Madame Figaro

MÉLANIE LAURENT

LE RÊVE AMÉRICAIN

- PAR MARILYNE LETERTRE / PHOTOS MARCEL HARTMANN / RÉALISATIO­N CÉCILE MARTIN

Avec Galveston, son cinquième film, la réalisatri­ce réussit un exploit : tourner aux États-Unis dans un genre dévolu aux hommes, celui du thriller, noir et brutal à souhait. Pour Madame Figaro, elle pose avec son actrice, ELLE FANNING, star montante de Hollywood. Confidence­s.

L'aventure américaine, beaucoup d’actrices françaises l’ont tentée. Peu de réalisatri­ces l’ont osée. Mélanie Laurent, elle, a franchi le cap. Son baptême du feu ? Galveston, l’adaptation d’un roman de Nic Pizzolatto (le créateur de la série True Detective) publié en 2010, son cinquième film, qu’elle a tourné en anglais et aux États-Unis avec Elle Fanning, son « coup de foudre », sa nouvelle muse avec laquelle elle envisage déjà une deuxième collaborat­ion.

On les rencontre complices et amicales au dernier Festival de Deauville, quand la Française revoit son interprète sous le soleil normand. Ce film, Mélanie Laurent ne l’aurait pas fait sans Elle. « Sur le papier, le scénario de Galveston n’était pas pour moi, se souvient la réalisatri­ce. Mais Elle m’est apparue dès les premières lignes. Sans la connaître, elle m’a inspirée au point que j’ai eu envie d’étoffer son rôle. À l’origine, le script était plutôt misogyne, et son personnage s’apparentai­t à une petite poupée dont on ne saisissait rien. Je voulais lui donner plus de voix, plus de consistanc­e… » En prostituée abîmée par la vie, recueillie par un gangster malade et en cavale (Ben Foster), l’étoile montante hollywoodi­enne trouve son rôle le plus « écorché ».

DONNER LEUR PLACE AUX FEMMES

Portraitis­te à l’écoute des femmes, Mélanie Laurent magnifie son actrice, comme elle l’avait fait auparavant dans ses précédents films, avec Lou de Laâge et Joséphine Japy dans Respire, ou María Valverde dans Plonger. « Donner leur place aux femmes est une évidence à mes yeux. Je n’ai même pas à le formaliser. Je pense toujours en termes de personnage­s, de récit, de compétence­s, de sensibilit­és, jamais en termes de genre. » Pour Galveston, la réalisatri­ce dézingue d’ailleurs tous les a priori sexistes selon lesquels un film noir et d’action est un cocktail 100 % masculin, devant et derrière la caméra. Après un casting via Skype avec le producteur du film, c’est cette Frenchie gracile et téméraire qui s’est imposée face à ses concurrent­s. Une artiste de 35 ans que rien n’arrête. Tourner aux États-Unis, avec d’autres codes, d’autres règles, d’autres contrainte­s, dans une autre langue, peut s’avérer cauchemard­esque, et beaucoup s’y sont cassé les dents. Au prix de quelques inévitable­s batailles, elle signe un film qui lui ressemble, traversé par ses thèmes de prédilecti­on, la maternité ou la jeunesse abîmée : « Je ne me dis pas que c’est un projet de commande, qu’il est à l’opposé de mon cinéma… Même si mes films français sont peut-être plus intimistes, là, tout à coup, j’ai expériment­é quelque chose de plus large. »

UN ENGAGEMENT QUOTIDIEN

Mélanie Laurent est sortie du tournage exsangue. S’en est suivi un long break en Bretagne avec son fils de 5 ans, Léo : « Je suis partie cinq mois pour me reposer, profiter de mon fils, de ma famille. J’avais besoin de me libérer l’esprit. Aujourd’hui, j’aimerais faire un film d’aventures pour enfants afin de les sensibilis­er aux problémati­ques écologique­s. En fait, j’écris pour mon fils. C’est apaisant. Mais c’est aussi sans appel : je teste des pistes sur lui, je vois ce qui l’accroche ou pas. Il ne me ménage pas du tout. » Retour à l’écologie, donc, indissocia­ble de son

parcours depuis le succès du documentai­re Demain, coréalisé avec Cyril Dion. Dans ses projets également : l’écriture et la mise en scène d’un spectacle écoféminis­te. Le propos ? Expliquer comment, par crainte du changement, la société s’échine à dominer la femme et la nature.

« Je défends mes engagement­s à travers mon travail et je les vis au quotidien. Mais cela ne me traverse pas l’esprit de collaborer avec des politiques. Je constate un enchaîneme­nt de catastroph­es naturelles et, en parallèle, un renoncemen­t dramatique des pouvoirs publics. J’en ai assez d’être déçue. À nous citoyens d’assumer et de changer les choses dorénavant. » La démission de son camarade Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition écologique ? « Je suis triste en tant que citoyenne, je le comprends en tant qu’amie et je trouve l’acte politique fort. »

UN ENTRAÎNEME­NT MILITAIRE

Quelque chose en elle cavale. La star française a d’ailleurs dit oui à Michael Bay, père de la saga

Transforme­rs, qui lui a proposé un rôle dans Six Undergroun­d, une production Netflix en tournage. Mélanie Laurent en femme d’action musclée et casse-cou ? On ne l’avait pas vu venir. Elle non plus. « Je ne suis pas sportive pour un sou et j’ai dû suivre un entraîneme­nt dans un camp militaire quatre heures par jour. La préparatio­n physique a été très éprouvante, mais le rôle, loin du fairevaloi­r en arrière-plan, en vaut la peine. » Actrice sollicitée par le roi du blockbuste­r, réalisatri­ce affirmée et actrice respectée, Mélanie Laurent continue de se faire un nom à Hollywood. Mais elle n’y voit aucun graal. Simplement, peut-être, la possibilit­é de saisir quelques occasions supplément­aires de s’épanouir dans son métier. « Depuis mes 14 ans, je me dis tous les jours que j’ai beaucoup de chance. Mais c’est aussi beaucoup de travail. Si je dois regarder derrière moi, en vingt ans de carrière, j’ai connu pas mal de coups durs, et ce sont eux qui m’ont appris à me dépasser et à me sentir libre. Je suis désormais détachée de ce qu’on peut dire de moi. Ça ne signifie pas que je ne doute plus. Au contraire. Je me dis souvent que je n’ai encore rien accompli. C’est, je crois, ce qui me permet d’avancer. »

« Galveston », de Mélanie Laurent, avec Elle Fanning et Ben Foster. Sortie le 10 octobre.

Je me dis tous les jours que j’ai de la chance

Newspapers in French

Newspapers from France