du terme après trois verres de rhum brûlé ». Laissons la conclusion à un autre écrivain, le vieux Voltaire, lequel notait : « La beauté plaît aux yeux, la douceur charme l’âme. »

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Joan Baez dans les années 1960.

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