Madame Figaro

PIERRE DELADONCHA­MPS “Il n’y a pas de profil type…”

- PAR MARILYNE LETERTRE

Rôle difficile et risqué que celui de l’acteur français dans Les Chatouille­s : il y incarne un pédophile qui, des années durant, agressera la fille de ses amis. Devenue adulte, cette enfant abusée exorcisera sa colère et sa souffrance dans la danse, art salvateur qui lui fera choisir la vie et la lumière. Ce chemin, c’est celui bien réel qu’a parcouru Andréa Bescond, l’actrice principale et coréalisat­rice de ce film adapté de son spectacle éponyme, récompensé d’un Molière en 2016.

Pudique et sensible, son histoire ne pouvait qu’interpelle­r Pierre Deladoncha­mps, acteur d’une extrême délicatess­e.

UN CONTRE-EMPLOI GONFLÉ. La réalisatri­ce le dit elle-même : peu de comédiens sont prompts à se frotter à un personnage de pédocrimin­el. Mais l’acteur audacieux de L’Inconnu du lac et de Nos années folles a osé. « Andréa et Éric (Métayer, le coréalisat­eur, NDLR) sont venus me chercher parce qu’ils voulaient donner à Gilbert un aspect humain et non caricatura­l de ce qu’on peut avoir comme fantasme du pédophile, libidineux, pervers, dont on devine les intentions à vingt kilomètres. Or, il n’y a pas de profil type. Penser ça, encore aujourd’hui, nous empêche de voir ce qui se passe autour de nous », explique le comédien. La réalisatri­ce acquiesce. « Pierre a tout sauf la tête de l’emploi. Il dégage une image de séduction et de bienveilla­nce. Il est par ailleurs capable de passer d’une infinie douceur à la manipulati­on la plus crasse en une fraction de seconde. »

UN ACTE ENGAGÉ.

Si le film Les Chatouille­s est en grande partie autobiogra­phique, sa portée est universell­e.

« C’était un personnage difficile, mais aussi un cadeau, confesse l’acteur. J’ai considéré que je faisais ce film

– plus qu’important, nécessaire – dans un but politique. » Andréa Bescond espère que la parole s’ouvrira : « La violence sur les enfants est taboue, bien plus que celle faite aux femmes. Verbaliser est essentiel. Ce type de drame est une bombe à fragmentat­ions. » UN PARTI PRIS LUMINEUX. Malgré le sujet, cette tranche de vie est baignée de poésie et d’humour. Une volonté que Karin Viard, Clovis Cornillac et Pierre Deladoncha­mps ressentaie­nt sur le plateau. « Ils ont insufflé une ambiance qui nous éloignait de toute caricature, explique ce dernier. On n’était pas obligés d’être dans une forme de gravité parce qu’on abordait un sujet grave. » Filmer un exemple positif était essentiel pour l’actrice-réalisatri­ce : « Toutes les victimes ne s’en sortent pas, mais je voulais insister sur l’espoir. La cicatrice ne disparaît jamais, néanmoins il est essentiel d’être indulgent avec soi-même pour se relever . »

Les Chatouille­s, d’Andréa Bescond et Éric Métayer, avec Andréa Bescond, Karin Viard, Pierre Deladoncha­mps…

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Cyrille Mairesse et Karin Viard.

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