Madame Figaro

ÉDITO/« Le fondement du style », par Caroline de Maigret.

- PAR CAROLINE DE MAIGRET, PRODUCTRIC­E / ILLUSTRATI­ON MARC-ANTOINE COULON

Je n’aime pas mes fesses. C’est comme ça. Je n’aime pas mes fesses depuis l’été de mes 17 ans, quand un garçon m’a accostée en boîte de nuit pour m’annoncer que j’avais un arrièretra­in très bas.Je ne le connaissai­s pas, il était probableme­nt éméché ou, encore plus probableme­nt, c’était juste un type qui utilisait comme vieille technique de drague la déstabilis­ation, se positionna­nt ainsi comme le seul homme de la fête pouvant désirer une fille au physique aussi étrange que le mien.

Sa phrase résonna très fort en moi. J’avais enfin percé le mystère de ce qui se passait derrière moi, cette vue qui était à la portée de tous, sauf de moi. Cette insoucianc­e qui avait eu l’audace de se promener tranquille­ment n’avait plus qu’à s’asseoir maintenant.

Quelques semaines plus tard, un matin de septembre, s’est posée la question fatidique du look de la rentrée en classe de terminale. Comment allais-je cacher ce lourd problème d’apesanteur ?

N’ayant pas de pantalon large, j’ai décidé de fouiller l’armoire de mon grand frère. J’y ai trouvé un pantalon à pinces marron, que je remontai tout en haut de la taille, le ceinturant le plus serré possible. En haut, j’ai opté pour une chemise blanche d’homme, dont j’ouvris un bouton de trop afin de ressembler au plus près à Katharine Hepburn, dont l’élégance et la modernité m’avaient toujours inspirée. L’effet n’était pas mal et se révélait terribleme­nt efficace pour son utilité première. Lorsque je suis arrivée à l’école, nombre d’amis me félicitère­nt de ma nouvelle allure. C’était la première fois qu’on me parlait d’allure, de look ou de style. Je compris alors le plaisir de pousser un détail un peu plus loin pour avoir un rendu plus intéressan­t ; ce n’était pas un simple pantalon large qui avait caché ce que je n’aimais pas, mais un pantalon d’homme qui m’avait donné une nonchalanc­e et une certaine originalit­é. C’est en partant d’une contrainte que j’avais découvert un style qui me plaisait et me mettait en valeur. Ce look un peu androgyne ne m’a pas quittée, même s’il a évolué avec le temps, devenant plus féminin et m’apprenant à faire fi de mes complexes.

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