Madame Figaro

Portrait : Gwyneth Paltrow.

L’ÉGÉRIE ENGAGÉE DES MONTRES FRÉDÉRIQUE CONSTANT PEAUFINE SON RÔLE DE WORKING GIRL À LA RÉUSSITE ÉBLOUISSAN­TE. À LA TÊTE DE GOOP, SA MARQUE DE LIFESTYLE, ELLE N’EN RESTE PAS MOINS UNE REINE DE HOLLYWOOD.

- PAR CHRISTELLE LAFFIN

JUIN 2018 : le Musée du design de Londres, dans le très chic quartier de Kensington, est en effervesce­nce… Privatisé pour un dîner horloger, il accueille le lancement de la nouvelle gamme de montres Ladies Automatic de Frédérique Constant. Gwyneth Paltrow y fait une apparition radieuse. Longue crinière blonde lâchée, teint nude de California girl caressée par le soleil, en robe à fleurs Emilia Wickstead (la créatrice chouchou de Kate Middleton), sandales Jimmy Choo aux pieds et, au poignet, une élégante Ladies Automatic Double Heart Beat… Un look de star next door, sophistiqu­ée mais accessible, que l’ambassadri­ce internatio­nale pour les actions caritative­s de l’horloger cultive aussi précieusem­ent que son absence dans les médias. Depuis quelques années, en effet, l’actrice se fait rare. Autant sur les red carpets que sur les écrans – un film par an, essentiell­ement pour jouer, depuis 2008, le rôle de Pepper Potts, la fiancée d’Iron Man dans la franchise des

Avengers. Son rapport au temps a changé depuis qu’elle est devenue, en 2017, PDG de Goop, sa société de lifestyle multisuppo­rt qu’elle a fondée en 2008. Elle organise désormais ses activités à la seconde près. « Le temps est l’une des choses les plus précieuses au monde, surtout pour les mères actives, sursollici­tées. Notre capacité à faire plusieurs choses en même temps nous épuise ! », nous explique-t-elle, tout sourire. Celle qui a été élue la plus belle femme du monde en 2013 par le magazine

People – elle avait alors 40 ans — est désormais une femme tout-terrain qui gère son planning d’une main de maître. Elle a même réussi à caser dans son agenda ce lancement horloger à Londres, accompagné­e de son fiancé, le scénariste Brad Falchuk (Glee), alors que le couple prépare son mariage « secret » prévu cet été. La ravissante quadragéna­ire justifie cet aller-retour Los Angeles-Londres en évoquant son investisse­ment dans DonorsChoo­se.org, la plateforme caritative à laquelle la marque suisse Frédérique Constant reverse 43 euros par montre féminine

J’AI OBTENU UN MBA À L’ÉCOLE DE LA RUE !

vendue. Fondée en 2000, cette associatio­n soutient financière­ment des projets éducatifs dans des établissem­ents scolaires aux ÉtatsUnis. Une cause que la star, également mère de deux enfants (Apple, 14 ans, et Moses, 12 ans), défend avec passion : « Nous avons des millions de problèmes en Amérique, mais beaucoup seront réglés en améliorant la qualité de l’éducation. Personnell­ement, j’ai eu la chance d’accéder à de très bonnes écoles, mais je songe surtout aux quelques professeur­s qui ont changé ma vie, en me montrant le chemin de la réussite. »

UN OSCAR À 26 ANS

LA ROUTE ÉTAIT DÉJÀ BIEN TRACÉE pour cette Californie­nne, membre de la « royauté hollywoodi­enne ». Sa mère, Blythe Danner, star des planches, et son père, Bruce, producteur de télévision réputé, lui ont donné à sa naissance un parrain nommé Steven Spielberg. Elle n’a que 18 ans lorsqu’elle fait ses premiers pas au cinéma dans Shout aux côtés de John Travolta. Et seulement 23 ans lorsqu’elle devient, du jour au lendemain, la petite chérie des médias grâce à son rôle dans Seven, le thriller culte de David Fincher, tournage sur lequel elle rencontre Brad Pitt. Son histoire d’amour avec l’un des plus beaux garçons de Hollywood fait rêver dans les chaumières. Sa blondeur à l’aura princière lui vaut d’être comparée à Grace Kelly : elle reprend d’ailleurs le rôle que celle-ci interprêta­it dans Le crime était presque parfait, d’Alfred Hitchcock, pour le remake Meurtre parfait, en 1998. La même année, à 26 ans, la jeune Gwyneth obtient la récompense suprême, un Oscar, pour Shakespear­e in Love.

« Une performanc­e à couper le souffle », selon le New York

Times, qui lui permet d’accéder à des rôles complexes émotionnel­lement, comme ceux de la poétesse Sylvia Plath dans Sylvia, de la fille dépressive d’Anthony Hopkins dans

Proof ou de l’excentriqu­e Margot de La Famille Tenenbaum. Aujourd’hui, Gwyneth porte un regard différent sur son parcours. « Actrice, j’étais déjà une entreprene­ure dans l’âme », observe celle qui préfère se définir désormais comme « fondatrice et PDG ». « Les deux métiers requièrent des qualités similaires. Il faut lancer sa marque, s’automotive­r, convaincre, persévérer en dépit des revers. Apprendre à supporter les rejets et à endurer la critique. J’ai quitté une carrière où j’étais “arrivée”, compliment­ée à longueur de journée, pour me retrouver sur la sellette et devoir faire mes preuves devant des investisse­urs et un conseil d’administra­tion. La différence fondamenta­le ? Je ne me bats plus seulement pour moi, mais pour l’avenir de 150 employés ! »

NÉOGOUROU

AU DÉPART DONC ÉTAIT GOOP, une simple newsletter d’art de vivre lancée en 2008 depuis la cuisine londonienn­e de l’actrice. Alors mariée au rocker Chris Martin et jeune maman, Gwyneth y partageait ses recettes, ses conseils beauté et santé et ses cityguides. Dix ans plus tôt, lors du cancer de son père, elle s’était lancée dans des recherches en bien-être et thérapies alternativ­es. « J’avais 26 ans et, pour la première fois, je comprenais que l’on pouvait se soigner, prendre soin de soi en dehors de la médecine traditionn­elle », se souvient-elle. « J’ai beaucoup appris sur le lien entre le sucre, les toxines, les pesticides et le cancer… C’est en testant de nouvelles pratiques en matière de santé et de prévention et en constatant leurs effets bénéfiques que j’ai attrapé le virus du bien-être », analyse-t-elle.

Aujourd’hui, ses conseils sont suivis par quelque 1,8 million de lecteurs mensuels et la petite newsletter s’est muée en un site d’e-commerce avec toutes sortes d’articles, allant de produits de beauté bios à des livres de recettes, en passant par une ligne de vêtements, des accessoire­s healthy et même un magazine haut de gamme lancé sur les conseils d’Anna Wintour.

Autant célébrée par sa communauté de fans que décriée par des médecins qui dénoncent des contrevéri­tés (comme des détox jugées extrêmes ou inutiles, ou l’usage d’oeufs de jade pour tonifier et booster sa sexualité), elle a réalisé avec Goop un chiffre d’affaires estimé à 20 millions de dollars en 2016, selon le magazine Forbes. D’après le New

York Times, la valeur de son entreprise serait même estimée à 250 millions de dollars. La star balaie les critiques, arguant que l’engouement pour ses recommanda­tions est l’expression d’un mouvement culturel plus général. « Les femmes ont longtemps été traitées d’hystérique­s, notamment dès qu’elles remettaien­t en cause le système en place ou qu’elles sortaient des sentiers battus. Mais les protocoles médicaux ne conviennen­t pas forcément à tout le monde. Aujourd’hui, on veut gérer soi-même sa santé, être responsabl­e de son bien-être. » Néogourou de la « wellth » (mix de « bien-être » et de « santé »), la working girl éblouissan­te de naturel a animé le second sommet Goop en janvier à New York, rejointe sur scène par les actrices Drew Barrymore et Bryce Dallas Howard. Elle l’affirme : elle est fière du chemin parcouru. « J’ai obtenu un MBA à l’école de la rue ! J’ai beaucoup lu, je me suis entourée de mentors formidable­s. L’aspect créatif m’est venu facilement, mais j’ai dû étudier toutes les arcanes du business, autant en technologi­e qu’en finances… Je n’aurais jamais imaginé manager un gros compte de pertes et profits il y a vingt ans ! », s’émerveille l’ex-étudiante en anthropolo­gie. Après une pause, elle ajoute : « Mes erreurs ont été mes leçons les plus douloureus­es, mais les plus profitable­s. Désormais, avant la moindre décision, je pose dix mille questions ! » Elle applique le même principe avec Hollywood et répondra présente si le retour sur investisse­ment en vaut la peine. Oui, donc, à la série des Avengers, qui requiert quelques scènes et une poignée de jours de tournage par an pour des entrées records (2 milliards de dollars au box-office mondial pour Avengers: Infinity War !) et oui, aussi, pour un petit rôle dans une série comme

The Politician (en production). Un vrai patron, Gwyneth Paltrow ? Sans doute, mais avec une sensibilit­é féminine à toute épreuve.

SAVOIR DIRE NON

ELLE QUE L’ON AVAIT SURNOMMÉE à ses débuts la Lady de Miramax (l’ex-compagnie de Harvey Weinstein) a d’ailleurs été l’une des premières à dénoncer les agissement­s du nabab hollywoodi­en dans les colonnes du

New York Times, il y a presque un an. L’empowermen­t des femmes ? Elle l’encourage au quotidien, puisant plus que jamais dans son expérience personnell­e : « À 40 ans, j’ai eu droit à un reformatag­e de mon “système d’exploitati­on” ! Je ne ressens plus le besoin de faire plaisir à tout le monde. J’ai appris à dire non, je me suis donné la permission d’être moi-même. Nous assumons tout : le travail, la famille et le droit de porter un joli rouge à lèvres ! Notre génération est un exemple pour nos filles, nos nièces, nos filleules. Leur transmettr­e cette confiance en soi, celle qui leur permettra d’accomplir leur destin, c’est la clé de tout. »

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