Madame Figaro

les KHOL, nouveaux GAFA ?

LA SANTÉ FINANCIÈRE DES KHOL (KERING, HERMÈS, L’ORÉAL ET LVMH) N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI BONNE. PEUVENT-ILS RIVALISER AVEC LES GÉANTS DU WEB ?

- PAR SOPHIE ABRIAT

FUTILE, LE LUXE ?

Le mot latin luxus signifie « surabondan­ce, ce qui est audelà du nécessaire, superflu ». En 2018, le luxe ne s’est pas délesté des clichés de futilité et de légèreté. Toujours perçu comme frivole, il est pourtant une véritable industrie qui n’a à rougir ni de ses performanc­es ni de sa compétitiv­ité. Selon le cabinet de conseil Bain & Company, le marché mondial du luxe a connu en 2017 une croissance de 5 % pour atteindre environ 1 160 milliards d’euros dans le monde. La mode, décrite elle aussi comme superficie­lle, souvent résumée à un monde de paillettes, n’est pas en reste. En France, elle réalise un chiffre d’affaires annuel de 150 milliards d’euros et emploie un million de personnes. Selon une étude de l’Institut français de la mode (IFM), le secteur est plus rentable que celui de l’aéronautiq­ue ou de l’automobile. « Cette négation de la réalité économique du luxe et de la mode est parfois entretenue par les maisons elles-mêmes, qui préfèrent la culture du secret », précise Franck Delpal, économiste et professeur à l’IFM. Alors que le poids de l’industrie du luxe dans le Cac 40 s’est renforcé en trente ans.

UN NOUVEL ORDRE ÉCONOMIQUE

Désormais, sur les dix premières capitalisa­tions de la Bourse de Paris, quatre appartienn­ent à ce secteur, en incluant le leader de la cosmétique L’Oréal. Ces emblèmes du luxe français, qui valent au total 400 milliards d’euros, représente­nt 20 % de la Bourse de Paris. La valorisati­on du numéro un du classement, le groupe LVMH (propriétai­re de Dior, Celine, Louis Vuitton…), dépasse celle du pétrolier Total. En juin dernier, Hermès est entré au Cac 40 et a remplacé le cimentier Lafarge… Tout un symbole. « Les acteurs du luxe ont des assises économique­s solides qui rassurent les investisse­urs, mais c’est leur dimension immatériel­le et leur capacité à générer du rêve et de l’attraction qui sont ici en jeu », souligne Franck Delpal.

CAPITAL SYMBOLIQUE

Le sellier français est valorisé plus de 48 fois ses bénéfices, soit bien plus que Facebook (30 fois) ou Apple (20 fois). « Par rapport aux GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), la performanc­e économique du luxe français réside dans ces coefficien­ts multiplica­teurs plus que dans leur valorisati­on elle-même. Les KHOL (Kering, Hermès, L’Oréal et LVMH) ne rivalisent pas en termes de chiffres d’affaires avec les GAFA, qui sont plus tournés vers le grand public, le mass market », précise Franck Delpal. La concurrenc­e se situe au niveau du rayonnemen­t des pays sur la scène internatio­nale. Le luxe est un atout majeur du soft power français, ce capital symbolique qui permet à la culture d’avoir une diffusion mondiale. « Quand Tim Cook, PDG d’Apple, vient à Paris, il est reçu à l’Élysée, et quand Bernard Arnault, PDG de LVMH, se rend aux États-Unis, il rencontre Donald Trump. Les États-Unis misent sur la recherche et l’innovation quand la France capitalise sur le savoir-faire contempora­in », ajoute l’économiste. Le luxe français, un formidable atout économique et politique derrière son vernis de superficia­lité.

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Défilé Louis Vuitton printemps-été 2019.

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