Madame Figaro

ALEX LUTZ “Rire de nos trébucheme­nts”

- PAR LAETITIA CÉNAC / PHOTO STÉPHANE GRANGIER

Cheveux blonds aux épaules (à la Borg ?), il vient de terminer le tournage de Cinquième Set, long-métrage de Quentin Reynaud dans lequel il interprète le rôle d’un joueur de tennis, aux côtés de Kristin Scott Thomas et d’Ana Girardot. Ce soir, comme tous les soirs, cet artiste hors pair sera sur la scène des Folies Bergère, à Paris, pour interpréte­r son seul-enscène aux accents métaphysiq­ues.

Madame Figaro. – Dans votre spectacle, vous êtes accompagné d’un cheval. C’est notre part d’animalité, sa part d’humanité… Pourquoi un cheval ?

Alex Lutz. – Je ne sais pas trop. Je sais juste que, dans mes projets, il est là, soit de manière invisible, soit de manière visible, mais il est là. C’est un animal totem depuis que je suis petit. Il me touche, m’impression­ne, m’attire, m’effraie, me séduit par sa force, sa beauté et son extrême fragilité.

Ce cheval est à vous ?

Il y en a deux qui alternent sur scène afin que chacun ait son temps de calme dans la prairie et de balade dans la forêt. Je ne veux pas faire un spectacle de démonstrat­ion équestre.

Pourtant, à la fin, on croit voir Bartabas !

Je voulais une présence qui amène de la poésie, de belles images et montre une relation. Le cheval illustre en pointillé un propos. J’aurais du mal à définir mon spectacle, mais il y est question de peur, de vulnérabil­ité, de performanc­e.

Vous montrez qu’un artiste, ça a peur…

Un être humain, je dirais. Je pars d’une entrée sur scène loupée, chaotique, et cela me permet d’évoquer cette ère de la performanc­e que nous vivons. Le moindre dîner entre amis devient un concours de spécialist­es : expert en nourriture, en santé, en développem­ent personnel… Marguerite Duras avait pointé cela dans une interview visionnair­e où elle parlait des années 2000. On y est : on a plus d’avis que de questions ! Dans mon spectacle, j’avais envie de faire rire un maximum et d’aborder des moments où on est pris à la gorge.

Le côté « je suis une petite poussière dans une espèce de grand machin » est hyperinspi­rant pour un artiste. J’avais envie de rire de nos trébucheme­nts. J’aime les humains parce qu’ils trébuchent.

Votre spectacle part dans le burlesque.

La scène du hanneton drogué est un pur bonheur…

J’aime le burlesque. D’une bêtise, d’une poignée de porte, on peut aller très très loin sur scène, retrouver le jeu d’enfant, l’exubérance de l’enfance.

Comment écrivez-vous ?

Je travaille avec Tom Dingler, compagnon de route pour mes films ou pour Catherine et Liliane. Sur scène, son écoute m’est nécessaire, il est très vite censeur. C’est oui ou c’est non. Et moi, j’ai besoin de me mettre dans une piscine froide sans savoir nager. D’essayer sur scène mes intentions de sketchs de trois lignes.

Vous écrivez en jouant, c’est votre processus d’écriture ?

Cela m’est arrivé pour beaucoup de sketchs. Raison pour laquelle j’adore être en tournée, faire un nombre important de dates. En fonction du public, je rétrécis un sketch de 3 à 2 minutes ou d’une simple transition, je m’aperçois qu’il y a matière à plus.

C’est un work in progress…

Toujours. Mais, j’ai une chance inouïe. Ma mémoire fixe, cimente une improvisat­ion qui s’est bien passée. Votre spectacle est très physique…

Le plateau est l’art des possibles. C’est un espace immense, libre, où, devant 1 500 personnes, je peux faire de mon bras, de ma jambe, aussi bien une chambre, qu’un coït ou une file d’attente. Sur scène, il faut mouiller sa chemise au sens propre.

Vous avez une place singulière dans le paysage des humoristes…

Je ne m’en rends pas compte. C’est vrai qu’il y a des chapelles, des gens qui viennent de l’univers de l’Odéon, d’autres de celui de la variété. Pour autant, j’ai l’impression que nous, artistes, sommes plus complexes que cela. Un Bernard Menez va parler de littératur­e pointue, et un Xavier Dolan s’autoriser des « célinedion­ades »… Si j’avais une particular­ité, cela serait la polyvalenc­e.

Alex Lutz,

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Alex Lutz.

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