Reportage : Nice, arty rayonnante.
MULTICULTURELLE ET AVANT-GARDE, LA CITÉ DE LA BAIE DES ANGES INSPIRE TOUJOURS LES MÊMES ÉLANS. LE MAMAC, LA VILLA ARSON, LE 109, LA STATION, LES STUDIOS DE LA VICTORINE EN PLEINE RENAISSANCE… LUI DONNENT DES AIRS DE RÊVE CALIFORNIEN. UNE IRRÉSISTIBLE VITALITÉ.
ÀLA VILLA ARSON, L’ÉCOLE EST FINIE, et nous voilà en pleine effervescence du montage de l’exposition de la plasticienne américaine Judy Chicago (1). C’est un peu la Californie qui s’installe sur la colline, comme un clin d’oeil au new-look arty de Nice. Depuis son ouverture en 1972, la Villa Arson, signée par l’architecte Michel Marot, irrigue la création contemporaine, entre son école d’art et son lieu d’exposition. Le bâtiment couvert de galets épouse le relief en un labyrinthe sophistiqué d’ateliers en terrasses, baignés de lumière. L’école est un vivier de talents reconnus (Tatiana Trouvé, Philippe Mayaux ou Michel Blazy, qui expose tout près, Galerie des Ponchettes, jusqu’au 4 novembre) et de jeunes artistes prometteurs (Tatiana Wolska, Florian Pugnaire). Ce lieu à part s’inscrit aussi dans la ville, comme lorsqu’en 2016 il a abrité l’exposition des vingt ans de la Station, un acteur majeur de la vitalité artistique locale. Nice est aussi la cinquième ville de France, stimulée à la fois par une identité très
forte et un brassage international inouï. Matisse, qui y avait élu domicile, repose au cimetière de Cimiez. L’École de Nice a vu éclore dès les années 1950 une génération en or, avec Yves Klein, Martial Raysse, Arman, César, puis Bernar Venet, Claude Viallat, Noël Dolla ou Ben le trublion… Un tissu solide de musées, de lieux d’expositions, de sites porteurs et prometteurs, une mairie active et une noria d’événements qui perpétuent l’histoire de cette terre arty, à l’instar du Mamac, le Musée d’art moderne et contemporain dont la collection reflète l’épopée artistique niçoise. « C’est un musée qui est né d’une histoire très riche, connectée à l’international », raconte sa directrice Hélène Guenin.
DES LIEUX SYMBOLIQUES
Cette vitalité se manifeste aujourd’hui dans la volonté du maire, Christian Estrosi, de favoriser la culture à Nice en s’appuyant à la fois sur son patrimoine et sur la création contemporaine. Après l’École de Nice en 2017, la Biennale des arts plastiques, pilotée par Jean-Jacques Aillagon, célébrera le cinéma en 2019 pour fêter les 100 ans des studios de la Victorine. Ces lieux mythiques du cinéma français, où ont été tournés Les Enfants du paradis (1945), La Main au collet
(1955), Et Dieu... créa la femme (1956), sont en plein renouveau. La ville en a repris les rênes, monté
une commission de personnalités, dont CostaGavras et Joann Sfar, et confié à Éric Garandeau, ancien président du CNC, la mission de « réveiller la belle endormie », bref, d’en faire un Hollywood de la Côte d’Azur… Autre site au destin similaire, le 109 : en 2008, plutôt que de livrer les superbes anciens abattoirs aux promoteurs, la ville les a reconvertis en un pôle dédié aux cultures contemporaines.
ALCHIMIE CULTURELLE
« Jean Nouvel venait très souvent à Nice, et quand Christian Estrosi l’a interrogé sur les abattoirs, il a répondu : “C’est un bijou qu’il faut absolument conserver” », se souvient Cédric Teisseire, qui fait partie de l’aventure du 109 depuis lors. « D’autant, reprend-il, qu’il n’y avait pas d’autre friche industrielle dans cette ville plutôt balnéaire, bourgeoise et touristique et, du coup, nous nous sommes installés. » Aujourd’hui, dans les 8 000 m2 déjà rénovés – sur 18 000 –, différents espaces s’articulent autour d’une grande halle spectaculaire, dont ceux de la Station, du réseau Botox(s), de l’Entre-Pont, du Forum d’urba-
nisme et d’architecture, sans oublier vingtneuf ateliers d’artistes municipaux dans les étages… Les manifestations s’enchaînent. En parallèle, Nice fourmille de galeries d’art contemporain actives, comme celle d’Eva Vautier ou Espace à vendre, et d’initiatives privées comme La Maison abandonnée. Odile Redolfi-Payen, par exemple, la propriétaire de l’hôtel arty le WindsoR, organise des expositions d’artistes dans le hall depuis son arrivée en 2004, dont celle de Pierrick Sorin en 2017. En 2015, elle fonde OVNi (2) (Objectif Vidéo Nice), un festival d’art vidéo qui invite des institutions à exposer dans les chambres de l’hôtel et dès 2016 dans la ville, avec une programmation associée aux lieux d’art contemporain niçois. En 2017, elle passe en rythme biennal et crée, toujours dans l’hôtel, le salon Camera Camera, avec une galerie par chambre et de belles têtes d’affiche. Ce système serré d’échanges, de collaborations et de soutien entre les lieux et les personnes qui les animent est l’aspect réjouissant de l’étonnante alchimie culturelle niçoise. Une façon de s’affirmer niçois et fiers de l’être…
(1) « Los Angeles, les années cool / Judy Chicago », jusqu’au 4 novembre, à la Villa Arson, à Nice. villa-arson.org
(2) Prochaine édition du 16 au 25 novembre. ovni-festival.fr