20 ans pour changer le monde (5/5) : Xavier Duportet.
Pour clore notre série, zoom sur ce scientifique-entrepreneur qui élabore, avec sa start-up Eligo Bioscience, des médicaments tueurs de bactéries résistantes aux antibiotiques. Un savant concentré d’audace et de lucidité.
LA SCIENCE NOUS AIDE À MIEUX SOIGNER, À MIEUX MANGER, À MIEUX EXPLORER L’ESPACE… Et nous n’en sommes qu’au début ! C’est dans l’enfance que ma passion pour le vivant a pris racine. J’ai eu la chance de vivre dans une maison près de Lyon avec un grand jardin. J’y ai fait une charmante rencontre : celle des fourmis. Un seul superorganisme composé de millions d’individus qui arrivent à fonctionner de façon optimale… Fascinant ! Aujourd’hui, à 30 ans, chaque matin, je continue de nourrir mes fourmis d’Amérique du Sud avec des feuilles.
Au XXIe siècle, la lutte contre l’antibiorésistance est un défi colossal, car il s’agit d’un fléau. Récapitulons : notre corps abrite 10 trilliards de bactéries, que l’on appelle le microbiome. Or, ces bactéries peuvent être pathogènes et entraîner des infections, qu’on a parfois du mal à soigner car un grand nombre d’entre elles sont devenues résistantes aux antibiotiques. C’est pourquoi la start-up Eligo Bioscience, que j’ai fondée avec David Bikard en 2014, développe une nouvelle stratégie pour tuer ces mauvaises bactéries de façon spécifique, tout en laissant intactes les bonnes. Comment ça marche ? Concrètement, on injecte dans toutes les bactéries du corps de minuscules ciseaux moléculaires – à l’échelle du nanomètre –, on les programme pour scanner l’ADN et tuer les seuls micro-organismes pathogènes. On sait que le microbiome est fortement impliqué dans la survenue de nombreuses pathologies (maladies auto-immunes, neurodégénératives, obésité, cancers…). J’explore aussi avec mon équipe d’autres champs d’application que les maladies infectieuses, comme le cancer.
Nous espérons démarrer les premiers essais cliniques chez l’homme d’ici à deux ans. Si tout s’enchaîne bien, on prévoit une mise sur le marché de nos médicaments d’ici à cinq-six ans. Mais je garde la tête froide : dans le domaine scientifique, les chances de succès sont très faibles !
Je ne suis pas issu d’une famille de scientifiques : ma mère est professeur de littérature comparée, mon père travaillait dans le marketing. Ils m’ont transmis des valeurs comme le respect, l’écoute et l’honnêteté. Leur mantra ? « Travaille d’abord par plaisir et non pour devenir milliardaire. »
Je ne crains pas d’afficher mes ambitions. J’aime l’audace et les challenges, pas l’arrogance. Je suis un garçon hyperactif, qui a toujours un nouveau projet en tête. Et je me sens tout petit par rapport à la tâche à accomplir. En France, on pense souvent qu’une start-up ne peut pas être dirigée par un chercheur. Je m’attelle à changer les mentalités et, plus précisément, à donner des clés aux chercheurs qui souhaitent devenir entrepreneurs, afin qu’ils puissent transformer leur technologie en produit. J’ai pris conscience des énormes barrières pour créer une start-up scientifique, c’est pourquoi j’ai lancé l’association Hello Tomorrow * qui connecte les chercheursentrepreneurs aux plus grands investisseurs et industriels de la planète. Chaque année, nous organisons la plus importante compétition mondiale de start-up scientifiques. Avancer ensemble, c’est génial.
C’est même la condition sine qua non pour changer le monde…