À DEUX, C’EST MIEUX
LE TANDEM AMOUREUX ET PROFESSIONNEL A LE VENT EN POUPE. COMPLICITÉ, CONFIANCE MUTUELLE, SOLIDARITÉ : LES GRATIFICATIONS SONT MULTIPLES... LES RISQUES AUSSI.
LES CHIFFRES DE L’INSEE le montrent : le couple entrepreneurial a le vent en poupe. Dans les secteurs de l’artisanat et du commerce de proximité, une entreprise sur trois est tenue par un couple. Dans ceux de l’hôtellerie et de la restauration, c’est un établissement sur deux. Sans oublier, bien sûr, l’économie numérique où les talents se conjuguent en binôme. Kontest, Selency, Eventbrite, toutes ces start-up sont le fruit d’un tandem amoureux. « Travailler en famille rassure. C’est l’assurance de partager les mêmes valeurs pour la réalisation d’un projet personnel qui motive », explique Chine Lanzmann *, coach spécialisée dans le leadership féminin. « Le schéma n’est pas nouveau mais il a évolué, ajoute-t-elle. L’image que l’on a connue des femmes secrétaires, comptables, caissières, assistantes de leur mari médecin, boucher, coiffeur a vécu. Autrefois, ces épouses aidaient par habitude, tradition ou pour faire l’économie d’un salaire. Aujourd’hui, cette aide est devenue un travail. Les femmes sont aussi souvent à l’origine de l’aventure entrepreneuriale. » En 2005, les femmes qui travaillent avec leur mari ont obtenu un statut juridique qui leur garantit droit et salaire. « Désormais, les conjoints sont de vrais partenaires en affaires, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, rappelle Michèle Montagnon, coach pour couples entrepreneurs. Cela fait toute la différence. »
Pourtant, la tâche n’est pas aisée quand on sait que le taux de divorce augmente et que 90 % des entreprises familiales ne durent pas plus de cinq ans. Cela ne décourage pas pour autant les couples de s’associer. « Ceux qui décident d’entreprendre ensemble se disent la même chose que le jour de leur mariage : “On sait que notre projet est jonché de difficultés, mais nous, on n’est pas comme tout le monde. On va y arriver” », précise Chine Lanzmann. Cette prise de risque à deux et cette volonté d’aller au bout d’un rêve commun, quel que soit le prix à payer, ne représentent-elles pas la nouvelle aventure à laquelle aspire de plus en plus de monde ? « La société moderne est saturée, explique le sociologue Michel Maffesoli. Le schéma qui consistait à l’appréhender comme un ensemble de citoyens travaillant chacun de son côté dans un cadre contractuel ne fonctionne plus. Le “conformisme logique”, dont parlait le sociologue Émile Durkheim, n’est plus à l’ordre du jour. Désormais, la société s’organise comme naguère dans la jungle en “tribus nomades” », poursuit-il. Le phénomène réapparaît aujourd’hui dans ce qu’il appelle « la jungle de pierres », qui comprend aussi bien les villes que les grandes entreprises, régies par des règles qui évacuent tout affect, toute émotion, et ne sont érigées que pour garantir toujours plus de profits, comme le montrait déjà « les Temps modernes », le film de Charlie Chaplin. « C’est ce que j’appelle l’envie d’aventure, reprend Michel Maffesoli. Et cette envie, si elle est assumée à deux, peut décupler les énergies, la créativité, l’imagination. C’est sans doute pour beaucoup un moyen de réenchanter leur vie, d’échapper au chômage et aux dures règles de la vie d’entreprise. De trouver une autre place dans la société. Celle qu’ils se sont dessinée. »