JOANN SFAR Au sein des Beaux-Arts
Joann Sfar a plusieurs cordes à son arc. Romancier, réalisateur de Gainsbourg (Vie héroïque), auteur de BD (Le Chat du rabbin, ou plutôt Les, puisqu’ils sont déjà sept), c’est de son métier de professeur aux Beaux-Arts qu’il nous parle aujourd’hui. Au prétexte d’une table ronde qui réunit enseignants, politiques et élèves autour de la question du harcèlement sexuel dans l’école, il brosse un portrait drolatique, mais non moins inquiétant, de la société actuelle. En travestissant la plupart des noms, puisque les citer expose à des lettres d’avocats et autres recours juridiques qui n’ont d’autre but que de noyer le poisson. N’empêche, une ministre de la Culture y est épinglée pour sa langue de bois – « parler du sujet, c’est déjà le traiter ». Élèves et modèles s’interrogent sur la vérité du harcèlement, et toute la cohorte de précautions (ceintures, bretelles, parachutes et autres décharges...) qui aboutiront à terme à la disparition pure et simple des modèles vivants.
Sans lesquels il n’y a ni dessin, ni art, ni aucun moyen de transmettre, d’enseigner, d’apprendre, de s’entraîner... rien. Petit à petit, de la plume efficace et caustique qu’on lui connaît, à coups d’anecdotes croquignolesques et souvent inquiétantes, l’auteur extrapole à l’art en général, puis à l’ensemble de la société, qui s’emploie à brider toute forme de créativité, voire de communication. Dans un monde régi par le politiquement correct, où l’on ne peut plus rien dire ni rien faire, son livre salutaire qui rue dans les brancards donne à méditer, avant qu’il ne soit trop tard. V. G.