Madame Figaro

FRANÇOIS OZON Homme de foi

- PAR MARILYNE LETERTRE

Dans le réalisateu­r suit le chemin de croix de trois hommes qui, victimes d’un prêtre pédophile pendant leur enfance, réclament justice auprès de l’Église et des tribunaux. Inspiré de l’histoire vraie des Lyonnais de l’associatio­n La Parole Libérée, son film est un exemple d’intelligen­ce, d’épure et de recul sur un sujet aussi sensible qu’essentiel. Mais c’est aussi et surtout une bouleversa­nte fresque intime transcendé­e par les performanc­es de Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud.

Madame Figaro. – Pourquoi avoir décidé de raconter cette histoire ? François Ozon. – Je voulais faire un film sur la fragilité masculine et je suis tombé sur le site de La Parole Libérée, et le témoignage d’Alexandre (Melvil Poupaud à l’écran, NDLR). Je l’ai rencontré ainsi que d’autres victimes et j’ai commencé mon enquête, en songeant d’abord à en faire un documentai­re. Je voulais filmer ces personnes que j’aimais et qui étaient acteurs de leur vie. Mais, eux, imaginaien­t autre chose : ils avaient déjà tellement témoigné… J’ai alors suivi leur désir de fiction.

Comment ne pas tomber dans le film à charge ?

Il aurait été injuste de condamner une religion et ses croyants à cause d’un criminel comme le père Preynat ou du silence complice du diocèse du cardinal Barbarin. Par ailleurs, plus que le fait divers, je voulais raconter une histoire universell­e sur la foi, la transmissi­on, le lien familial. J’ai alors articulé le scénario autour de trois hommes aux parcours très différents pour trouver une forme d’équilibre.

Avez-vous rencontré des freins au cours de la production ?

Il n’a pas été aisé de financer le film : la pédophilie n’est pas un sujet bankable et il y avait des pressions sur les financiers… Le service public nous a heureuseme­nt suivis. Nous avons ensuite tourné les extérieurs à Lyon sous un nom de code, et les scènes d’église en Belgique pour éviter les pressions. Aujourd’hui, je sens une certaine nervosité, sans doute en raison des procès toujours au coeur de l’actualité.

Pensez-vous que le film puisse avoir un impact sur cette affaire ? J’espère que la prise de conscience s’enracinera et que les actes suivront. Malgré ses aveux, le père Preynat n’a pas été destitué et a travaillé pendant trente ans au contact d’enfants, sous couvert du pardon catholique.

J’ai pourtant rencontré beaucoup de croyants qui attendent que l’institutio­n se remette en question et que la page se tourne enfin, pour que l’amalgame entre l’Église et la pédophilie n’existe plus.

Grâce à Dieu,

 ??  ??
 ??  ?? Melvil Poupaud, François Ozon et Bernard Verley sur le tournage de Grâce à Dieu.
Melvil Poupaud, François Ozon et Bernard Verley sur le tournage de Grâce à Dieu.

Newspapers in French

Newspapers from France