ÉDITO/« Un souffle brûlant », par Simonetta Greggio.
Il arrive qu’un livre, ouvert sur l’herbe, révèle soudain que quelqu’un était étendu là, il y a encore un instant. Un creux, vert comme la mer caressée par un souffle brûlant, le confirme. Sur la terrasse aux dalles embrasées serpente une corde à sauter ; aux bords, les hortensias sont plus roses à cette heure, arrosés en secret par un tuyau percé. Sous une tente blanche plantée dans le pré, les tourterelles vont boire les glaçons fondus dans les verres d’orange pressée. En haut, un seul nuage s’effiloche, consumé par le bleu, en bas, la cuisine est fraîche et ombrée. Une petite mouche, qui aime les fruits, tourne autour d’une pêche trop mûre dans le compotier. Mais où tout le monde est-il parti ? À la plage, c’est trop tôt, il n’y a que les Italiens et les vendeurs de cornets. Les maisons et la destinée des hommes ont en commun la grâce éphémère, les saisons et les lumières, le temps de l’été. Mais où tout le monde est-il donc parti ? Dans les chambres aux volets entrebâillés, les rideaux gonflent dans une brise si ténue qu’on la croirait imaginée. Sous la moustiquaire, les enfants chantent tout bas des comptines qu’ils inventent à moitié. Jamais ils ne comprendront pourquoi on les cloître ainsi au plus glorieux du jour, lorsqu’il est le plus enflammé. Mais, dans d’autres chambres graves et mystérieuses, des soupirs s’éloignent sur un sentier pas plus large qu’un fil, infiniment long, un fil couleur de sieste. Ils naviguent comme un hameçon avec une plume au bout, lancés – un tir magnifique – dans les profondeurs écumeuses, au-dessus d’un torrent. Le ventilateur brasse les rêves d’après, les pales tournent et emportent dans les airs la maison et tous ses habitants, et les tourterelles et les livres et le jardin tout entier, dans ce bel été qui ne s’arrêtera plus jamais.