Madame Figaro

Reportage : Nice, arty rayonnante.

- PAR ANNE-CLAIRE MEFFRE / PHOTOS ROBERT LAKOW

MULTICULTU­RELLE ET AVANT-GARDE, LA CITÉ DE LA BAIE DES ANGES INSPIRE TOUJOURS LES MÊMES ÉLANS. LE MAMAC, LA VILLA ARSON, LE 109, LA STATION, LES STUDIOS DE LA VICTORINE EN PLEINE RENAISSANC­E… LUI DONNENT DES AIRS DE RÊVE CALIFORNIE­N. UNE IRRÉSISTIB­LE VITALITÉ.

ÀLA VILLA ARSON, L’ÉCOLE EST FINIE, et nous voilà en pleine effervesce­nce du montage de l’exposition de la plasticien­ne américaine Judy Chicago (1). C’est un peu la Californie qui s’installe sur la colline, comme un clin d’oeil au new-look arty de Nice. Depuis son ouverture en 1972, la Villa Arson, signée par l’architecte Michel Marot, irrigue la création contempora­ine, entre son école d’art et son lieu d’exposition. Le bâtiment couvert de galets épouse le relief en un labyrinthe sophistiqu­é d’ateliers en terrasses, baignés de lumière. L’école est un vivier de talents reconnus (Tatiana Trouvé, Philippe Mayaux ou Michel Blazy, qui expose tout près, Galerie des Ponchettes, jusqu’au 4 novembre) et de jeunes artistes prometteur­s (Tatiana Wolska, Florian Pugnaire). Ce lieu à part s’inscrit aussi dans la ville, comme lorsqu’en 2016 il a abrité l’exposition des vingt ans de la Station, un acteur majeur de la vitalité artistique locale. Nice est aussi la cinquième ville de France, stimulée à la fois par une identité très

forte et un brassage internatio­nal inouï. Matisse, qui y avait élu domicile, repose au cimetière de Cimiez. L’École de Nice a vu éclore dès les années 1950 une génération en or, avec Yves Klein, Martial Raysse, Arman, César, puis Bernar Venet, Claude Viallat, Noël Dolla ou Ben le trublion… Un tissu solide de musées, de lieux d’exposition­s, de sites porteurs et prometteur­s, une mairie active et une noria d’événements qui perpétuent l’histoire de cette terre arty, à l’instar du Mamac, le Musée d’art moderne et contempora­in dont la collection reflète l’épopée artistique niçoise. « C’est un musée qui est né d’une histoire très riche, connectée à l’internatio­nal », raconte sa directrice Hélène Guenin.

DES LIEUX SYMBOLIQUE­S

Cette vitalité se manifeste aujourd’hui dans la volonté du maire, Christian Estrosi, de favoriser la culture à Nice en s’appuyant à la fois sur son patrimoine et sur la création contempora­ine. Après l’École de Nice en 2017, la Biennale des arts plastiques, pilotée par Jean-Jacques Aillagon, célébrera le cinéma en 2019 pour fêter les 100 ans des studios de la Victorine. Ces lieux mythiques du cinéma français, où ont été tournés Les Enfants du paradis (1945), La Main au collet

(1955), Et Dieu... créa la femme (1956), sont en plein renouveau. La ville en a repris les rênes, monté

une commission de personnali­tés, dont CostaGavra­s et Joann Sfar, et confié à Éric Garandeau, ancien président du CNC, la mission de « réveiller la belle endormie », bref, d’en faire un Hollywood de la Côte d’Azur… Autre site au destin similaire, le 109 : en 2008, plutôt que de livrer les superbes anciens abattoirs aux promoteurs, la ville les a reconverti­s en un pôle dédié aux cultures contempora­ines.

ALCHIMIE CULTURELLE

« Jean Nouvel venait très souvent à Nice, et quand Christian Estrosi l’a interrogé sur les abattoirs, il a répondu : “C’est un bijou qu’il faut absolument conserver” », se souvient Cédric Teisseire, qui fait partie de l’aventure du 109 depuis lors. « D’autant, reprend-il, qu’il n’y avait pas d’autre friche industriel­le dans cette ville plutôt balnéaire, bourgeoise et touristiqu­e et, du coup, nous nous sommes installés. » Aujourd’hui, dans les 8 000 m2 déjà rénovés – sur 18 000 –, différents espaces s’articulent autour d’une grande halle spectacula­ire, dont ceux de la Station, du réseau Botox(s), de l’Entre-Pont, du Forum d’urba-

nisme et d’architectu­re, sans oublier vingtneuf ateliers d’artistes municipaux dans les étages… Les manifestat­ions s’enchaînent. En parallèle, Nice fourmille de galeries d’art contempora­in actives, comme celle d’Eva Vautier ou Espace à vendre, et d’initiative­s privées comme La Maison abandonnée. Odile Redolfi-Payen, par exemple, la propriétai­re de l’hôtel arty le WindsoR, organise des exposition­s d’artistes dans le hall depuis son arrivée en 2004, dont celle de Pierrick Sorin en 2017. En 2015, elle fonde OVNi (2) (Objectif Vidéo Nice), un festival d’art vidéo qui invite des institutio­ns à exposer dans les chambres de l’hôtel et dès 2016 dans la ville, avec une programmat­ion associée aux lieux d’art contempora­in niçois. En 2017, elle passe en rythme biennal et crée, toujours dans l’hôtel, le salon Camera Camera, avec une galerie par chambre et de belles têtes d’affiche. Ce système serré d’échanges, de collaborat­ions et de soutien entre les lieux et les personnes qui les animent est l’aspect réjouissan­t de l’étonnante alchimie culturelle niçoise. Une façon de s’affirmer niçois et fiers de l’être…

(1) « Los Angeles, les années cool / Judy Chicago », jusqu’au 4 novembre, à la Villa Arson, à Nice. villa-arson.org

(2) Prochaine édition du 16 au 25 novembre. ovni-festival.fr

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 ??  ?? CONTEMPORA­IN Doté d’une assise à la structure élastique, un trio de chaises baptisées REbOUND, réalisées par le studio smarin.
CONTEMPORA­IN Doté d’une assise à la structure élastique, un trio de chaises baptisées REbOUND, réalisées par le studio smarin.
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 ??  ?? HOT SPOTS. À l’occasion de leur centenaire, les mythiques studios de la Victorine (1) rouvriront en 2019 et seront au centre de la Biennale des arts plastiques dans la ville. Le Mamac (2) offre un panorama de la création contempora­ine des 60 dernières années.
HOT SPOTS. À l’occasion de leur centenaire, les mythiques studios de la Victorine (1) rouvriront en 2019 et seront au centre de la Biennale des arts plastiques dans la ville. Le Mamac (2) offre un panorama de la création contempora­ine des 60 dernières années.
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 ??  ?? AMBIANCECo­mme une respiratio­n au milieu de la ville, des oeuvres d’art (ici Tutti Frutti, de Joana Vasconcelo­s) ponctuent l’espace public. En privilégia­nt les promenades arborées et les installati­ons récréative­s, l’aménagemen­t urbain invite au rêve, à l’évasion.
AMBIANCECo­mme une respiratio­n au milieu de la ville, des oeuvres d’art (ici Tutti Frutti, de Joana Vasconcelo­s) ponctuent l’espace public. En privilégia­nt les promenades arborées et les installati­ons récréative­s, l’aménagemen­t urbain invite au rêve, à l’évasion.
 ??  ?? SINGULIERP­renant des allures de galerie d’art, l’hôtel WindsoR expose dès l’entrée et la réception des oeuvres et du mobilier design. Décorées en hommage à des personnali­tés comme Niki de Saint Phalle ou conçues spécialeme­nt par des artistes, les chambres font pénétrer les clients dans l’univers d’un créateur.
SINGULIERP­renant des allures de galerie d’art, l’hôtel WindsoR expose dès l’entrée et la réception des oeuvres et du mobilier design. Décorées en hommage à des personnali­tés comme Niki de Saint Phalle ou conçues spécialeme­nt par des artistes, les chambres font pénétrer les clients dans l’univers d’un créateur.
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