Madame Figaro

À DEUX, C’EST MIEUX

LE TANDEM AMOUREUX ET PROFESSION­NEL A LE VENT EN POUPE. COMPLICITÉ, CONFIANCE MUTUELLE, SOLIDARITÉ : LES GRATIFICAT­IONS SONT MULTIPLES... LES RISQUES AUSSI.

- PAR ISABELLE GIRARD * Auteur de « Guide de l’auto-coaching pour les femmes », éditions Pearson France, et de « Gagner sa vie en se faisant plaisir », coécrit avec Laurent Edel, éditions JC Lattès.

LES CHIFFRES DE L’INSEE le montrent : le couple entreprene­urial a le vent en poupe. Dans les secteurs de l’artisanat et du commerce de proximité, une entreprise sur trois est tenue par un couple. Dans ceux de l’hôtellerie et de la restaurati­on, c’est un établissem­ent sur deux. Sans oublier, bien sûr, l’économie numérique où les talents se conjuguent en binôme. Kontest, Selency, Eventbrite, toutes ces start-up sont le fruit d’un tandem amoureux. « Travailler en famille rassure. C’est l’assurance de partager les mêmes valeurs pour la réalisatio­n d’un projet personnel qui motive », explique Chine Lanzmann *, coach spécialisé­e dans le leadership féminin. « Le schéma n’est pas nouveau mais il a évolué, ajoute-t-elle. L’image que l’on a connue des femmes secrétaire­s, comptables, caissières, assistante­s de leur mari médecin, boucher, coiffeur a vécu. Autrefois, ces épouses aidaient par habitude, tradition ou pour faire l’économie d’un salaire. Aujourd’hui, cette aide est devenue un travail. Les femmes sont aussi souvent à l’origine de l’aventure entreprene­uriale. » En 2005, les femmes qui travaillen­t avec leur mari ont obtenu un statut juridique qui leur garantit droit et salaire. « Désormais, les conjoints sont de vrais partenaire­s en affaires, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, rappelle Michèle Montagnon, coach pour couples entreprene­urs. Cela fait toute la différence. »

Pourtant, la tâche n’est pas aisée quand on sait que le taux de divorce augmente et que 90 % des entreprise­s familiales ne durent pas plus de cinq ans. Cela ne décourage pas pour autant les couples de s’associer. « Ceux qui décident d’entreprend­re ensemble se disent la même chose que le jour de leur mariage : “On sait que notre projet est jonché de difficulté­s, mais nous, on n’est pas comme tout le monde. On va y arriver” », précise Chine Lanzmann. Cette prise de risque à deux et cette volonté d’aller au bout d’un rêve commun, quel que soit le prix à payer, ne représente­nt-elles pas la nouvelle aventure à laquelle aspire de plus en plus de monde ? « La société moderne est saturée, explique le sociologue Michel Maffesoli. Le schéma qui consistait à l’appréhende­r comme un ensemble de citoyens travaillan­t chacun de son côté dans un cadre contractue­l ne fonctionne plus. Le “conformism­e logique”, dont parlait le sociologue Émile Durkheim, n’est plus à l’ordre du jour. Désormais, la société s’organise comme naguère dans la jungle en “tribus nomades” », poursuit-il. Le phénomène réapparaît aujourd’hui dans ce qu’il appelle « la jungle de pierres », qui comprend aussi bien les villes que les grandes entreprise­s, régies par des règles qui évacuent tout affect, toute émotion, et ne sont érigées que pour garantir toujours plus de profits, comme le montrait déjà « les Temps modernes », le film de Charlie Chaplin. « C’est ce que j’appelle l’envie d’aventure, reprend Michel Maffesoli. Et cette envie, si elle est assumée à deux, peut décupler les énergies, la créativité, l’imaginatio­n. C’est sans doute pour beaucoup un moyen de réenchante­r leur vie, d’échapper au chômage et aux dures règles de la vie d’entreprise. De trouver une autre place dans la société. Celle qu’ils se sont dessinée. »

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