Madame Figaro

LE GOÛT DU FUTUR

HERMÈS A PRÉSENTÉ DANS LA MÉGAPOLE CHINOISE SA COLLECTION HOMME PRINTEMPS-ÉTÉ 2018. VÉRONIQUE NICHANIAN* NOUS EXPLIQUE POURQUOI ELLE A CHOISI DE METTRE EN SCÈNE L’UNIVERS MASCULIN DE LA PRESTIGIEU­SE MAISON FRANÇAISE DANS CETTE CITÉ EN PLEINE MUTATION.

- * Directrice artistique de l’univers masculin d’Hermès. PAR MARION DUPUIS

Défilé homme printemps-été 2018 d’Hermès à Shanghai : le goût du futur.

C’EST UN BÂTIMENT IMMENSE, étrange, une sorte d’astronef en béton et acier semblant sortir tout droit d’un film de science-fiction. Le CSSC Pavilion a été édifié en 2010 pour l’Exposition universell­e de Shanghai, afin d’y présenter le patrimoine maritime chinois. Lorsque Véronique Nichanian, la directrice artistique de l’univers masculin d’Hermès,venue en repérage dans la ville du Lotus bleu, découvre ce lieu, elle a un flash. Elle conçoit immédiatem­ent de présenter sa collection printemps-été 2018 dans ce navire extraterre­stre, en imaginant une scénograph­ie digne d’Enki Bilal. Une vision pas si éloignée du Shanghai actuel, où plus de 3 000 gratte-ciel ont jailli de terre en à peine vingt ans. Le 19 avril dernier, devant près de 900 invités venus de Chine et du monde entier, elle faisait donc défiler sa collection sport chic aux accents de brillance et de tons vifs, dans une atmosphère de fusée prête à décoller. Interview express.

Pourquoi avoir choisi de présenter la collection homme à Shanghai, dans ce bâtiment aux allures de vaisseau spatial ?

Pour moi, la Chine fait écho aux fondements d’Hermès. Et particuliè­rement Shanghai, avec ce mélange de tradition et de modernité, de savoir-faire et de prospectiv­e. L’énergie incroyable de cette ville, dans laquelle j’avais déjà organisé un défilé il y a dix ans, m’a donné envie de créer un événement autour de l’univers masculin dans ce bâtiment très cinématogr­aphique, à la « Blade Runner », qui pousse à l’imaginaire et ouvre le champ des possibles. La modernité technologi­que de Shanghai résonne également avec le défilé printemps-été 2018 qui, au-delà du télescopag­e des couleurs et des matières, joue sur la technicité de la Toilbright – ce nylon brillant que j’ai aimé travailler pour des parkas, blousons et pantalons à taille coulissée dans un esprit streetwear associés à des pièces en cuir.

On sait que vous êtes une passionnée du Japon, l’êtes-vous aussi de la Chine ?

Je retrouve dans ce pays l’énergie nipponne. La Chine change beaucoup et très vite, c’est très excitant. Dans cette dynamique de changement, de mouvement, de développem­ent du digital, l’enjeu est de concilier l’immédiatet­é et le temps long, c’est dans ce contexte que je m’attache à créer des vêtements actuels intemporel­s.

Parmi les mannequins, vous avez fait défiler neuf personnali­tés chinoises – architecte, danseur, sculpteur… Était-ce important pour vous de vous adresser plus particuliè­rement aux hommes de ce pays ?

Oui. Et j’aime faire défiler des hommes qui ne sont pas tous mannequins, car je tiens à la vérité d’un porté différent que je trouve très séduisant. Je crée cependant une collection qui est la même pour le monde entier. Et je m’adresse à un homme universel. Les spécificit­és n’existent plus dans notre monde global, surtout à l’ère du digital. Je parle surtout à des hommes qui voyagent beaucoup, qui sont curieux, qui sont attachés à la sensualité des matières.

Vous qui fêtez cette année vos trente ans à la tête de l’univers masculin d’Hermès, trouvez-vous que les hommes ont changé dans leurs rapports avec la mode ?

Je les trouve bien plus audacieux et confiants en eux-mêmes. Ils n’obéissent plus à des diktats – le costume pour travailler, la cravate pour être crédible –, ils ne sont plus soumis au friday wear ni à ses excès. Ils dépensent désormais aussi pour se faire plaisir. Et ils osent enfin les couleurs, grâce aux vêtements de sport notamment, qui les poussent à sortir du beige ou du marine et à explorer de nouvelles matières.

Après toutes ces années, avez-vous enfin réussi à percer certains secrets de la masculinit­é ?

Pas vraiment. Et tant mieux… Car, même si j’observe et écoute beaucoup les hommes, et que je murmure à leurs oreilles avec bienveilla­nce et tendresse, j’aime qu’ils gardent une part de mystère. Ce qui prime pour moi, c’est la personnali­té. Je sais cependant que se sentir bien dans un vêtement est primordial pour eux. Nous, les femmes, pouvons parfois faire des concession­s au confort. Mais les hommes, jamais. Toute ma démarche est donc de leur offrir ce confort qui doit se ressentir, rester invisible, procurer une certaine sensualité et une allure chic décontract­ée.

“J’aime que les hommes gardent une part de mystère”

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Véronique Nichanian, entourée des personnali­tés qui ont défilé lors de l’événement Fast Forward Men.
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 ??  ?? Le défilé homme de la collection printemps-été 2018 d’Hermès, le 19 avril à Shanghai.
Le défilé homme de la collection printemps-été 2018 d’Hermès, le 19 avril à Shanghai.

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